Vous savez, depuis la première fois où j'ai rempli les papiers de demande de visa, j'ai redouté ce jour comme la pire maladie.
Depuis la première jusqu'à la dernière minute j'étais prêt! Le scénario était rodé, je savais exactement quoi dire et quoi faire ce jour venu.
Je m'étais fait une raison, une idée, je savais qu'il fallait rentrer, je savais quand, je savais pourquoi, je savais pour qui...
Il me reste encore 10mois, "profites" entendais-je par-ci! Il me reste encore 6mois "amuses-toi", entendais-je par-là!
Puis le réveillon est passé et comme Jack Bauer, le compte à rebours s'est déclenché...
Plus que 3mois, et de plus en plus le verbe "profiter" prenait du sens...
Plus qu'1mois, que le temps passe vite quand on est heureux.
Plus qu'une poignée de jours, qu'il est difficile de se dire adieux.
Vendredi 31 Mai, 15h30, il est temps...
Aujourd'hui, dans la rubrique "j'ai testé pour vous", j'ai testé pour vous: "Oh Canada, terre de nos aïeux" (PART II)!
Cela fait 3jours que mes valises sont "prête"... 3jours que je m'endors en les regardant et me réveille en les voyant, comme pour me dire:
"hey on est prêtes nous, on t'attend!"
Mais moi, pas.
Je réalise enfin, que je ne suis pas prêt...
Chaque seconde qui passe est un coup de fouet quand je regarde les gens que j'aime et que je vais laisser derrière moi.
Pourtant je n'ai pas le choix. Le taxi pour l’aéroport est là, en bas. Et comme un prisonnier dans les couloirs le menant à la chaise, je me dirige vers le véhicule les yeux plein de tristesse, alors que je suis innocent.
Comme pour me retenir un peu, la ville s'embouteille sur les autoroutes et me permet de la regarder en face.
Être fort et y laisser une dernière trace...
Pourtant, pas de place au doute, c'est bien à l'aéroport que la voiture m’amène. Et d'ailleurs j'y suis, les jambes tremblantes la voix légère et les valises chez Corsair...
Elles sont déjà parties, elles! Elles ont eu plus de courage que moi alors à mon tour maintenant...
Camille était là... Comme un proche me tiendrait la main pour me donner du courage chez le dentiste, elle subit avec moi.
Les larmes aux yeux, les adieux, elle s'éloigne...pardon.
Ça y'est je suis seul...livré à moi même dans le pire état qu'un humain puisse redouter, la tristesse.
7h de souffrance dans un avion où les écrans diffusaient mon périple, dans le mien tout du moins...
Finalement j’essaie de fermer les yeux... je m'endors...
Les lumières s'allument, on atterrit.
Orly, Samedi, la famille qui accueillit.
Sur le chemin du retour ça va. L'adrénaline peut-être?
Pourtant à la maison le choc. Ma chambre, un an que je ne l'avais pas vue.
Ces objets, ces décos aux murs, mes livres, mes DVD... J'avais même oublié que je possédais ces gadgets inutiles...
Et là l’effondrement...je regarde mon horloge, elle s'est arrêtée.
"22h15". C'était quand? C'était hier? C'était il y'a 1mois? 3? 6? 10?
Dans tout les cas, le temps s'est arrêté, comme le révèle la poussière sur les étagères...
A cet instant "ding ding"! Je crois que jamais un autre humain n'a pleuré en entendant le bruit d'un micro-onde...
Et pourtant c'est ça le pire. Tout ces petits gestes de la vie que l'on fait machinalement sans y penser.
Ouvrir un robinet, tirer la chasse d'eau, cliquer sur un interrupteur, ouvrir la fenêtre...
Ils émettent tous un petit son distinct que vous n'entendrez nulle part ailleurs sur Terre, parce que ce sont VOS objets.
Les entendre de nouveau c'est comme se réveiller d'un long coma, et d'être heureux. Ils sont là, ils n'ont pas changé, eux...
Le robinet à toujours trop de pression, la chasse à toujours ses 2 boutons "pipi & caca", l'interrupteur est toujours cassé et la fenêtre, toujours fermée...
Finalement, je me calme, j’essaie doucement de me ré-acclimaté à ce qui ne s'est jamais désacclimaté...
J'ouvre les yeux, sèche ces vilaines larmes et me retourne pour voir finalement le chemin parcouru.
Vous savez, je suis parti de France sans même me retourner...
Mais finalement, partir du Canada, je l'ai fait, en face.