1. #1
    Avatar de Lauraki
    Laure 44 ans

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    Samedi 20 juin 2009, la Grèce a vécu un événement qu’elle devra marquer dans son histoire. Plus de 30 ans après la première allusion faite à propos de son éventuelle réalisation, le Nouveau Musée de l’Acropole a vu le jour.



    L’Acropole, dont j’ai déjà à plusieurs reprises soulignée l’importance dans le paysage athénien, est ce que l’on désigne aujourd’hui comme un « capital symbolique » pour reprendre les termes du sociologue français Pierre Bourdieu, c’est-à-dire un « capital économique, culturel ou social » qui permet de l’intégrer à des schémas propres à une société ou une communauté (les sociologues n’excuseront du léger raccourci réalisés ici !). Ce signifie que ce monument vieux de plus de 2500 ans a capitalisé au fil des siècles une symbolique culturelle et qui a réussi à transcender, si je puis dire, l’ensemble de la société et du peuple grec. Il faut savoir que depuis la guerre d’indépendance grecque (1821-1830), et ce dès les premiers jours, les Grecs ont pris, grâce aux mouvements philhellènes européens, conscience et ont revendiqué l’héritage constitué par le rocher de l’Acropole, à tel point que la bataille de l’Acropole durant cette même guerre, fut importante autant d’un point de vue stratégique, puisque l’ensemble abritait une garnison ottomane – la Grèce était alors sous domination de l’Empire ottoman – mais aussi symbolique, car il fallait reconquérir le symbole de la grandeur de la Grèce antique.

    Aujourd’hui, et encore plus avec les milliers de touristes qui foulent le sol du rocher chaque jour, ce monument est au cœur de la vie athénienne. Un premier musée fut créé dès 1885, puis il fut réaménagé et agrandi par la suite. Cependant, le musée était devenu largement inadapté autant pour l’exposition des antiquités, car trop petit (une petite dizaine de salle) et ne pouvait donnait qu’un infime aperçu des découvertes archéologiques, mais aussi parce que politiquement la Grèce se devait de se doter d’un édifice digne de ces antiquités, chéries et perçues comme des trésors.
    La Grèce a fondé en partie son identité nationale dans l’Antiquité ; le Parthénon étant l’élément suprême de cette symbolique, il lui fallait un écrin pour présenter les chefs-d’œuvre des Grecs anciens.



    Pourtant, la création de se musée s’inscrit également dans une problématique bien plus large, et d’autant plus idéologique puisque cet établissement a été construit afin de pouvoir enfin un jour accueillir les marbres du Parthénon, dit les Marbres Elgin, conservés au British Museum. Le consul britannique Elgin avait, entre 1901 et 1903, sur une ordonnance du sultan locale (malheureusement l’original n’a pas encore été retrouvé à ce jour et il n’existe qu’une traduction d’époque en italien) enlevé 12 statues des frontons du temple, 15 métopes et 156 plaques de la frise dites des Panathénées. En 1815, ces sculptures furent rachetées par le British Museum et depuis, la Grèce ne cesse d’en réclamer le retour.

    Jusqu’à présent, les Anglais avaient systématiquement répondu aux Grecs que les œuvres avaient été sauvées en étant ramenées en Angleterre et ils affirmaient que les Grecs ne disposaient d’aucun espace muséographique adapté. Les Grecs avaient entre autre répondu en soulignant les restaurations agressives réalisées dans les années soixante et qui avaient provoqué des dégâts irréparables sur les marbres. Melina Mercouri, actrice, puis Ministre de la Culture grec du premier gouvernement socialiste de Grèce en 1981 œuvra en faveur de leur retour, en faisant ainsi son cheval de bataille. Quand on dit que l’idée d’un grand musée pour l’Acropole est une idée ancienne, la première mention date de 1976, formulée peu après la chute du régime dictatorial des Colonels (1967-1974) et fut systématiquement repris par les gouvernements de tout bord.
    Le projet définitif ne fut retenu qu’en 2000 et le musée aurait dû voir le jour lors de cette grande célébration nationale que furent les Jeux olympiques de 2004. Après de reports incessants, le musée a enfin pu ouvrir ses portes le week-end dernier.



