2008, mon premier passeport, mon premier voyage sur un autre continent. Insouciante et décontractée, j’ai à peine préparé ce voyage qui m’emmènerait pourtant à la découverte du Québec, de la Nouvelle-Angleterre et de l’Ouest américain. À peine de retour, je n’attends même pas que l’on me pose la question : je repars illico presto, et seulement une poignée de mois après, je m’installe 7 mois à Montréal dans le cadre d’un stage.

Le décollage de Montréal a été extrêmement difficile. C’était la première fois que je rentrais réellement en France, et j’ai pleuré presque tout le vol sur mon siège de 20 cm². Puis je suis rentrée dans ma ville natale, ma ville de cœur que j’adore toujours autant, Lyon. L’adaptation est difficile mais ma vie ici est très agréable et j’en suis très satisfaite, pas seulement parce que j’y ai mes proches et mes habitudes, mais surtout parce que j’ai l’impression que même après 12 ans de vie ici, je découvre et redécouvre toujours de nouvelles ruelles et de nouveaux recoins. J’ai une soif intarissable de découverte de ma région, et tous les jours je me dis que même si ma vie est loin d’être parfaite, je suis bien, ici. Mes proches ont pensé que ma soif de découverte était enfin assouvie. Et pourtant…

Et pourtant, deux ans après, je suis repartie plusieurs mois pour explorer les routes nord-américaines, sac-à-dos sur le dos, tente à la main. Des milliers de kilomètres sur les rails et des milliers de kilomètres sur les routes. Montréal, Chicago, Washington, St. Louis, Seattle, San Francisco, Salt Lake City, Denver… Ces villes ne sont, à chaque fois, que le point de départ pour s’enfoncer plus loin dans les terres, celles qui me nourrissent, m’enrichissent et me ressourcent comme un terreau qui a besoin de nouveau matériau pour devenir plus fertile encore. Les parcs nationaux sont la raison pour laquelle je repars toujours sur les routes américaines. Je me sens submergée par la beauté des paysages, de la faune, de la flore, et des gens. Parcourir ce pays, c’est aussi gratter sa surface. Constater la violence et la ségrégation dans les États du Sud, voir la pauvreté extrême des zones rurales, et se sentir désemparé à la vue des personnes SDF, errant au pied de manoirs magnifiques en Californie. 4 mois de découverte, de joies et de peines.

Le retour est lui aussi toujours un mélange de tristesse et de joie. La joie de retrouver mes proches, mes petites habitudes, et cette région que j’aime tant. La tristesse de renoncer à l’imprévu, et la déception à l’idée de ne plus pouvoir choisir une nouvelle destination et ma nouvelle route en regardant une carte chaque matin.
Et cette fameuse question qui revient : « Et… tu repars quand ?« . Cette fois-ci, tout le monde l’a bien compris, je repartirai forcément. Et deux ans plus tard, le compte en banque péniblement renfloué, je repars, pour 3 mois. Encore une fois sur les routes américaines et canadiennes, cette fois-ci en mettant l’accent sur les grandes villes, ces villes qui m’auront exaltées autant que fatiguées moralement et ruinées financièrement. New-York, Montréal, Calgary, Vancouver, La Nouvelle-Orléans, Austin… Et enfin l’apaisement, l’Ouest américain, mon deuxième chez-moi. Retourner à Las Vegas, cette ville futile dans la poussière, pour pouvoir la fuir au plus vite au profit de mes hauts plateaux d’Utah. Cette odeur unique du désert, ses couleurs incomparables, et ses sons, uniques. Retourner aux mêmes endroits, retrouver également mes petites habitudes, en quelque sorte. C’est aussi découvrir de nouveaux endroits, ou en redécouvrir certains sous un autre visage, pendant une autre saison. Je ne suis pas une boulimique de voyage, je veux pouvoir le digérer tranquillement.

