1. #1
    Avatar de Lilou
    Julie

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    Avant ?
    J-1
    Jour 1

    Jour 2 - Et si...

    J’ai mal dormi… à peine quelques heures, j’ai tourné, j’ai viré… ce n’est pas possible, je ne vais jamais tenir si je dors aussi peu

    La cloche sonne, il est 4h. En marchant dans le couloir vide, j’ai les yeux qui se ferment et je me revois, quelques années en arrière, au temps où j’étais en hypokhâgne et où il m’arrivait de me lever à des heures aussi folles pour finir des devoirs. Je trouve ça déprimant, je n’ai pas du tout envie d’aller « en cours » mais je me dis que mon séjour ici ne dure que dix jours et qu’un minimum d’investissement est nécessaire si je veux le mener à bien. Je pense au cours de yoga et conviens que si je ne me sens vraiment pas bien, je pourrais m’endormir au son calme de la voix de Lela…

    Je tiens une heure, à faire des étirements, des acrobaties, des tours d’équilibre et de souplesse – pas des plus gracieux - et pendant la dernière demie heure, je reste allongée et m’endors à moitié. Un petit coup d’œil sur la gauche me suffit pour voir que Camille a elle aussi succombé…
    J’essaie en vain de me concentrer pendant le cours de méditation. Passent devant mes yeux un beignet, lui, l’accrochage avec le van en Nouvelle Zélande, eux et je m’évade de cette salle silencieuse et concentrée jusqu’à m’endormir, la tête repliée sur les genoux. Comme avant chaque séance de méditation, le moine aborde un nouveau point et aujourd’hui, il tient le discours suivant : la vie doit être faite de choses simples et l’on doit faire abstraction de ces choses superflues auxquelles la société nous a rendus dépendants.

    La nature est prépondérante, elle doit être respectée. Cela inclue qu’aucun animal, aucun insecte ne doit être tué, pas même la grosse araignée dégoûtante que vous voyez en vous allongeant sur votre lit L’amusement ne fait pas partie du processus menant au bonheur, il est futile et source de souffrance. Cela nous sera expliqué dans quelques jours...

    Je pense à Cam’, à notre éclat de rire lorsqu’en Australie, on a déclenché l’alarme de la voiture dans laquelle on dormait incognito sur le parking d’un hôtel, sans avoir – a priori – le droit d’y être. Je pense à certains délires que j’avais avec Mat, à l’arrêt du street car 506 à Toronto, je pense à Homehill et je souris. J’ouvre les yeux puisque de toute évidence, je ne suis pas « dedans » et je regarde autour de moi. Je me sens agitée comparée aux autres, si calmes, alors que moi… moi, je pense à ces gens qui font que ma vie est si belle, qui font que chaque jour je ris au moins une fois depuis des mois, depuis des années. Je me dis que rire, c’est l’une des plus jolies choses au monde et que sans elle, je m’éteins. Je réalise un peu plus encore que ma vie m’apporte ce que j’attends d’elle.

    Et là, je me demande « et si… ». Et si ma venue ici n’avait pas pour but de m’initier à la méditation mais de réaliser que j’aime ma vie, que j’aime ma vie de « pécheresse », que j’aime manger, dormir, parler, rigoler, embrasser mon chéri…
    Olivier avait sans doute raison lorsqu’il disait que si la pratique de la méditation n’aboutissait pas, tout ne serait pas perdu, que l’on aurait dans tous les cas vécu une expérience hors du commun. J’ajouterais que je n’aurais pas le sentiment d’avoir perdu mon temps, qu’au contraire. Cette prise de conscience concernant ma vie et ceux qui en font partie ne peut être que bénéfique pour la suite et puis, je me serais trouvée dans un état de zen-attitude jamais atteint.

    Il faut dire que tout est fait ici pour que ce soit le cas. Nous devons rester silencieux. Que ce soit pendant le cours de méditation, pendant le déjeuner, pendant les pauses. Qu’il y ait des gens ou pas autour de moi, les seuls sons que j’entends sont ceux faits par les oiseaux, par le vent dans les arbres, par de l’eau qui coule et – je n’en avais pas vraiment conscience avant – c’est très relaxant. S’ajoutent à cela les heures passées à respirer avec le ventre, de façon profonde et lente, qui mettent le corps dans un état de détente totale. Quand à cela, se mêlent de jolies pensées, de beaux souvenirs, des projets encore plus beaux peut-être, il n’y aucun moyen de se sentir mieux. Voilà comment je me sens, en ce Jour 2.

