Article - Dans ma bulle

[Lilou]

Pas vraiment un article - Plus une tranche de ma vie - Des impressions que beaucoup de voyageurs revenus a la case départ partagent avec moi, je pense...

NOTE -- Camille, je l'ai rencontrée a Sydney et je l'ai ensuite retrouvée pour traverser le désert australien, aller en Nouvelle Zélande et en Asie du sud est. --


En sortant de chez moi ce matin, je me fait agresser par un froid aussi ignoble qu'inattendu. Pourtant a la radio, ils n'ont pas... Non, évidemment ! C'est la St Valentin, ils ne parlent que de ça, au détriment des cœurs a prendre qui aimeraient savoir comment s'habiller aujourd'hui. C'est donc avec un petit sourire que je découvre que ma rame de métro est bondée. Je me glisse parmi les gens, il fait chaud. Si j'avais été un chat, j'aurais ronronné

"Veuillez patienter s'il vous plait... pour régulation du trafic".
Cinq minutes plus tard : "Je vous remercie de bien avoir voulu patienter".
Le conducteur reprend aussitot son micro et ajoute : "En même temps... vous aviez pas le choix puisque c'est moi qui conduis" (avec le rire coquin d'un enfant qui a réussi sa blague ).

Aujourd'hui, je travaille, oui, comme tous les jours. Mais ce qui marque cette journée, c'est ce message de Gally dont l'objet porte le nom délicat de "greluchette" et qui, en ce milieu d'après-midi a pour objet "RE: RE: RE: RE: RE: RE: RE: RE: RE: RE: RE: Greluchette"

Tout commence innocemment par les questions que l'on pose habituellement aux gens que l'on aime bien. De fil en aiguille, on en vient a associer les mots "moutons", "kiwis" et "saut en parachute" a son nom et "nems", "yeux bridés" et "Muraille de Chine" au mien.

Rêve ? Désir ? Nécessité ? Oui, oui, hum... oui !

Alors que j'entame la troisième ligne de ce qui constitue ma quatorzième réponse, je sors discrètement cet objet de ma poche. Je l'ouvre et je souffle silencieusement sur le rond imbibé de liquide vaisselle. Apparait alors devant moi une bulle, assez grande et suffisamment épaisse pour pouvoir m'isoler de ces trois corps qui m'entourent et pour ne pas éclater au premier vent sonore.

Je ne bouge pas, c'est elle qui vient s'installer autour de moi...
Ça y est ! J'y suis ! Je ne vois pas bien ou je suis, je ne visualise ni lieu, ni visage mais j'ai en fond d'écran la carte du monde made in France. Dessus, je me vois très a droite de la France, et bien au dessus de l'Australie.

Je me sens bien même si je ne sais pas ce que je fais la. Suis-je étudiante ? Ai-je un travail ? Suis-je en train de voyager ? Est-ce que je parle mandarin ?

Mon amie Imagination m'interrompt et me propose de donner a Gally la réponse suivante : en Chine, j'aimerais voyager. Pour ça, il va me falloir de l'argent et la Chine, ce n'est pas l'Australie. On ne trouve pas un travail en claquant des doigts.

La..... Chine..... ce .....n'est..... pas..... l'Australie. L'Australie...

Et pourquoi ne pas aller en Chine et travailler en Australie pendant mon séjour, ou avant ou après d'ailleurs ? Mes quatre mois de dur labeur ( ) dans des fermes australiennes me donnent droit a un deuxième visa Vacances Travail. Alors ?

Ma bulle n'étant apparemment pas décidée a céder sous la pression de l'explosion qui se produit en mon... son... notre for intérieur, je l'embellis. Je mets des photos sur ses murs et j'écris ces mots :

Ahhh Darwin, c'était tellement..., je ne sais pas... la ville est toute petite mais encore une fois quand tu fais les rencontres qu'il faut...

Il me manque ce temps ou je me promenais pieds nus dans la rue, même pour aller faire mes courses, ou il faisait chaud, et ou il n'y avait pas de stress particulier, sauf celui que je me créais en jouant a MadameCoeurD'Artichaut. Bref, c'était bien, ça me manque tellement parfois. J'étais bien a cette époque.

