Aujourd’hui, je suis mitigée… Ca sent Paris avant que je parte en Australie, ça sent la maison, c'est agréable, oui mais en même temps, ça ne sent pas mon aventure, ça ne sent pas mes semaines passées à la ferme, avec eux, encore eux je sais, mais ils me manquent. Je ne sais même pas si c'est eux que je veux, mais l’absence de leur présence me ronge, juste cette odeur de nous ensemble, cette ambiance qui règne lorsqu'on est avec des gens dans une même pièce, sans rien dire ou faire de spécial, juste à passer du temps ensemble et à aimer ça…
Le temps de quelques secondes, je ressens ce bien être que j'avais d'être près d'eux, je ne le ressens pas vraiment, j’ai juste cette petite pression dans la poitrine, j’aimerais tellement m’y replonger !! C’est impossible, ils sont là bas, eux, et comme toute chose impossible, cette envie prend une dimension forte qui me fait du mal.
Ils sont là bas eux et même pas ensemble, Greg est chez les crocos, Pip à Melbourne, Dan à Sydney, Mateo à Darwin, Shawn parti avec un tour dans l'Outback… Ca y est, on est dispersés, explosés… On n’existe plus...
Cette année australienne a été faite d’au revoirs, certains très difficiles car forcés, car prématurés souvent, car dans un contexte où les gens prennent de l’importance de façon rapide et où tout est intense, plus intense qu’en France, avec une vie stable. Plus tôt dans mon année australienne, lorsque je quittais un endroit, des gens, je me remémorais certains souvenirs avec le sourire, avec un peu de nostalgie mais ces souvenirs, je les touchais du doigt. Il faut dire qu’en parallèle, je vivais d’autres belles choses qui rendaient ces bons moments passés moins difficiles à oublier, si on peut parler d’oubli…
Maintenant que je suis en France, tout est loin, je ne dis pas que ce que je vis ici n’est pas beau mais il n’y a plus de découverte, de nouvelles personnes, de situations cocasses ou simplement différentes de l’ordinaire. Là… C’est du connu, les gens, la ville, l’appartement, tout ! Du coup, ce dernier lieu, ces dernières personnes, quittées il n’y a que quelques jours pourtant, prennent une importance particulière, ils sont mes dernières rencontres, mes derniers sentiments forts, ils sont le symbole de cette année, ils signent ma fin au pays des kangourous.
Ce matin, je ne me reconnais pas. Ce n’est pas moi que je vois dans le reflet du miroir, ce n’est pas la Julie qui a vécu à Acacia pendant deux mois et à laquelle je m’étais habituée… Je m’imprégnais d’eux, de mon travail à la ferme, de mon rythme de vie dans un camping sur le bord de l’autoroute, perdue quelque part en Australie et mon extérieur comme mon intérieur s’en trouvait influencé.
Là, je me trouve terne, moins détendue du visage, moins « jolie naturellement », mes yeux sont moins bleus, mes bouts de cheveux blonds ont disparu aussi, je ne les regrette pas, c’est moi qui ai voulu les couper, mais ils étaient un bout de moi…
A ceux qui se posent la question, je répondrai que non, ce n’est pas important pour moi d’être jolie a l’heure qu’il est mais pour la première fois dans ma vie, je vois une inconnue dans le miroir, pire, une fille que je connais et que je cherche a reconnaître en vain…
Je passe sur Internet, je vais lire les blogs de Greg et de Pip, ils m’évoquent tous les deux, parlent des bons moments qu’on a vécu ensemble, ça me fait sourire, ça ne me rend pas heureuse, ça me pince le cœur. J’ai le sentiment d’être une veille femme qui regarde son passé.
Je ne suis pas triste en pensant à ce passé encore très proche, je l’ai vécu, je l’ai apprécié – rappelez moi la définition du mot euphémisme – voila tout ! J’en suis contente, même si je me sens impuissante. Pas moyen pour moi d’y retourner, peut être même pas l’envie, juste ce souvenir qui plane, ces visages qui dansent dans ma tête lorsqu’une chanson passe, lorsque je vois mes blessures aux jambes.
Ces blessures me laisseront d’ailleurs, sans l’ombre d’un doute, des cicatrices assez conséquentes, des marques physiques de ces deux mois passés à Darwin.
Je me revois dans le champ, me disant de profiter de ces moments car mon départ approchais et que de la tristesse l’accompagnerait, c’était sûr. Je me revois oublier aussitôt ce conseil.
Bref, je ne veux pas y retourner, pourtant ça me manque, j’ai mal dans le ventre car je n’accepte pas le passage de la vie aux souvenirs, je n’accepte pas ce deuil que je dois pourtant faire, comme si je ne tolérais pas l’idée d’oublier, oui parce qu’on oublie, je le sais, on fait d’autres choses, on croise d’autres personnes et ces lieux, ces personnes, ces moments qui nous sont si chers aujourd’hui s’enfoncent de plus en plus profondément dans notre mémoire et un jour on en parle, on ne ressent plus rien, presque plus rien et je n’ai pas envie que ça se passe comme ça…
Vivre dans le passé ? J’ai conscience que c’est de quoi on s’approche ici. Je dirais plutôt mettre pause pendant plus longtemps que de raison, ne pas aller de l’avant. Vous ne comprenez pas, je n’ai pas envie d’aller de l’avant, je pourrai sans doute le faire, j’ai matière à penser à autre chose : le Canada, la Chine, à moyen et long terme, ma famille, mes amis, noël a court terme. Je veux juste me donner un peu plus de temps pour profiter de ce temps qu’il me reste avec eux par la pensée et le cœur avant qu’ils ne soient définitivement plus que des pions dans la case souvenir, toujours extrêmement précieuse ceci dit.
Je ne suis pas triste, juste un peu nostalgique et rebelle face a mon impossibilité de passer un coup de téléphone, de fixer un rendez vous, de serrer, fort…
Je sors me balader aux grands magasins d’Haussmann, les décorations sont belles, les vitrines aussi dirait-on au vu des regards illuminés des enfants. Ca sent noël et quand je parle, de la fumée sort de ma bouche, j’aime bien ça. Le métro, comme il l’a toujours fait, me laisse seule avec mes pensées, les mêmes pensées que ces derniers jours. Elles me transportent hors du temps, hors de cet espace pourtant fermé… Oh ! Ma station !
Je me regarde dans le miroir… Je me vois… Je me reconnais. Je suis jolie, même. Quelque chose s’est produit, la digestion doit avoir commencé, les souvenirs doivent être en cours de formation, ils m’échappent… Hey vous ! Promettez moi de venir me voir si je ne vous sollicite pas assez souvent d’accord ? Vous allez me manquez…