    Pendant le cours de Dhamma, le moine explique que les sentiments pour les gens sont assez complexes et qu’ils peuvent devenir néfastes, car lorsqu’on perd un être aimé, on est triste et on ne peut plus envisager le bonheur. Oui, mais non… Je suis spontanée, je veux vivre ma vie à 100 à l’heure, pas forcément en vivant des choses extraordinaires en permanence mais j’aime croire en une relation tant qu’elle n’est pas finie, j’aime profiter des gens que j’aime sans vraiment penser qu’un jour ils ne seront plus là. C’est dur de perdre quelqu’un je le sais, mais pour rien au monde, je me priverais de ces gens qui m’entourent et des moments géniaux passés avec eux.

    C’est comme si pour moi, la douleur faisait partie de la vie, qu’elle contribuait à sa façon au bonheur. C’est en vivant des choses difficiles que j’arrive à apprécier encore mieux les belles choses qui m’arrivent et à prendre avec plus de recul ces choses plus futiles auxquelles je pouvais porter trop d’intérêt avant…

    Autour de moi, certains semblent vraiment concentrés, en plein travail de méditation. Je me demande s’ils le sont vraiment ou s’ils se donnent du mal pour y parvenir, nuance intéressante… Je ne mange pas beaucoup ce midi, j’ai même l’impression de manger de moins en moins. Je me lasse de la nourriture, et – ils ont réussi – je ne prends plus aucun plaisir à manger.
    L’heure du repas est tout de même celle que j’attends avec impatience car elle rime avec pause.

    Nous n’avons pas l’heure ici, la cloche le matin nous réveille, elle nous annonce la fin/le début d’un cours. Les repas séquencent la journée en trois parties dont la première est shamallowique, la deuxième, longue et la dernière, quasiment inexistante pour ma part…
    Ce cours de Dhamma est très intéressant car il a pour sujet le passé et le futur. Ceux-ci doivent être oubliés. Le passé, comme son nom l’indique, est passé. S’il est synonyme de souffrance, il ne faut pas qu’aujourd’hui encore, il provoque en nous une quelconque douleur. Quant au futur, il n’est pas encore d’actualité, il est donc sans intérêt de s’y intéresser de trop près. Le passé et le futur sont deux éléments de souffrance très fréquents chez les gens « mal éduqués » (comprendre, ceux qui n’ont pas trouvé dans le Bouddhisme, une ligne de conduite).

    Je suis d’accord avec le principe même si je le trouve difficile à appliquer. Il est vrai que si l’on pouvait parfois oublier un bout de notre passé et ne pas gâcher le moment présent avec des craintes concernant notre futur, tout pourrait aller mieux…
    Je n’aime vraiment pas la walking meditation… Aujourd’hui est un grand jour ! Je décide de ne plus faire ma marche comme tout le monde et je choisis, a la place, d’aller dormir ! A l’autre bout du dortoir, j’entends siffler…

    Je rapplique aux toilettes et je vois Camille, penaude qui me demande si elle peut me parler – je lui dis qu’il n’y a pas de souci, que je ne suis pas suffisamment immergée dans la méditation pour considérer sa voix comme un élément perturbateur. Elle me fait part de ses doutes, moi des miens, je lui dis que je pense être hermétique a la méditation. Elle me dit de ne pas me faire de jugement hâtif et d’attendre un peu de voir l’évolution des choses…

    Le professeur rappelle que si la méditation n’est pas encore maniée avec agilité, c’est normal, qu’il faut attendre quelques jours et qu’il n’y a aucune inquiétude à avoir. Il faut maintenant se concentrer sur sa respiration, savoir si elle est rapide ou lente, agréable ou pas, douce ou forte. En d’autres termes, la ressentir vraiment. J’arrive à savoir si elle est lente ou pas bien sûr, agréable ou pas, mais pour moi, ce sont encore des pratiques peu naturelles et en me concentrant sur ma respiration, en essayant de l’évaluer, voici à peu près ce qui se passe dans ma tête. « J’inspire… j’expire… Là, je dois penser à ses caractéristiques… Euh, elle est lente, ah attends, j’inspire, j’expire ** pensée perturbatrice ** Non, là, tu es censée penser à ta respiration, concentre toi ** nouvelle pensée perturbatrice ** Elle est profonde, assez agréable je dirais, j’inspire… Arrête de penser à ça… ». J'ouvre les yeux, je regarde autour de moi.

