Je fuis le job auquel je me rends tous les jours, je fuis cet ascenseur pris et repris, cette rue maintes et maintes fois empruntée, ce voisin que je n’apprécie même pas, ce métro que je connais par cœur. Je fuis mes incertitudes quant à mon avenir, professionnel et personnel. Je fuis une routine, pas déprimante, loin de là, mais pas bien trépidante pour une jeune fille de mon âge.

Je recherche une vie plus inconsciente, plus libérée. Je recherche des challenges, des difficultés, des expériences, bonnes ou mauvaises, ayant pour point commun de m’apprendre ce que je crois connaître du fond de ma petite vie tranquille, de me forger, peut-être même de me changer. Je recherche un moyen de ne pas m’entendre dire dans quelques années, « j’aurais tant aimé… » ou « si j’avais su… », un moyen de regarder derrière et devant moi en me disant que ma vie vaut la peine d’être vécue, qu’elle me correspond, qu’elle correspond à mes attentes, qu’elle comble mes incertitudes et mes angoisses.

Bref, on peut dire que je recherche à atteindre le bonheur tel qu’il est défini dans mon dictionnaire, à le toucher du doigt, ne serait-ce que temporairement, ce qui serait, je le sais, déjà une chance en soi.

C’est pourquoi je suis aujourd’hui, sac à dos sur le dos, dans une ville de l’île du sud de la Nouvelle Zélande.

Plus de six mois se sont écoulés depuis que mon aventure de pvtiste en Australie a commencé, six mois pendant lesquels j’ai été professeur de français à Sydney, j’ai voyagé en Tasmanie avec ma maman venue me rendre visite, j’ai vécu une jolie histoire d’amour à Melbourne, j’ai travaillé près de Cairns pendant trois mois en tant que ramasseuse et emballeuse de fruits, j’ai voyagé sur une côte est aux paysages déconcertants, aux eaux turquoises, au soleil de feu, j’ai rencontré des gens géniaux, des copains d’un soir, des coups de cœur de quelques semaines, des gens que j’aimerais appeler « amis » à plus long terme.

Ces six mois sont de loin les plus marquants, les plus beaux de ma vie et je sens que ces six mois se transformeront bientôt en ces neuf mois puisque je prévois de traverser l’Australie du sud au nord, en passant par le désert et que c’est en Asie que je m’envolerai ensuite, direction Singapour, la Thailande, le Laos, le Cambodge, le Vietnam, la Malaisie et l’Indonésie…

Ai-je trouvé ce que je recherchais ?

Suis-je libérée ? Oh que oui ! Inconsciente ? Hummm… Je dirais plutôt aventurière. Ma vie de voyageuse solitaire, mon saut en parachute, oui on peut dire que je me suis fixée de bons challenges ! Des difficultés, j’en ai connues et des expériences, c’est bien de ça que sont faits ces six mois australiens !

Changer ? Je crois bien que je n’ai pas pu y échapper…

J’aime ces changements qui se sont effectués sur ma façon de voir la vie, de la prendre plus sereinement, de mieux cibler les choses qui valent la peine que je m’y intéresse et celles qui ne méritent pas plus que mon indifférence. Mon initiation à la méditation pendant dix jours dans un temple thaïlandais début août, je l’attends, j’en espère. J’en suis sûre, elle m’apportera elle aussi !

Ici, pas de « si », pas de « j’aurais aimé ». Je veux… si je peux… je fais !

Quant à mes attentes, elles restent souvent dans le flou et mes angoisses ne me lâchent pas par moment. Ces deux-là sont sans doute des camarades plus ingrates que les autres…

Alors ? Suis-je heureuse ? Ma vie me convient-elle ? Suis-je prête à vivre ainsi pour de bon ? Que fuis-je encore ? Quelles sont ces choses que je recherche ?

Je fuis un sac à dos trop lourd, ce geste tant de fois effectué d’une main à la recherche d’un vêtement, d’un médicament, d’un objet dans un sac à dos énorme, que l’on peine à fermer.

