Partir 5 mois en road trip moto dans le pays réputé comme l’un des plus froids du monde ? Qui plus est, un pays où la vie sauvage est omniprésente ? Et où la densité de population est de 4 habitants au kilomètre carré ? Tout à fait. Et c’est justement pour cela que c’était génial. Explications !

Pourquoi cette idée folle ?

Réponse toute faite : pourquoi pas ? Mais je vais quand même tenter de vous détailler la chose, sinon ce témoignage ne présentera que fort peu d’intérêt !
La moto a tout simplement toujours été une passion. Vous savez, ce genre de chose inexplicable, irraisonnée, mais qui fait partie intégrante de votre personne.
Les voyages sont comme une drogue dont mes parents furent les principaux revendeurs pendant une très grande partie de ma vie.

Il s’avère que cela faisait bien longtemps que je désirais effectuer une année de césure à l’étranger. L’objectif d’alors étant bien évidemment l’apprentissage de l’anglais mais aussi de voir du pays et pourquoi pas revenir avec une expérience professionnelle valorisante à mon retour en France. Mais il est tellement simple de toujours se trouver une excuse ! Etudes, amis, travail, famille, finances…
C’est à la rentrée 2013, face à un chômage lancinant et des perspectives professionnelles inexistantes que j’ai enfin pu prendre mon courage à deux mains et me décider à tenter ma chance pour le PVT ; cette formule parfaite permettant de jongler entre voyage-loisir et travail sur place. Mais ce pays est si grand ! Comment ne pas être frustré en ne restant que dans une seule région ? J’ai donc décidé de le visiter. En entier. Parce que je n’aime pas faire les choses à moitié. Forcément la question de la mobilité arrive alors… et ma passion y répond aussitôt. C’était donc acté, je traverserais le pays pour le découvrir, à dos de moto, avant de me poser et chercher à accroître mon expérience pro.

Quel a été ton itinéraire ?

L’itinéraire fut dessiné au gré des semaines de préparation du voyage en fonction de différents facteurs.
Tout d’abord, les personnes que je me devais d’aller voir. Je ne croulais pas sous les contacts non plus, mais être en Amérique du Nord n’arrive pas tous les jours ! Puis, il fallut prendre en compte les lieux « immanquables » et / ou important à mes yeux.
Enfin, deux aspects pratiques : le climat et la logistique.
Le Canada a un côté magique. Vous y trouverez des plages idylliques, des plaines arides, mais aussi des montagnes enneigées et des vallées bien humides. Planifier un voyage aussi long quand on est exposé aux conditions météorologiques m’a donc demandé d’étudier le parcours attentivement. Il n’y a rien de pire que de devoir rebrousser chemin face à une route impraticable…
Et la logistique ; car comme tout PVTiste mes finances n’étaient pas illimitées, j’ai dû partir en quête du moindre coût. Le choix de l’atterrissage pour ces raisons se fit donc à Montréal. Option finalement fort avantageuse, ne serait-ce que pour la langue lors du débarquement.

J’ai donc démarré de Montréal pour longer le St-Laurent en direction de la Côte-Nord, sans oublier d’aller faire un tour dans le Saguenay. De là, j’ai appris à prier tout en conduisant sur les routes de terres et de gravier en direction du Labrador. Une longue traversée pour atteindre l’Océan Atlantique et un ferry me portant jusqu’à Terre-Neuve. Une île diablement grande avec à sa pointe St John’s, ville la plus à l’est du pays. De là, un nouveau bateau m’a offert un accès aux routes de la Nouvelle-Ecosse et de sa capitale, Halifax.
Je reviens alors en quelque sorte sur mes pas au travers du Nouveau-Brunswick et de la Gaspésie avant de me présenter tout sourire à la douane américaine. Puis plein sud à travers le Vermont, le New Hampshire, le Massachusetts, Rhode Island, le Connecticut et l’Etat de New York afin de découvrir New York City.

