Recit Alexis - etre gay en Coree du Sud 2

Alexis est un jeune homme gay de 20 ans qui s’assume ! Originaire de Montpellier, il est actuellement en dernière année d’un diplôme universitaire de Langue et Civilisation Coréenne et en Licence Sciences du Langage/FLE. Il continue son cursus à distance en parallèle avec son PVT à Séoul.

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Coucou Alexis ! Merci de te prêter au jeu de l’interview sur un sujet qui est encore tabou pour beaucoup de personnes : l’homosexualitéQuand et comment es-tu arrivé en Corée du Sud ?

La première fois que je suis allé en Corée, c’était en juillet 2016 pour mon tout premier voyage (1 mois). J’ai ensuite obtenu une bourse d’études afin d’apprendre le coréen dans une université de Séoul de mars à mai 2017. Enfin, je suis revenu ici en juillet 2017 dans le cadre d’un PVT.

Tu assumes ton homosexualité sans complexe. Quel est ton état d’esprit aujourd’hui ?

Je sais au fond de moi que je suis gay depuis toujours. Désormais, je l’assume complètement ! Comme je le dis souvent : nature-peinture, j’assume ! Pourquoi cacher sa vraie identité ?

Je me suis entièrement livré à mes amis depuis 3 ans, mais j’ai fait mon grand ‘’coming out’’ il n’y a que quelques mois auprès de ma famille avec qui j’ai une relation stable et épanouie. J’ai senti que c’était le bon moment pour leur annoncer.

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Avais-tu de l’appréhension avant ton départ pour la Corée concernant l’acceptation de ton orientation sexuelle ?

Oui, j’avais pas mal d’appréhension de ce côté-là car c’est une mentalité différente de la nôtre. Le cadre social n’est pas le même que celui de notre belle France !

Je crois savoir que tu es actuellement en couple… Ton copain est-il coréen ?

J’ai eu, dans le passé, des ex Coréens (relations très courtes). Mais depuis plus de 7 mois, je suis en couple avec… un Philippin ! Il travaille en Corée (nous nous sommes rencontrés sur Internet 2 mois avant mon arrivée). Nous sommes très heureux et avons plein de projets ensemble. Et cette fois-ci, c’est le bon ! (rires)

 

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Est-ce que vous vivez ensemble ?

Bien sur, nous vivons ensemble dans notre appartement de Séoul.
Etant donné que je cache ma relation à certaines personnes, le propriétaire et certains de mes amis Coréens pensent que je suis simplement en collocation avec un ami… On peut donc dire qu’on “joue la comédie”.

Concernant ta relation amoureuse, qu’est-ce qui est, selon toi, “acceptable” ou non de faire en public en Corée ?

Question très intéressante. Ici en Corée, l’amour entre deux personnes du même sexe n’existe pas. Donc mieux vaut que les Coréens ne s’aperçoivent pas d’un rapprochement entre mon copain et moi. C’est simple : chaque fois que nous sortons, avant de partir, on s’embrasse et on se fait des câlins, car on sait très bien qu’on ne pourra plus le faire une fois dehors. On doit systématiquement se cacher et c’est très difficile ! De mon point de vue et expérience, il est préférable de ne pas montrer son homosexualité dans les lieux publics en Corée au risque d’insultes, de menaces et parfois même de réactions violentes.

Est-ce qu’être gay en étant étranger est perçu de façon plus positive par les Coréens ?

Ha non ! Au contraire, c’est encore pire ! Déjà qu’en tant qu’étranger il y a les différences culturelles qu’il faut essayer de respecter (ce qui n’est pas facile dans la vie de tous les jours), alors si en plus de ça l’étranger en question est homosexuel, il sort encore plus du lot ! Ce qui peut être perçu comme ’’une insulte’’ et un ‘’non-respect’’ envers la société qui fonctionne encore sur le modèle confucianiste.

Quelle a été la réaction de tes amis coréens lorsque tu leur as annoncé que tu étais gay ?