En regardant mes photos, je me dis que j'étais plus belle a cette période, naturellement, grâce au soleil et a mon épanouissement, a vivre dans un trou paumé, a vivre une vie simple avec des gens que j'aimais, a parler anglais toute la journée, a rigoler... Tu vois, je ne suis déjà plus devant mon PC, a deux pas de la place de la Bastille...

J'ai terminé je crois... Je clique sur "envoyer" et... *P*O*P*, ma bulle disparait !
Je me réveille, particulièrement sereine et je pense a elle... Elle a le droit de rêver un peu elle aussi. Je ressors le petit tube magique de ma poche, je copie mes confessions murales, je les colle, je souffle a nouveau sur le liquide vaisselle et... ENVOYER !

Un certain temps s'écoule avant que Camille ne reçoive ma bulle. Elle lui réserve un accueil tout aussi chaleureux que le mien et en ressort agitée...

Ce soir, je prends le métro et comme a son habitude, son flot me montre les mots. Calepin, stylo ! Impossible de m'arrêter, leur flirt est trop intense. Mais l'heure pour moi de descendre arrive. Je marche vite, je me force a ne regarder personne, a ne laisser a mon attention aucune chance de s'échapper, j'aimerais reprendre la ou je me suis arretée. C'est bon, me revoilà bercée !

"Varenne" - je crois qu'il y a une petite erreur. Je descends et change de quai. Il ne faudrait pas se tromper de direction...

Depuis quand les bulles se forment toutes seules sans nous essouffler ? Ahhh, j'adore !

[loicf]

merci lilou pour ce texte si vrai.

combien de fois je me surprend à être ailleur, on me dit quelque fois, que je suis absent, mais non je suis bien là, mais pas là ou on veut que je soit.

L'adaptation me manque,
Le faite d'être toujours remis en cause me manque
Découvrir de nouvelle culture me manque
...
Enfin le voyage me manque.
Et pourtant je suis à Montréal, mais y la routine revient si vite,
cette état de sécurité, où tout est contrôlé m'insuporte.

J'aimais tant ces jours en Inde ou au Cambodge où tout les matin en se réveillant, ma première question était "que va-t-il m'arrivé aujourd'hui?"

l'insécurité me manque...

[Lilou]

Salut Loic !
Seul remède - selon moi - a ce manque que je ressens pourtant (quelle contradiction dans mes propos ) - c'est un projet. Un projet de départ. Un projet se prépare (ou pas), on y pense, on imagine, on a hâte, on a peur...
Quoiqu'il en soit, il occupe l'esprit a ces heures ou on aimerait fuir, il apaise quand ce n'est plus supportable, il rend fort car il arrive...

[Thomas365]

ce fut un plaisir de te lire
ça me rappelle mon année passée à paris, où le dernier métro a souvent accompagné mes pensées...
à voir si celui de montreal a le même effet...

[eloseb]

salut

c'est ce sentiment là....c'est vrai...je crois que c'est une des premières fois que je lis quelqu'un qui traduit ce que je ressens...cette envie d'être loin d'ici, cette envie de découvrir , de s'oublier et ectte peur au ventre de se demander où, pourquoi, comment....mais en même temps c'est si bon et si prenant...;qu'on en redemande mais est ce qu'un jour on en est rassasié???????????

sur ce, bonne journée à vous tous....
rêver toujours et carpe diem

[Blast]

Merci Lilou pour ton joli texte... Je vais suivre ton conseil : il me faut un nouveau projet !!

[Lilou]

Comme je le pensais, on se rejoint tous un peu sur ce plan...
Commencer a voyager, c'est prendre un risque alors... C'est peut être se condamner a vie a ne pas être satisfait de son quotidien...
Un premier voyage serait donc un privilège, une étape qui change tout une fois franchie. Pour vous, pour moi, elle a déjà été franchie et il est impossible de revenir en arrièreet pourtant... j'aimerais bien pouvoir m'asseoir a coté de moi dans cet avion pour le Canada, il y a deux ans et demi, pour me regarder vivre sans savoir ce qui m'attendait...
Innocence, ignorance, vous êtes belles ! Vous m'avez quitté et parfois maintenant, c'est pas facile sans vous...