Vue depuis le pont de Brooklyn, New York City

La fin de l’épopée américaine se cristallise au passage de douane à Niagara Falls en Ontario. Le temps de faire le tour du Lac Supérieur et de passer par Toronto et Ottawa et me voilà au Manitoba, aux portes de Winnipeg. S’ensuit des milliers de kilomètres de lignes droites en plaines arides pour découvrir la Saskatchewan avec Regina et atterrir en Alberta à Calgary. Petit crochet par le Nord à Edmonton afin de pouvoir aborder les Rocheuses par Jasper et redescendre sur Banff. De là, je passe de la neige au désert en entrant en Colombie-Britannique en direction d’Osoyoos. Vancouver, puis un dernier bateau pour Vancouver Island afin d’atteindre l’extrémité la plus à l’ouest, tant attendue !

Vous pouvez retrouver tout l’itinéraire sur ce lien : Itinéraire du périple

Comment t’es-tu préparé ?

Je suis issu d’une formation universitaire scientifique, donc j’apprécie quand tout est bien carré ! Une grande To-Do-List sur une feuille blanche format A1 trônant épinglée à mon armoire. Et un bon gros stylo noir pour tout écrire et rayer en fonction de l’avancée des travaux !
Par le passé, j’avais déjà eu l’occasion à deux ou trois reprises de partir en voyage en moto. C’était alors plutôt des vacances de quinze jours maximum, un peu partout en Europe. Les bases étaient donc relativement présentes dans mon esprit. Pour le reste, il suffit de toujours imaginer le pire. Et de chercher à y pallier !

La rivière Churchill asséchée par un barrage

Bien sûr, beaucoup de recherches sur ce que j’allais découvrir ici, notamment au travers de pvtistes.net et de pleins d’autres sites de globe-trotters. Animaux, climats, végétations, maladies… Et puis, je ne peux pas cacher que la date du départ approchant, une appréhension apparaissait clairement aussi. Comme si vous approchiez du plus grand examen de votre vie et qu’il vous est impossible d’échouer. Alors vous révisez à fond.

Le parc Watkins Glen dans l’Etat de New-York

On parle quand même d’un pays où vous pouvez trouver des portions de route de 6 à 700 kilomètres sans âme qui vive… Pas question de blaguer côté sécurité. Check-up chez le médecin obligatoire, être à jour sur les vaccins et surtout apprendre à se servir d’une trousse de secours ! (C’est fou le nombre d’objets étranges que contient une si petite boite).
Un peu de sport ne fait pas de mal non plus ; tenir une moto pendant 8 heures dans des graviers, ça peut tirer un chouïa sur les bras.

Des expériences précédentes ?

Négatif. Il s’agissait de la première véritable expédition du genre (outre les vacances dont je parle plus haut). Mais ce ne sera très certainement pas la dernière !

Partir seul ou pas ?

Question épineuse et sujette à de vifs débats sur le forum !
Il y a des bons et des mauvais côtés dans les deux options. Être seul permet définitivement une plus grande liberté de mouvement et de choix. Cela permet aussi d’être ouvert et de faire bien plus de rencontres, à contrario de certains couples ou groupes qui pourraient avoir tendance à rester « entre eux ». Mais être seul, c’est aussi des moments sans épaule réconfortante et avec pour seul appui pour ses choix, soi-même. Le paysage est toujours aussi magnifique, mais on ne le partagera que lors du récit de nos exploits.
Pour ma part, c’était du solitaire voulu et imposé.

Un iceberg dans le Grand Nord !

Primo, ce n’est pas évident de trouver quelqu’un de partant pour 5 mois de moto dans les routes les plus reculées du Canada ! Et secundo, j’avais besoin de cette liberté absolue, j’avais besoin de rencontrer une autre culture comme un changement d’air et je pense que j’avais besoin de me rencontrer moi-même. De découvrir ce que je voulais, ce dont j’étais ou n’étais pas capable. On pense se connaître mais une petite introspection peut surprendre !

Tu emmènes quoi ?

