Comme tu as sans doute pu le remarquer, cher lecteur, il a souvent été question sur le forum de la mentalité canadienne. Mais qu’en est-il, en termes concrets, de la vie de tous les jours de l’autre côté de l’océan ? Qu’en est-il de toutes ces petites choses qui font qu’on est dépaysé ?
Je te propose de passer en revue quelques broutilles qui, je l'espère, te convaincront, si tu en éprouves encore le besoin, du fait qu'ailleurs, c'est ailleurs…
Tout d'abord, si tu désires, par mélancolie, retrouver des français à Montréal, sache qu'il n'y a rien de plus simple. Il suffit de te rendre dans un Provigo du Plateau, de te diriger vers le rayon produits laitiers/fromages, et là, tu le verras, le français, devant le rayon, bras ballants, bouche ouverte, bavant, toutes cartes de crédit en main, billets entre les dents, prêt à dépenser 8$ pour un fromage qui lui rappellera sa mère patrie.
À propos de supermarché, ici, lors de ton passage à la caisse, un commis (ou la caissière) t'aidera à emballer tes courses ! Pas d'angoisse, donc, qu'une vieille se mette à pester contre la jeunesse apathique d'aujourd'hui si tu bloques l'accès aux sachets plastique, l'empêchant d'y mettre sa baguette et son poireau.
Comme les bouteilles vides sont ici toutes consignées (5 cents pour le plastique et 10 cents le verre, je crois), tu pourras les déposer au passage. À ce propos, tu verras pas mal de sans-abri chercher lesdites bouteilles dans les poubelles pour aller récupérer quelques sous.
Ah oui, pour les amateurs, ici, le Nestea est par défaut au citron, la mayo sucrée, la moutarde généralement au miel, et les haricots en boîte font un centimètre de diamètre. Les deux tournedos de bœuf sont à 3,80$, la boîte de douze donuts Annette’s à 4,50$.
En rentrant chez toi, tu seras peut-être étonné de voir qu'ici, les poignées de portes sont quasiment toutes rondes. Elles sont en outre équipées d’un système de verrouillage depuis l’intérieur (pas besoin de fermer de l’extérieur quand on sort). Cela présente un gain de temps – plus besoin de trouver/sortir/utiliser/ranger/perdre/ranger correctement ses clés en sortant de chez soi. Mais cela présente aussi quelques inconvénients.
Imagine qu'il fasse -30° et que tu doives monter un buffet Ikéa chez toi. Tu as ouvert la porte, mais celle-ci se referme devant toi, et tu ne peux pas poser le carton sur le balcon parce que les vélos des voisins t'en empêchent. Maintenant essaye, lecteur, d'ouvrir cette putain de porte à poignée ronde. Essaye d’équilibrer ton meuble suédois Körgsk en imitation hêtre sur ton dos, pendant que d’un mouvement du bras (tes mains étant occupées à stabiliser le maudit mobilier), tu tentes de faire tourner la poignée, criant pour que ta femme vienne t'aider. Essaye, dans un geste désespéré, de prendre la poignée glacée entre tes dents, ton meuble toujours sur le dos, et de la faire tourner en t’aidant, si nécessaire, de ta langue – tout en veillant à ce que ta salive ne gèle pas et à ne pas rester stupidement collé à la poignée.
Bref, en admettant que tu sois parvenu à rentrer chez toi, tu t'apercevras qu'à Montréal, les appartements ont généralement un sas d’entrée. La première raison est que cela permet de garder la chaleur lors des entrées/sorties de l’appartement. La deuxième raison est que, plus généralement, cela favorise l’isolation thermique. La troisième raison est que cela permet d’enlever ses chaussures avant de détremper le joli parquet en bouleau avec de la neige fondue – chérie, je suis rentré ! floch floch floch. Imaginez le nombre d’engueulades que les canadiens ont dû subir avant cette invention formidable…
Pour finir cette première partie sur une note plus gaie, sache qu'en regardant par la fenêtre en été, tu pourras voir des écureuils courir sur les câbles électriques (bien sûr, que tu pourras voir ça à jeun !). Les écureuils ici se foutent d’ailleurs souvent de la gueule des chats parce que ces derniers ne savent pas exécuter cette figure spectaculaire – gros con de chat, tu sais même pas courir sur un fil-eu !