Puis je rentre, encore. Je reprends ma vie à l’endroit où je l’ai laissée. Je décide que, pour une fois, je n’aurai pas l’objectif prochain de repartir, et je vais me concentrer réellement sur ma vie sans regarder trop de l’autre côté de l’Atlantique. Au quotidien, je pense tout de même à mes parcs nationaux, en sachant que je saurai vite les retrouver, mais qu’il ne faut pas que ce soit une obsession. Et mes proches qui me demandent : « Et… tu repars quand ?« . Pour une fois, je ne sais que répondre, j’ai l’impression d’être dans le moment, et heureuse de l’être. Pourtant… je ne me mens pas. Je rêve à de nouveaux projets de voyage sur plusieurs mois, et je fais régulièrement des itinéraires sur Google Maps « juste pour m’amuser ». J’ai deux pieds ici, et un pied là-bas (c’est possible, d’avoir trois pieds ?!). J’ai envie de comprendre les territoires et j’ai envie de les connaître en profondeur. Je n’arrive pas à passer à autre chose, je n’arrive pas à aller ailleurs.
Je rêve de là-bas, je rêve d’ici, aussi…
Et si avant d’être une voyageuse, j’étais avant tout une rêveuse ?

Et toi, tu repars quand ?

isa

Amoureuse des Etats-Unis, de l'Utah et du voyage en train, j'ai passé 7 mois à Montréal en 2010, et j'en ai profité pour découvrir la Nouvelle-Angleterre en long, en large et en travers !
Mon coup de cœur avec Montréal date de 2008, et d'un mois estival là-bas... Depuis, je ne fais qu'y retourner !

J'ai réalisé deux tours des Etats-Unis (& Canada) en 2012 puis en 2014. Plusieurs mois sur les routes, c'est formateur... De retour à Montréal en 2019-2020 pour un PVT, avant de raccrocher !
Sur PVTistes.net, j'aime partager mon expérience sur le forum, dans des dossiers thématiques ou même en personne ! Vous me croiserez sûrement à Lyon, ma ville de cœur.

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(14) Commentaires

Kenza I |

Il est beau ce texte Isa, et comme tu t’en doutes il me parle beaucoup !

Vanessa I |

Je repars bientôt dans 3 mois… C’est plutôt ma mère qui m encourage à repartir alors que le reste de mon entourage est moins enthousiaste… Rien n’y fait je suis décidée.

Julia I |

Très beau texte, je crois que chacun d’entre nous peut s’y reconnaître.

isa I |

Merci beaucoup Julia !

Marie I |

Je repars au printemps. Deux ans et demi que j’économise depuis mon retour. Pas un jour sans me demander « quand est-ce que je repars ? », échafauder des plans, refaire mes comptes prévisionnels, errer sur Google Maps… Pourtant, il y a aussi des questions, des moments où l’envie faiblit, où je me sens fatiguée d’avance à l’idée de planifier, bouger, voir, rencontrer, absorber. Alors je pense à ces minutes d’euphorie, au moment du décollage, quand je me dis « ça y est, je pars ! », et que pendant quelques secondes j’ai l’impression de pouvoir TOUT faire. Et même sur ma chaise de bureau, j’ai l’impression de toucher du doigt ce sentiment énorme. 🙂

isa I |

Tu décris bien tout ça… C’est vraiment super grisant !

tiphaine I |

Nous on repart début juin avec notre tente…..et il me tarde, car je sais que ça va être beau, très trèsbeau, en tout cas c’est toujours un plaisir de te lire Isa 🙂

Hélène I |

Oh que oui que ça va être beau <3

Marion I |

Ohhh super récit dans lequel je me retrouve tant !!! <3

isa I |

Merci Marion <3

Annaïk I |

Super texte Isa! 🙂
C’est vrai que cette question elle est assez entêtante mais ne trouve pas toujours de réponse…

isa I |

Idem… 🙂

Hélène I |

Encore un magnifique texte, qu’est ce que j’aime te lire… <3
Moi je repars, je suis déjà repartie en fait. Mais je ne sais pas si je ne vais pas repartir quand même :p

isa I |

Merci beaucoup Hélène !