Question assez délicate. J’en ai fait les frais il y a 2 semaines… J’ai une amie coréenne que je connais depuis 2 ans (on était étudiants à Montpellier). J’ai pensé qu’après 2 ans d’amitié, il était temps que je me confie à elle. Je me sentais à l’aise. Eh bien, contre toute attente, elle l’a très mal pris ! Elle m’a tout de suite demandé de “changer”, que je trouverai une femme dans le futur, que ce n’était “pas bien” et contre-nature, que je pouvais en guérir si je le voulais… Et aussi, je cite ‘’j’espère qu’il ne te touche pas’’ (en parlant de mon copain). Evidemment, je l’ai extrêmement mal vécu. Sans faire d’amalgame, je précise que cette amie en question est issue d’une famille coréenne très catholique…
A contrario, d’autres amis coréens ont très bien pris l’annonce de mon homosexualité.

A t-il été facile pour toi de te faire des amis en Corée (en prenant en compte ta “différence”) ?

Oui bien sur ! Mais au départ, je suis quasiment toujours obligé de cacher mon orientation et de dissimuler ma vraie nature… Ce n’est pas facile car j’ai l’impression de ne pas être moi. Ça a comme conséquence le fait que je doive toujours réfléchir avant de parler ou de poster des photos sur les réseaux sociaux. Je dois toujours faire attention.

Selon toi, la société coréenne est-elle ouverte aux minorités sexuelles ? Une évolution des mentalités est-elle imaginable ?

Je vais être direct. Pour moi, la société coréenne est complètement fermée aux minorités sexuelles. On l’a bien vu lors des dernières élections présidentielles en Corée. La seule candidate qui proposait de mettre en place une loi acceptant l’homosexualité, s’est retrouvée à la fin du classement des votes (Sim Sang Jung (심상정) avec 6,17 % des voix, soit 2 017 458 votes pour 32 808 577 votes dans tout le pays).

Néanmoins, j’ai l’impression que la jeune génération est plus ouverte, mais pas encore à 100 %. Je dirai, tout de même que plus de la moitié de la population jeune (et encore…) accepte l’homosexualité.

Malheureusement, je pense que la société Coréenne ne va pas évoluer de sitôt sur ce segment. Certes, ils évoluent de façon fulgurante au niveau économique et technologique, mais pour ce qui est des ‘’mentalités’’, ils ont plutôt tendance à stagner. C’est mon ressenti. Comme je l’ai déjà dit plus haut, ça reste une société lourdement ancrée dans le confucianisme.

Quel est selon toi le plus gros frein à l’acceptation de l’homosexualité en Corée ?

Clairement : la religion, l’église et l’ancienne génération.

Après avoir expérimenté les deux, dirais-tu qu’il est plus facile d’être gay en France ou en Corée ?

Il est de très loin beaucoup plus facile de vivre sa relation amoureuse gay (et gaie haha) en France. Même si la situation est encore loin d’être parfaite, nous restons plus ouverts d’esprit et tolérants qu’en Corée.

Je sais que tu as envie d’être “acteur du changement”, comment comptes-tu t’y prendre pour faire passer ton message de tolérance en Corée ?

Ayant un physique assez atypique pour les Coréens (je suis roux), j’ai la possibilité d’être modèle photo, de faire des vidéos publicitaires, de participer à des émissions, etc. J’ai déjà eu quelques propositions. Si je réussis à me faire une place dans le milieu du divertissement, j’aimerais pouvoir aider à changer les mentalités par les médias.
Peu de chances que je révolutionne le monde (rires), mais ne perdons pas espoir !

Comptes-tu rester en Corée malgré ce mode de vie contraignant ?

C’est précisément à cause de ça que je ne souhaite pas rester en Corée. Mentalement, ce n’est vraiment pas facile. Je ne m’y fais pas de toujours devoir faire attention à tout. Je ne me sens pas 100 % libre d’être moi-même (à part “à l’abri” chez moi). Avec mon copain, on a prévu de s’installer en Australie d’ici 2 ou 3 ans. Pourtant, j’aime la Corée depuis plus de 8 ans maintenant. Même les abonnés de ma chaîne (ndlr, NABItalk) sont choqués par cette décision. Mais je veux vivre ma vie “entièrement” et ne pas passer mon temps à me cacher !