Je fuis un manque de confort évident, je fuis l’instabilité, ces rêves les yeux ouverts que je fais en pensant à ma famille, à ma chambre, à la rue que je prenais pour aller chercher le pain, à ces rares magasins ouverts le dimanche auxquels je me rendais après être allée au marché, à ces journées télé, ordinateur, pyjama.

Je fuis ce sentiment étrange, lorsqu’on vit dans un van, de n’avoir nulle part où aller avant l’heure de se coucher, cette impression de errer en attendant que le temps passe, de ne pas avoir de toit, car la nuit tombe à 5 h 30 et qu’allumer la lumière de notre home sweet home engendrerait, à coup sûr, la mort de sa batterie.

Je fuis ces recherches intensives menant à des intrusions inconfortables dans des auberges dans l’unique but de prendre une douche – dans le meilleur des cas – je fuis ces journées sans douche, qui, à la longue, deviennent pesantes…

Je recherche un peu plus de stabilité, un peu moins de tracas relatifs à l’argent. Je repense à ma vie passée, à ma vie posée, à ma vie que j’aimais beaucoup, tout en voulant la fuir pour les choses que je vis aujourd’hui et qui me ramènent à elle, envieuse de l’ancienne moi, qui rêvait tellement d’être mon moi actuel…

La vie « routine », pour dire les choses de façon assez simpliste et la vie de backpacker ont pour point commun de trouver dans l’autre le moyen de combler leurs failles respectives. L’action vient animer une vie trop stable et la stabilité vient apaiser une vie sans doute un peu trop active.

Comment trouver un juste milieu ? Un milieu qui m’apporte un peu de chaque mode de vie ? Vais-je toujours ressentir un manque, une frustration, un désir d’autre chose ? Vais-je toujours chercher à fuir quelque chose que j’ai et rechercher ce que je n’ai pas ? Est-ce le résumé de tout ? Est-ce ce qui explique que parfois j’envie des gens qui m’envient tant, moi qui voyage ici et là ? Est-ce pour cela que sûrement, lorsque j’aurai retrouvé le genre de vie que je menais avant, avec un job, un ascenseur, un voisin, un métro, une routine, je sourirai en pensant à ces années où je voyageais ?

Ce qui est sûr, c’est qu’on ne m’entendra pas dire « j’aurais tant aimé » ou « si j’avais su »…

Récit publié initialement en 2007. Suite de ce récit : Souffler mes 31 bougies sans regret.

Autres récits de Julie :

Julie

Cofondatrice de pvtistes.net, j'ai fait 2 PVT, au Canada et en Australie. Deux expériences incroyables ! Je vous retrouve régulièrement sur nos comptes Insta et Tiktok @pvtistes avec plein d'infos utiles !
Cofounder of pvtistes.net. I went to Canada and Australia on Working Holiday aventures. It was amazing!

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(57)Commentaires

Kapucina I |
Salut Lilou,

Bravo et merci pour ton texte, melange d'emotions et de spiritualites... Je pense que chacun se retrouve dans tes mots...
Bon route !
Julie I |
Merci beaucoup pour vos réponses, une fois de plus, ca me touche beaucoup (surtout pour CET article )
Je suis arrivée en Australie, je ne pensais même pas aller en Asie un jour. Des rencontres m'ont fait envisager la chose, je savais que jírai en Thailande, au Vetnam, au Laos et au Cambodge mais je n'ai réservé que mes billets Australie - Singapour, Singapour - Thailande (les sites du genre tiger airways, air china, vietnam airlines permettent de voyager pas cher en Asie ). Ma compagne de voyage, Camille devait partir le 21 septembre mais elle a pu modifier sa date de retour en France et donc on dispose de quelques jours de plus. Un jour, mi aout, on est allées sur internet et on a tout réservé, et notamment nos billets imprévus pour Kuala Lumpur, en Malaisie et l'Indonésie !
Donc finalement, on peut dire que c'est de l'organisation improvisée

Niveau budget : J'ai pas mal bosse en Australie, en fruit picking notamment mais après la Nouvelle Zélande et la traversée du désert australien, mes finances n'étaient pas merveilleuses. Il me restait heureusement, un peu d'argent sur mon compte français. En parallèle, pendant la traversée du désert, on a dormi pendant deux semaines dans la voiture avec Camille et on a réduit au minimum nos dépenses, parfois en employant des moyens non légaux, passons...