    Cette ouverture ne s’est pas faite de manière discrète, au contraire. Des chefs d’État européens et des Balkans, asiatiques, les ministres de la Culture de nombreux pays européens, le président de la Commission européenne, le directeur de l’UNESCO, des personnalités politiques de tout bord, les ambassadeurs, des archéologues de renom… tous étaient là pour célébrer un événement d’une grande ampleur, retransmis en direct sur les chaînes de télévision et sur internet. La Grèce est enfin à prête à ce jour à répondre à l’ultime argument britannique puisqu’elle dispose d’un lieu entièrement adapté aux œuvres et clament haut et fort le retour de ses chefs-d’œuvre.



    Un nouveau bras-de-fer est donc en train de s’ouvrir entre ces deux pays. L’Angleterre a proposé il y a de cela 15 jours, le prêt des œuvres pour quelques temps au Nouveau Musée de l’Acropole ; la Grèce a refusé, car une acceptation signifierait une reconnaissance de la propriété britannique des marbres, ce que la Grèce a toujours réfuté.
    La Grèce est peut-être un exemple relativement explicite pour souligner les implications politiques, idéologiques et mêmes nationalistes de la Culture, de l’archéologie et du monde des arts. Ceci est notamment vrai pour ces nations aux origines très anciennes, ou plutôt qui se défendent d’origines antiques remontant aux plus hautes époques de l’antiquité : cet hiver, l’inauguration du Musée de Bagdad en était aussi une illustration, couplée à un contexte politique qu’il ne convient plus de rappeler et à un moment où l’annonce du retrait des troupes venait d’être annoncée.



    Ainsi, la Grèce est un de ces pays à l’identité nationale et culturelle très forte et qui attache une place très importance à son histoire et son patrimoine. Ici, je ne dis pas que ce n’est pas le cas de la France, mais le phénomène est beaucoup moins répandu dans l’ensemble de la population, les références à l’antiquité et surtout à l’époque de l’Athènes glorieuse (Ve siècle av. J.C.) sont présentes au quotidien dans cette ville. Mais tous les Grecs rencontrés, quel que soit leur intérêt ou non pour l’histoire, et quel que soit leur opinion politique, tous réclament le retour de ces marbres et chérissent leur patrimoine archéologique et leurs monuments (sûrement aussi parce qu’il s’agit de la manne touristique !). Vous ne pourrez jamais faire démentir à un Grec qu’il n’est pas le descendant d’un Périclès ou d’un Alexandre le Grand. D’ailleurs, combien d’entres-eux s’appellent aujourd’hui Périclès ? Plus que je ne l’imaginais. La Grèce est belle est bien une nation de tradition, mais aussi un pays à l’identité plus que marquée.
    Mais c’est aussi ce qui en fait son charme en Europe !

    Maintenant, j'avoue que j'ai hâte de découvrir les musées canadiens et québécois sur leurs civilisations. Je pense qu'il y a aussi des enseignements nouveaux à en tirer, propre à cette culture nord-américaine, qui m'est, de ce point de vue là, encore toute inconnue.



    Pour un aperçu du nouveau musée : https://www.theacropolismuseum.gr et une vidéo de la construction du musée ici.
    Toutes les photos ont été prises lors du spectacle son et lumière projeté sur les façades du musée, durant le week-end de l’inauguration. Il s’agit d’œuvres présentés dans le nouveau musée.
    Je mettrai à jour l’article avec des vues de l’intérieur, une fois que je l’aurais visité, pour le moment j’attends la fin du rush de l’ouverture.


  2. #2

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    J'ai eu la chance l'an passé de visiter l'Acropole et le musée de l'Acropole et j'en garde un excellent souvenir !
    A voir et à visiter avec un guide absolument pour ne rien rater !
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  3. #3

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    c'est zoliiiii!
    C'est vrai, c'est dommage qu'ils ne puissent pas présenter les originaux des statues qui sont au British Museum.
    Je trouve ça pas cool, surtout que maintenant on est en Europe!

  4. #4
    Avatar de Lauraki
    Laure 44 ans

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    Message de Wild Rose
    c'est zoliiiii!
    C'est vrai, c'est dommage qu'ils ne puissent pas présenter les originaux des statues qui sont au British Museum.
    Je trouve ça pas cool, surtout que maintenant on est en Europe!
    En même temps, des gens qui ne voyageront jamais peuvent aussi les admirer en Angleterre. La question est complexe et perso, je n'ai toujours pas tranché mon avis personnel parce que la position grecque n'est pas toujours en bonne faveur.