Quels conseils ou avertissements souhaiterais-tu donner aux jeunes homosexuels souhaitant se rendre en Corée ?

À tous les homosexuels voulant voyager ou vivre ici en Corée, il faudra malheureusement vous cacher et être assez discrets pour éviter certains ennuis. Car oui, vous venez dans un pays qui n’est pas le vôtre et vous devrez donc vous plier à ses règles.

La bonne nouvelle, c’est qu’il existe deux quartiers gays à Séoul : Homo Hill (ruelle de 50 m qui doit son nom à sa concentration de bars et de clubs gay-friendly) et entre le parc Tap-gol et la station de métro Jongno 3-ga, il y a un secteur comptant une centaine de bars et de petites boîtes gays. Mais restez tout de même assez prudents.

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Et n’oubliez pas : protégez-vous ! Il existe des centres de dépistages facilement accessibles aux étrangers, comme le KHAP à Séoul, mais aussi à Ansan et Busan (qui mettent à disposition des préservatifs gratuits). Vous trouverez également des préservatifs en vente libre dans les conveniences stores (type 7-Eleven) et certaines chaînes de cosmétiques. Sortez couverts !

Pour finir, je crois que tu as un message à faire passer.

Oui, une réflexion que j’aimerais partager.
La différence existe-t-elle vraiment ? Choisit-on d’être hétérosexuel ? Choisit-on d’être homosexuel ? Non, l’amour est universel ! Et Dieu sait si le monde a besoin d’amour avec tout ce qu’il s’y passe… Un couple homosexuel peut être aussi heureux et épanoui qu’un couple hétérosexuel, tout comme il peut élever un enfant dans le bonheur.

Le message que j’ai vraiment envie de faire passer est simple : l’amour n’a pas de sexe, ni de frontière. Tant que le bonheur est présent, c’est l’essentiel ! Je souhaite que dans un avenir proche, plus de personnes soient favorables au mariage pour tous, à l’adoption par les couples homosexuels, et à la PMA. Essayons de faire avancer les choses, ensemble !

Alexis, merci encore d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et pour ce beau message d’espoir !

Bonne continuation !

Pour suivre les aventures d’Alexis :

 

Alexis

Etudiant en sciences du langage et en langue et civilisation coréenne, passionné par la Corée depuis un certain nombre d'année, je souhaite travailler au pays du matin calme.

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1 avis

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(3) Commentaires

Mylène I |

Beau témoignage, de ce que j’en vois au Japon, les personnalités TV ont fait évoluer les choses dans ce pays aussi fermé, je pense que ton projet pourrait vraiment aboutir à un changement, ne serait-ce que petit (ce qui est déjà beaucoup).
Bon courage pour la suite !

Pliz I |

Merci Alexis pour ton témoignage très instructif. Même si de manière générale, j’ai un peu de mal avec le fait de choisir de vivre dans un pays connu pour son homophobie (tout comme le fait d’aller dans des pays bafouant les droits et libertés d’autres groupes sociaux), je trouve ta vision de la situation et ton envie de faire bouger à ton niveau les mentalités, très inspirantes. Deux questions : sous quelle forme l’homophobie se manifeste t-elle là-bas (plus de remarques verbales mais moins d’agressions physiques?)/vois-tu une différence par rapport à la France sur ce plan là ? Est-ce que, selon toi, les quartiers gay friendly de Séoul sont (paradoxalement)
des lieux plus à risques (cibles faciles pour les homophobes) du fait que les homos y sont eux-mêmes contrairement au reste de la ville où ils sont contraints de ne pas avoir de marques d’affection les trahissant, ou globalement, personne ne va chercher à les emmerder donc ce sont des lieux plus safe ?

Julie I |

Merci beaucoup pour ton retour d’expérience (plein d’amour), j’ai beaucoup aimé te lire <3