Ce qui fait que j'ai reussi a avoir un budget sympa pour l'Asie, qui me permette d'en profiter (des petits massages, un saut a l'elastique, un cours de boxe thai etc.), même si aujourd'hui, à trois semaines de la fin de ce trip, il ne me reste que quelques centaines d'euros pour tenir, ça devrait aller...

J'espère avoir répondu a vos questions. Deux conseils si vous allez en Asie : 1. emportez des dollars, qui sont utilisés au Vietnam, au Cambodge et au Laos (car quand ils convertissent le prix dans la monnaie locale, ils appliquent un taux désavantageux pour nous), 2. Faites de bonnes petites économies pour pouvoir vous lâcher, ah et puis un troisième, n'emportez que peu d'affaires, c'est mieux de voyager léger et vous allez acheter plein de choses ici !
Yanaki I |
L'asie c moins cher que l'australie deja... encore moins si tu vas dans des coins isoles, donc c'est deja ca un atout ! enfin j'imagine !

Interessant ton recit, c'est captivant ! pi c'est mieux de faire des pays moins developpes mais riches culturellement, c'est une vision du monde tel qu'il est rellement !
le canada, l'australie, japon et NZ : c'est facile... ce que tu fais c'est deja autre chose !

la recherche de la liberte, je pense que c'est ca qui pousse au voyage, meme si il y a un cote tranchant !
une recherche d'ideal ! dailleurs c'est rassurant de voir qu'on est pas mal ici a se dire "bon dans 10 ans mon passeport aura pas assez de pages"

J'espere que grace a ca, ca te rapproche d'une paix et d'une liberte qu'au fond de nous on recherche tous, mais que si peux trouvent un jour !
Géraldine I |
Lilou, j'aime ta manière de décrire les émotions et interrogations qui nous traversent tous.

loicf, j'pense que tu tapes juste.

Comme Sista et murielj, je me demande si tu planifies tout çà comment tu te finances ?

Pour revenir sur l'Asie, j'attends tes prochains articles. Je suis passionnée par l'Asie pour le mélange de tradition, spiritualité, modernité, paysages et surtout pour les gens.

J'étais en Thaïlande en avril, pendant Songkran, la fête de l'eau, çà a été une superbe expérience que je compte renouveler rapidement. J'essaie de voir comment partir 6 mois ou 1 an pour faire quelques pays d'Asie sac au dos ou dans un plan plus encadré.

BiZz et @ très bientôt.
Muriel I |
Je profite de la question pour en ajouter une, un peu indiscrète donc ne te sens pas obligée d'y répondre : comment est-ce que tu te finances ? J'imagine qu'en Australie tu as bossé un peu, mais maintenant que tu es en Asie ?
Sista I |
Lilou, je te lis souvent et j'adore ton style. J'aimerais savoir si tu prévois toujours a l'avance où tu vas aller ou est ce que tu te laisses aller au gré de tes envies?
loic I |
Trés joli texte, avec tant de sincérité.
c'est, je pense un beau chemin de vie qui vient d'être fait.
C'est un texte qui me touche énormément, car ce ressenti, je l'éprouve a chaque instant. Ayant voyagé 6 mois cette hiver (Inde;Népal;thailande;Cambodge;Vietnam) pour fuir cette vie de routine, cette vie anesthésiée où rien perturbe ce train train quotidien.

Mais me revoici ici, en France, et cela déjà depuis 6 mois. Et ça y est, je recommence a téter les plombs à vouloir repartir, à vouloir fuir cette vie où l'impréssion de malaise est encrée au fond de moi. L'envie de fuir les responcabilités. Mais cette fuite n'est telle pas une excuse, pour ne pas être trop heureux? Pour ne pas ce fixé?


Enfin bravo pour ce texte.