Trop de choses. Comme toujours.
J’opte toujours pour la technique dite du « sacrifice ». Autrement dit, je pose au sol dans un même espace absolument tous les éléments qu’il me satisferait d’emporter. Puis je compare avec l’espace disponible dans les sacs et j’entame les sacrifices à mesure que l’espace disponible se raréfie !
Pour résumé, des vêtements pour environ une semaine, le trio tente-sac de couchage-tapis de sol et des outils pour réparer si besoin. Côté survie s’ajoute trousse de soin et couverture de survie, toujours un peu de nourriture et une bouteille d’eau ainsi qu’un bon couteau.
Des cartes papier pour se repérer (ça évite les ennuis de batterie d’un GPS et demander son chemin aux autochtones est toujours un moment rigolo) et un carnet de note qui recueillera vos idées comme des adresses !

Sur la route 389 vers le Nord

Bien évidemment, appareil photo, caméra GoPro, téléphone portable (même s’il ne marchera que rarement) et NoteBook pour essayer de capter un peu l’essence du voyage au format numérique. Il va de soi que vous aurez vos papiers d’identité sur vous, mais que vous ne manquerez pas de les numériser avant de partir en cas de perte.
Et puis des petits trucs et astuces qui dépannent comme quelques sacs plastiques, le numéro de téléphone de l’ambassade si besoin, un peu de corde et de colle et toujours un peu de monnaie (certains villages ont tout juste l’électricité… donc pour la MasterCard c’est raté).
Enfin, la moto ne se conçoit pas sans des bottes, des gants, un casque, une veste… On notera que l’option pantalon et veste de pluie ne se néglige pas !

Des moments de galère, des regrets ?

Des moments de galères oui. Des regrets, aucun !
C’est sûr que quand on casse le frein à 30 km de la prochaine ville, on se sent un peu seul. Surtout quand la ville en question est Happy-Valley-Goose-Bay, dernière ville au nord du Labrador avant les étendues de steppes glacées. Mais la rencontre de ce militaire à l’anglais aussi approximatif que mon japonais rend l’évènement soudainement moins malheureux.

Oosoyos Lake, dans le désert de la Colombie-Britannique

Un peu de colle de bateau, un bout de bois et un morceau de papier toilette et me revoilà sur la route ! Et la réparation a tenu les 20 000 km jusqu’à Vancouver !
Les galères, il y en a toujours. Mais même en restant en France, vous n’êtes pas à l’abri d’une tuile. La seule différence ici, c’est que personne ne viendra vous aider. Ce qui apporte d’autant plus de valeur à l’épisode quand vous y repensez quelques temps après !

Le budget ?

En approximation, on peut sans doute compter environ 4 000 € pour les 5 mois. J’inclus là-dedans la nourriture, l’essence, le logement, les réparations et l’ensemble des faux-frais comme les visites de musées, etc. Le prix de la moto n’est pas inclus.

La vallée de l’Okanagan, en Colombie-Britannique

Les meilleurs moments ?

Essentiellement des rencontres je pense. Ces toutes petites choses qui vous marquent tant !
Je pense à cette vieille dame qui, me voyant manger une boite de conserve près d’un champ, est venue m’offrir une part de tarte. Ou encore ce guide touristique allemand qui m’a invité à rejoindre le groupe qu’il accompagnait pour un repas de homard sur la plage ! Ou encore cet Américain passionné qui m’aborde à la station-service et me demande à faire une photo ensemble (j’avoue m’être senti comme une rockstar ce jour-là).

The Icefield Parkway dans les Rocheuses

Et puis il y a ceux qui ne peuvent être vraiment décrits ; comme cet ours rencontré aux abords des Rocheuses qui me jette un regard de peluche avant de poursuivre tranquillement son repas de baies. Et cet orignal bien curieux qui est allé jusqu’à s’approcher à une dizaine de mètres de moi et de ma moto, se demandant sans doute quel drôle de cheval je pouvais bien monter !

D’autres projets pour l’avenir ?

Il faut que je prenne le temps de redescendre sur terre et que je me remette de mes émotions mais les projets foisonnent. 5 mois, ça a été trop court pour me permettre de poser mes roues au Yukon et aux abords du cercle polaire Arctique. J’ai dit vouloir visiter le pays en entier, voilà donc une formidable excuse pour une prochaine expédition ! Pourquoi pas l’été prochain, le temps de vivre un hiver de sédentaire, économiser un peu et découvrir une autre facette du PVT.

McArthur Lake dans les Rocheuses

Quelques conseils ?

