Je fais un petit retour sur le forum, un peu par nostalgie, mais aussi parce que j'ai 5mn pendant la sieste et que j'ai envie de refaire un bilan (parce qu'il remonte vachement
le premier). C'est donc une petite histoire d'expatriation que je vous propose, un changement de vie ou un Canadian Dream
Il s'en est passé des choses dans nos vies depuis. Fini Windsor, adieu l'Ontario. On vit depuis bientôt 5 ans en Alberta, dans un coin assez paumé à 2h au sud de Calgary. À l'époque de l'ancien bilan, on avait pas nos RP, on jonglait entre les permis de travail, d'études, pour conjoint, puis PVT, JP et c'était bien la galère. Tellement la galère qu'en statut implicite on a été à 48h de devoir quitter le territoire quand on a enfin reçu nos nouveaux permis. Depuis, c'est un peu oublié tout ça.
Pour résumer, on est arrivé au Canada à 21 ans et 24 ans pour mon copain, avec une énorme envie de faire nos vies ici, mais sans rien de concret. Avec nos masters d'anglais LLCE, on serait pas allé loin, donc on s'est formé sur place, on est devenu prof certifié niveau collège-lycée. On a bataillé pour se faire engager en Ontario, jusqu'à comprendre que le fait de ne pas avoir de RP était un frein. On a alors tout quitté pour tenter notre chance en Alberta où on nous offrait un poste chacun dans la même école. On a un peu hésité : c'était loin, c'était différent, on allait devoir quitter nos amis, notre super appart, etc, mais finalement on s'est lancé.
Niveau professionnel, c'était un super choix. On est arrivé dans un coin où tout était à faire, tout à construire. Dans notre école, aucun prof de plus de 34 ans, pas de matos, mais plein de bonne volonté et de super, super élèves. On s'éclate à améliorer chaque année la qualité de l'enseignement, à changer ce qu'on peut dans l'école, et à recruter le meilleur personnel possible (parce que c'est notre job aussi maintenant).
Par contre, question environnement, j'ai vraiment mis du temps à m'y faire. Imaginez vivre à 110km de la première ville de + de 20 000 habitants. Imaginez vivre dans un coin où on ne croise que des gars habillés en cow-boy dans de gros "trucks" avec un fusil à l'arrière. Imaginez vivre au beau milieu de terres arides, au milieu des vaches et de la poussière. Moi, c'est tout ce que je voyais de Brooks. Pendant longtemps, j'arrivais pas à passer outre, j'avais l'impression d'être dans un trou à rats perdu dans les prairies. Mais je voulais quand même y rester, pour le boulot, parce que ce que je faisais me rendait heureuse.
Puis les choses ont évolué. J'ai commencé à voir Brooks comme cette petite Oasis au milieu du désert. J'apprécie le calme, les petits coins de verdure, les gens cool et accueillants, les supermarchés où on fait jamais la queue, l'atmosphère "petite ville" que je voyais pas avant. J'apprécie même le climat, avec nos hivers rigoureux mais de très beaux printemps et étés. Je vois aussi la ville changer depuis notre arrivée. On a maintenant un resto indien, un japonais, plein de petits commerces étrangers, ça devient chouette. J'adore aussi le fait que cette ville soit si accueillante envers les immigrés. Brooks, c'est vraiment une ville multiculturelle, pas du tout le petit truc tout blanc qu'on pourrait imaginer.
Donc un soir, en rentrant du boulot, on discutait avec mon copain d'une opportunité pro à Edmonton. Une belle opportunité, travailler pour le ministère de l'éducation. Lui était partagé, mais il était prêt à y aller si ça me faisait plaisir de repartir vivre ailleurs. Et j'ai dit non. Finalement, je me voyais plus partir. Edmonton est une chouette ville, je la préfère à Calgary *goût perso*, mais c'était non. Je me voyais pas quitter notre qualité de vie incroyable pour une grande ville. Dans la foulée, on a alors décidé de s'acheter une maison, pas trop grande, parfaite pour deux (ou trois). Le troisième membre de la maison a pointé le bout de son nez un an après. Notre petit canadien est né en juin 2016 et je dois dire que je suis vraiment comblée.
Je ne sais pas comment se serait passé notre vie en France, ou à Windsor si on y était resté. Tout ce que je sais c'est que j'aime ce que je fais, j'aime me réveiller le matin ici, dans ma maison, dans ma petite ville. J'aime aussi m'échapper plusieurs fois par an, rentrer en France, découvrir un autre pays comme le Japon, partir deux semaines au Mexique, ou juste en week end dans les Rocheuses ou à Calgary/Edmonton. J'ai trouvé mon équilibre, et pour le moment ça me va très bien. Ça a été difficile tout ça, je l'oublie pas vraiment non plus. Il y a la famille qui est loin, tous ces problèmes d'immigration à surmonter et quelque part encore, un certain choc culturel, mais on a tenu le coup. Qu'en sera-t-il dans 5 ans, 10 ans ? Je ne sais pas, mais après ce qu'on a vécu, repartir ne me fait pas peur