[amenetta]

comme toi, comme blast... il me faut un nouveau projet... déjà! mon imagination m'amène à des contrées lointaines où j'ai un jour mis les pieds et mon coeur et que je veux retrouver, là-bas ou ailleurs... un nouveau projet oui, c'est ça qu'il me faut, avant de n'être plus tout à fait heureuse!

[Embali]

Innocence, ignorance, vous êtes belles ! Vous m'avez quitté et parfois maintenant, c'est pas facile sans vous...

Si c'est bien vrai, c'est dommage non ?
Pourtant à la lecture de tes textes, je trouve que tu les a gardé, ton imagination, ton innocence - d'une certaine manière... Je trouve une forme de candeur dans celui-ci, une notion pas si éloignée de celle que tu regrette. Ignorance et innocence sont des valeurs de l'enfance, et ça ne me semble pas hors de portée que de poser un regard enfantin sur la vie qui nous entoure. Surtout à Paris, où se détacher de notre vie est si aisé : la routine facilite la reverie...

Et la liste des pays que tu as explorés est certes longue, mais (peut-être me trompe-je) l'ignorance est la même à chaque nouveau départ, non ?

Par contre, je le prend, et plutôt deux fois qu'une, le risque de ne plus me satisfaire de mon quotidien ! C'est ce que je part chercher ! Et c'est déjà un sentiment que j'éprouve en partie sans avoir fait de l'immersion longue...

(tient bah ça fait presque doublon avec ce que j'avait écrit de ma - en cours d'écriture mais qui attendra du coup un autre sujet - chronique... hum... whatever )

[MelanieGatt]

J'aime beaucoup ton article et il semble d'après les réactions que tu ne sois pas la seule à vouloir repartir en voyage...

Cela me rappelle une phrase que m'avait dite un de mes colocs de Mtl juste avant de partir pour Ottawa. "C'est ton voyage qui continue Mel!"
Je lui avais répondu simplement "Ce n'est pas un voyage, c'est ma vie".
Je ne me suis jamais sentie en voyage au Canada. La première fois que j'ai posé les pieds ici pour mon pvt, le 10 avril 2006... j'ai senti comme un bouffée d'air m'envelopper et me dire Bienvenue chez vous!. J'ai toujours vu le Canada comme mon pays d'adoption, celui ou j'allais faire ma vie, ma famille, ma carrière... Voyager ne me manque pas comme vous. Je suis une fausse aventurière. je fais partie de ceux qui s'installent et à qui un beau voyage par an suffit.

Faites de beaux projets tous et continuer de voyager! Ju et moi avons trouvé notre nid et comptons bien l'agrandir!

bises les aventuriers!

[TitFlow!!]

Ho Lilou, que j'aime te lire !

A chaque nouvelle "tranche de vie" que tu poses sur le papier, j'ai l'impression que tu écris ce que je ressens, le style en plus bien sûr. Je n'ai jamais vraiment réussi à faire comprendre ces choses-là aux personnes qui n'ont pas eu la chance de voyager.

Pour l'innocence et l'ignorance, c'est vrai qu'elles nous ont en partie abandonner. Mais il en reste une part en moi, bien protégées, mais qui rapetisse à chaque nouvelle fois où je vais passer du temps "somewhere". Je n'ai plus peur de ce qui va m'arriver, je suis juste heureux, et j'ai ce bonheur à chaque fois où je mets mon sac de voyage sur mes épaules en sortant de chez moi pour aller à l'aéroport.

Mais la soif de voyage et de découverte est plus forte que celle de garder notre innocence, au profit de l'expérience. Et c'est grâce à celle-ci qu'ensuite, une fois de retour à la maison, au travail, dans le métro, on s'imagine quelque part. Et on le fait d'autant mieux qu'on connait un peu ailleurs, ça nous permet de nous créer notre Eldorado.

Et c'est là qu'on nous dit : " Flo, tu vas bien ? t'as l'air ailleurs..."
Et à moi de répondre avec mon endormissement habituel : "Hoo oui, je vais bien !!"

Mon projet : traverser les Etats-Unis vers 2010. Je ne sais pas encore comment, je ne sais pas avec qui, je ne sais pas par où, et c'est ça qui me fait rêver en ce moment.
Oui il faut avoir un projet, et non il ne faut pas tout calculer à l'avance, ça enlève tout le charme