Toronto, voilà maintenant ce nom associé à ma vie. Les rues commencent à me devenir familières, les voisins aussi. Je commence à vivre avec le quartier, ressentir son rythme, savoir vers où je me dirige lorsque je sors de mon sous-terrain. Je reconnais cet arbre, cette odeur aussi. Le vent, le soleil, et les quelques averses commencent à changer notre environnement. Les arbres arborent de belles couleurs rouge, orange, vert pâle, les caniveaux se gorgent de feuilles mortes mais encore éclatantes de vie. Au petit matin, après une nuit balayée par le vent et les assauts de la pluie, les trottoirs sont couverts d’un tapis pastel à l’image du Canada. Tandis que les arbres commencent à se dévêtir, nous, parcourons le chemin inverse, et voyons nos corps se couvrir de coton, laine, feutre.
A présent nous sommes installés. Les quatre murs et le toit, commencent à prendre vie. Cette semaine j’ai trouvé un emploi, je suis « busboy ». Ne cherchez pas de traduction, il me semble ne jamais avoir vu cet emploi en France. Pour faire simple je suis l’aide des serveurs. Je fais à quelques détails près le même travail. C’est sympa, le restaurant est assez chic, « le rushton » se prénomme-t-il. De plus, c’est à 4 minutes de chez nous. Je traverse 2 ou 3 rue et j’y suis. Ici, être français est un avantage. Attention je dis français européen, car le français du Québec, ce n’est pas pareil. Au restaurant le soir, lorsque je m’excuse de ne pas bien comprendre ce que l’on me demande car je suis français, la question est immédiate : « européen ? ». S’en suis une tension, une attente, je sens que ma réponse va être déterminante de leur réaction. Après quelques secondes la réponse tombe, et je ressens un soulagement entre tous. « Bienvenue !». Cet étrange, je me pose des questions, suis-je fou ? Non, cela me sera confirmé plus tard lors d’une discussion, il vaut mieux être français d’Europe à Toronto, car il y a des problèmes politiques avec le Québec et une grande rivalité entre Montréal et Toronto. Bon à savoir !
Pour l’instant notre installation se passe pour le mieux, il n’y a aucun accroc, et s’est tant mieux ! Lorsque nous sommes libres de toutes charges liées au travail, nous allons piqueniquer à HighParc, où ailleurs. Ce qui à d’extraordinaire à Toronto c’est cette capacité d’être en quelques dizaines de minutes dans une forêt rempli d’écureuils, puis sur une plage au bord d’un lac, que l’on nommerait « mer intérieure » en France, au pied d’une structure autoportante de plus de 550 m de haut dont le sommet flirt avec les nuages, et enfin sous terre dans un immense réseau de galeries souterraines. Oui car cette semaine j’ai fais la découverte de cette fourmilière marchande. En surface, le ciel, les buildings vont indiquent votre chemin, votre situation géographique. En dessous les néons ne vous indiquent…rien. Je me suis fais surprendre. Quelle expérience de vraiment se perdre ! Je marchais de couloirs en couloirs, scrutais tantôt la frénésie, tantôt le calme, qui animent ses immenses artères de ce cœur englouti, mais bien vivant, sous cette forêt de buildings impersonnels. Les vendeurs se mêlent aux business man, qui se mêlent aux touristes et flâneurs des quatre coins du monde.
Qui suis-je ? Cette question m’est venue lors de mon expédition souterraine. Je ne suis pas vraiment un touriste, mais pas non-plus un citoyen. Ces personnes me regardent, certaines me sourient, d’autres m’ignorent. Un agent de sécurité vient à ma rencontre. « Vous cherchez quelque chose ? », oui, je cherche désespérément un magasin de chaussures pour mon premier jour de travail. Il sourit comprend que je suis ultra paumé et m’indique le chemin d’un air amusé. Je réponds une fois de plus à cette éternelle question « je suis un français Européen ». Et dans son regard je vois que je viens de répondre à la question qui me trainait dans l’esprit depuis quelques minutes, je suis français et Européen. Nous nous serrons la main, je le remercie et pars à la recherche de mes chaussures, ces canadiens ils sont vraiment bien.