Merci pour ce bel article qui prouve ton ouverture d'esprit. Je ne vais pas commenter pour chercher à contredire autant d'appel à la tolérance mais simplement pour confirmer l'existence des ces Français «anti-Francais». Car oui j'en suis un, j'évite les français comme la peste, l'assumant totalement et n'hésitant pas à le revendiquer je passe ici en vous présentant ce fouet et mon dos.
Je ne me sens pas supérieur, je suis ce français que l'on qualifiera à la va vite de « con » et je me glisse volontiers dans ce sac dans lequel on met mes compatriotes. Mon postulat de départ étant que deux pestiférés n'auront pas le plaisir de pouvoir s'échanger leurs germes, ils ne pourront que comparer leurs bubons. C'est surement se fermer des portes j'en suis pleinement conscient, je considère également qu'il est impossible d'ouvrir toutes les portes et espérer voir ce qu'il s'y passe de façon approfondie. Je fais donc ce choix grossier et plein d'a priori que je ne m'autorise néanmoins qu'envers mes compatriotes bien entendu.
Plus mon intégration progresse plus je deviens radical à ce sujet. Du moins les a priori étaient bien moins présents qu'ils ne le sont maintenant. Novice en voyage et fortement misanthrope mon but n'était pas plus la découverte d'une nouvelle culture que le besoin de retrouver les miens. Je ne peux donc pas dire que je me sois fermé cette porte pour faciliter les rencontres avec les locaux, du moins au début.
Paradoxalement il existe selon moi un aimant entre les personnes d'un même pays et dans une moindre mesure entre personnes de même langue. Ce «magnétisme» faciliterait «l'accroche» dans le monde des relations sociales mais je ne vois que trop souvent le chemin qui mène au communautarisme. Ce raisonnement peut facilement être démonté (tu le prouves largement dans ton article), mais qui pourrait prétendre ne pas en avoir vu/vécu des exemples flagrants.
Si, par exemple, dans un bar au Québec j'entends à la table voisine un «Oh fada» à l'accent sentant la lavande je vais avoir tendance à tendre l'oreille pour savoir de quoi parle cette bande de marseillais avec une envie presque incontrôlable de m'en rapprocher ou de lâcher un «qui saute pas n'est pas Marseillais» même si je déteste le ballon rond. Comme si il était possible en étant à l'étranger de sauter les préliminaires et de considérer ces inconnus comme des voisins de longue date simplement parce qu'ils sont du même pays.
Personnellement je préfère la difficulté qui mène souvent à plus de franchise : soit la relation ne va pas plus loin parce que l'un des deux parties ne veux pas faire l'effort de comprendre/répéter soit au contraire cet effort ne fera que souligner une volonté d'échanger qui est selon moi le fondement même des relations sociales. Et je mets ceci en opposition à cette facilité de l'accroche par le « tube français ringard ». Je vais préférer quelqu'un qui me fera découvrir un comique/auteur... inconnu dans notre culture que de chanter les chansons des inconnus avec un français.
Si je les évite c'est également pour les sujets de discussions trop récurrents à mon gout : PVT, Immigration, jugement du pays/ses habitants et cracher sur notre mère patrie.
Je ne fais pas de classement sur l'échelle de l'amitié avec les rencontres que j'ai faites mais je n'ai jamais été aussi touché que par ces discussions, certes parfois difficiles, avec cet Australien très anti-Français qui me disait « Je suis ravi de t'avoir rencontré, ça remonte l'estime que j'ai des Français ». J'ai eu l'impression non pas d'être unique mais d'avoir œuvré pour mes compatriotes.
Pour aller encore plus loin, j'avoue ne pas avoir de gêne pour affirmer plein d'aplomb « les français c'est tous des cons !» auprès de mes interlocuteurs toutes nationalités confondues. Ce n'est pas plus par conviction profonde que pour le rire que cette affirmation provoquera. Soit mon interlocuteur ne connait rien de la «réputation» française (comme mes amis Philippins) et dans ce cas il rigolera de l'absurdité du propos (rares sont les personnes qui s'auto traitent de con). Soit, au contraire l'interlocuteur confirmera fort de toute son expérience avec des français mais il sera troublé que quelqu'un censé être fier et hautain puisse se traiter de con et remettra peut-être en cause son jugement et son gros sac globalisant. Finalement, si il ne rigole pas c'est que j'ai à faire à un français manquant de second degrés.
Mais ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Éviter les Français ne veut pas dire que je renie mes origines. Contrairement à bon nombre d'articles que j'ai lus à droite et à gauche et contrairement à ce que mes connaissances en France veulent à tout prix me faire dire je n'ai jamais craché sur mon pays, je n'ai pas immigré avec l'envie de le fuir. Jamais je n'ai dit « ras le bol de ce pays de cons, y a pas de boulot, c'est la misère... ». Même si je me sens citoyen du monde, j'aime mon pays, je l'ai toujours aimé et cela ne va pas en s'amoindrissant. Je déteste dire « être fier » de quelque chose mais pour ce sujet oui, je suis fier d'être Français. Je suis et serai toujours catalogué comme Français et ça ne me dérange pas.
Sans oublier que, faire des crêpes à la Chandeleur, jouer aux cartes, rêver de fromages et de viennoiseries ou encore délirer sur un tube ringard avec des Français, ça n’a pas de prix ! Partir loin pour vivre autre chose ne passe pas forcément par l’abandon total de ce qui nous a construit depuis 20 ou 30 ans. Parfois partir, c’est savoir laisser de côté de dont on n’a pas besoin pendant une année tout en gardant cette petite French touch qui fait de nous ce que nous sommes !
Fan de Tarot, j'ai découvert ici que c'était un jeu typiquement français, pour les anglo-saxons le tarot c'est ce truc divinatoire, alors je leur ai appris et on joue aux cartes. Je fais des crêpes tous les weekend, je ne suis pas du tout un expert mais on m'appelle monsieur crêpe à la maison et tous les colocs ont voulu apprendre à «les faire comme moi». Tout le monde que je côtoie ici connait le fromage français, certains ont du mal avec le concept du lait cru d'autres sont venus en France et ne me parle que du rêve baguette saucisson fromage et finalement ceux sont eux qui me font baver en en parlant. Ils raffolent également de mes sauces au fromages bleu censées me rappeler une sauce au roquefort. Je siffle la musique d'Astérix tout le temps comme un tique, ce tique est devenu contagieux, mon ancienne patronne me demandait sans cesse de le siffler. Français est mon identité et cela le restera.
Pour éviter des coups de fouet trop forts, mais en toute sincérité et assumant mes contradictions, je dois avouer a postériori que j'ai eu la chance de croiser certains Français avec qui je me suis très bien entendu (ou qui ont réussi à me supporter c'est selon, voir un peu des deux). En général nos discussions commencent souvent par le fait que j'évite les Français (on ne peut pas faire plus paradoxal, j'aime l'absurde par dessus tout). Parmi ceux-là certains sont devenus des proches avec qui j'échange encore maintenant alors que je n'ai jamais été quelqu'un qui gardait le contact. D'autres sont revenus me voir au Yukon, ou je suis allé les voir quand je suis retourné en France.
Encore une fois j'espère que vous aurez bien compris que je ne cherchais pas à développer l'antithèse de ce bel article, au contraire j'ai essayé de soutenir le (mon) point de vue de ces Français décriés dans ce dernier.