Les conseils, vous en aurez des milliers provenant de milliers de personnes sachant des milliers de choses de plus que vous. Ecoutez et soyez humble, nous sommes toujours l’élève d’un autre ! Néanmoins, ayez confiance en vous, car vos rêves vous correspondent et vous seul serez capable de les atteindre.

Et pensez à prendre des Chocopop’s pour la route, au fin fond du Labrador, personne ne vous amènera votre goûter.

Florent

Etudes finis, un ou deux boulots après et le chômage... Après tout pourquoi pas ? C'est décidé, je prends un temps pour moi et je vais voir ailleurs.

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(32) Commentaires

karen laure I |

Magique tout simplement magique, j’ai des étoiles pleins les yeux en lisant toute tes aventures. Peut être que je vais même revoir mon projet PVT … ? encore bravo pour ce beau projet que tu as réalisé.

Anne I |

Génialissime !! Chapeau bas !! As-tu acheté une moto à Montréal ou as-tu fait venir la tienne depuis la France ? Et je n’arrive pas à voir le modèle de ta Suzuki !! 🙂

Florent I |

Bonjour Anne,
En effet, j’avais acheté la moto sur Montréal. Les frais de transport pour un véhicule depuis l’Europe et les problématiques administratives (homologation, carte grise…) rendent cette option très difficile à mettre en oeuvre et financièrement très peu intéressante !
La moto était une GS500F Suzuki de 2004. A ta dispo si besoin !

Anne I |

Wow, une 500 sur tout ce parcours ?? Incroyable 🙂 Tu avais une bombe anti-crevaison ? Tu n’as jamais crevé ? N’es jamais tombé ? Encore une fois, félicitations pour ce périple de dingo… 😀

Chloé I |

C’est génial 😮 Je suis FAN !!

Benjamin I |

Nice ! Je pensais faire d’ouest en est en harley avant de commencer à travailler aussi ! Mais on verra si les finances le permettent….

Sabrina I |

Hello j’arrive quelques années après la bataille mais ton récit fait vraiment rêver. Je suis en train de passer mon permis moto (je viens d’avoir le plateau) mais j’étais « dégoûtée » que ça tombe quelque mois avant de partir au Canada car je pensais que ça voulait dire que je ne pourrais plus pratiquer pendant 2 ans à cause des conditions météo. Or je découvre qu’il y a plein de belles routes à faire et à découvrir.

Mathieu I |

Salut Sabrina,
J’ai passé mon permis moto au Canada et je peux t’assurer que c’est extrêmement simple. J’en parle ici : https://pvtistes.net/forum/la-voiture-l-achat-et-la-location/40454-passer-son-permis-moto-au-canada-toronto-ontario.html
Pour info, il n’y a pas d’équivalence pour le permis moto, tu ne pourras donc pas échanger ton permis moto français avec un canadien. Tu peux néanmoins louer des motos avec ton permis français. N’hésite pas à lire cette discussion : https://pvtistes.net/forum/la-voiture-l-achat-et-la-location/40454-passer-son-permis-moto-au-canada-toronto-ontario.html

julien I |

magnifique ton aventure, laisser parler sa passion et GAZZ, super. et vue les routes pour avoir tester en voiture (Oups), je n’avais qu’une envie a ce moment, c’était d’avoir ma bécane avec moi.

tu as trouvé facile une moto ? comment tu la choisie (fonction du type de route que tu as prise, autonomie ETC…) ?

merci pour ce récit au top

Laura I |

Je fais mon 1er voyage en europe en moto dans 2 mois!!! motivant de te lire, j’ai trop hate!!

Alexandre I |

Tu te fais plaisir, c’est le principal.
Ca donne envie !

Belle expérience en tout cas. Bravo à toi =)

ghyslain I |

J’ai rencontrée un pvtiste a lake louise qui est entrain de faire la même chose. C’est peut être toi d’aillieur 🙂

Fanny I |

Ce récit est absolument génial, je suis jalouse…
A vrai dire, je me pose la même question que Marion à propos du permis moto.

Merci pour ce récit qui donne envie et bon courage pour le retour à la sédentarité 😉