    Tout le monde est en position, l’air serein, pfff… Je réitère la manœuvre, sans bien plus de succès. Au moins, je suis détendue !
    La nonne nous parle de son expérience - a ses débuts dans l’univers de la médiation - et dit que pour bien respirer, il faut oublier le passé, chasser ces pensées négatives qui nous envahissent et nous empêchent de méditer. Je me sens incomprise. Je vois des gens tristes ici, des gens qui vivent mal le fait de ne pas y arriver, et au vu de ce que dit la nonne, sûrement que certains parmi nous ont un passé difficile à mettre de côté, mais moi, je ne suis aucun de ceux-là, je me sens bien ici et ce sont des pensées positives qui me « perturbent ». Vous ma famille, vous mes amis, vous ne m’aidez pas, je vous vois, je vous entends et vous me manquez…
    L’heure du cours de musique arrive Comme convenu, je vais vous parler de ce que l’on chante pendant ce cours, qui constitue un de ces rares moments sympa de la journée. On parle de privation, de vie simple, de ne pas jouer, chanter, écouter de la musique, manger pour le plaisir. On parle de mauvais refuges – montagnes, temples – et de vrais refuges, ceux atteints grâce a la méditation et au Bouddhisme.

    On chante les premiers mots de Bouddha, les derniers, on dit que chaque naissance apporte un peu plus de souffrance sur la planète et que le contact avec les gens entraîne des sentiments qui entraînent des naissances qui entraînent de l’ignorance qui entraîne de la souffrance. Je chante bien plus pour le plaisir de chanter, de faire sortir des sons de cette gorge toute enrouée maintenant, que pour le contenu des chansons (je vous imagine parents, frérot, tante, vous dire « ça alors, ce n’est pas du tout son genre à la Julie de chanter ce genre de choses ». En effet, mais en venant ici, je savais un peu à quoi m’attendre de ce point de vue là, alors je joue le jeu…

    Après la pause chocolat chaud, j’ai du mal à méditer, je suis vraiment fatiguée et je ne vois décidément pas l’utilité de cette marche nocturne, qui sera sans doute la dernière...
    La dernière demie heure de méditation se fera à l’horizontal, dans ma chambre, je ne tiens plus…

    La suite ?
    Jour 3
    Jour 4
    Jour 5
    Dernière modification par Lilou ; 18/02/08 à 07:15.

  2. #2
    Avatar de Bouille
    Mélanie 40 ans

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    Le matin quand j'arrive au travail maintenant, j'imprime mes rapports pour la journee et je cherche ton nouvel article...
    Un plaisir a lire!
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  3. #3

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    Plus je lis tes articles, plus je me dit que ma petite vie est vraiment bien. De mon coté, je sais très bien que je ne pourrai pas vivre dans ces conditions et avec cet état d'esprit même si après chacun est libre de faire comme bon lui semble.
    En tout cas, ca fait quand même 2 jours que tu as tenu ^^ c'est pas mal, on attend la suite

  4. #4

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    Cela fait a peu pres 15 jours que je me suis remise a lire ton blog, la thailande et les photos paradisiaques aidant, nous suivons (avec envie!) tes aventures avec Sophie depuis Vancouver. Je voulais te laisser un com, mais comme c'etait un truc bete du style: ah non je crois que j aurai pas pu juste en ce qui concerne la bouffe! je crois que cela m aurait vraiment pese, et s endormir avec la faim au ventre, c est pas cool du tout!
    Sinon, c est interressant ce que le moine vous enseigne , a savoir de faire abstraction du passe et du futur (j ai d ailleurs ecris qq mots a ce propos sur mon blog), c'est un reel probleme chez moi, et c est clair que cela parasite mon avancee dans la vie. Si tu as trouve la recette pour etre moins nostalgique et moins angoissee quand a l'avenir , je la veux bien!
    bises et bon trip au Cambodge ou ailleurs!
    ps; allez plutot dans un camp d'arts martiaux, ca vous defoulera!