2 Le monde du travail au Japon

Le sens du sacrifice pour son entreprise

Le stéréotype du Japonais en costume-cravate stressé semble toujours d’actualité. On dit que les salariés sont dévoués corps et âme à leurs entreprises. Celles-ci passent avant tout, famille y compris. Beaucoup de jeunes rêvent d’intégrer de grandes sociétés à la fin de leurs études. Ils souhaitent y passer toute leur carrière à l’abri des soucis financiers. L’emploi à vie n’est plus ce qu’il était. Cependant, il reste un idéal que de nombreux actifs cherchent à atteindre.

Sacrifice, sens du devoir, loyauté, les choses n’ont pas beaucoup changé dans le monde du travail ici depuis plusieurs générations. De manière opérationnelle, cela se traduit par un très fort esprit de groupe. Les responsabilités sont endossées collectivement. Beaucoup parlent d’entreprises comme d’une « seconde famille ». Par exemple, on invite même ses collègues à son mariage !

Cette loyauté peut s’expliquer par un système hiérarchique très lourd. Les promotions ne sont généralement pas faites en fonction des compétences, mais selon l’ancienneté. Une fois entré dans l’entreprise, la carrière semble donc déjà toute tracée. On comprend la réticence à quitter son entreprise (et le faible turn-over), puisque cela signifie revenir en bas de l’échelle, avec le salaire et les missions qui vont avec.

Faire grève mais sans trop déranger

On entend souvent que les Japonais ne font jamais grève. Ce n’est pas totalement vrai. Certes, le nombre de grèves comptabilisées est très faible et nettement inférieur à celui de la France, mais cela ne signifie pas qu’elles n’existent pas. Le Ministère du Travail japonais distingue deux types de mouvements sociaux : les « silencieux » et ceux qui s’expriment par la grève. À noter que les dernières données datent de 2017. Autant dire que les grèves ne sont pas vraiment prises au sérieux.

Pourtant, elles se manifestent parfois avec des formes surprenantes. L’image connue du « brassard blanc » pour montrer son mécontentement s’explique par l’idée de continuité du service public, d’où l’interdiction de grève des fonctionnaires. En général, les grèves ne durent que quelques heures et se font de manière pacifique. C’est pour cela qu’en 2022, quelques chauffeurs de bus ont montré leur mécontentement en continuant à travailler sans faire payer les passagers, afin d’impacter directement leurs entreprises.

« L’heure, c’est l’heure »… ou presque !

Oubliez votre quart d’heure toulousain. Ici, être à l’heure c’est être en retard. On se doit d’être toujours en avance de 10 minutes. Les retards sont extrêmement mal vus, et ne comptez pas sur l’excuse d’un imprévu sur la ligne de train. Il en va de votre responsabilité d’anticiper tout retard potentiel de transports.

Oubliez votre quart d’heure toulousain. Ici, être à l’heure c’est être en retard. On se doit d’être toujours en avance de 10 minutes. Les retards sont extrêmement mal vus, et ne comptez pas sur l’excuse d’un imprévu sur la ligne de train. Il en va de votre responsabilité d’anticiper tout retard potentiel de transports.

Si la ponctualité pour l’arrivée au travail est non-négociable, pour en partir, c’est une autre histoire. Partir avant les autres est très mal vu. On quitte d’ailleurs le bureau en disant O sakini shiturei shimasu, ce qui signifie littéralement « veuillez m’excuser de partir avant vous ». La forte tendance aux heures supplémentaires, souvent non payées, a obligé le gouvernement à les limiter à 100 heures maximum par mois (oui, cela est censé être un chiffre raisonnable). Rester au travail est tellement courant que plusieurs entreprises ont mis en place un minashi, un système où les heures supplémentaires sont déjà comptées dans votre salaire, puisqu’il va de soi que vous devrez en faire.

La culture des cartes de visite

Si vous travaillez au Japon, votre portefeuille risque grandement de se remplir de cartes de visite. Ici, on en donne tout le temps et à tout le monde. N’oubliez donc pas de faire la vôtre (c’est surtout vrai si vous travaillez dans le commerce) et de respecter ces quelques règles :

  • L’employé de rang supérieur échange sa carte en premier.
  • La carte se reçoit avec les deux mains.
  • On ne range jamais directement sa carte. Il faut montrer de l’intérêt pour les informations indiquées dessus (nom de la personne, secteur d’activité).

Le silence est d’or

Discuter de ses dernières vacances ou situations amoureuses ne semble clairement pas être la norme. Au Japon, il est préférable de peu parler sur son lieu de travail puisqu’un tempérament réservé est perçu comme positif. Cela montre qu’on sait contrôler ses émotions.

Une remise en question de cette culture du travail

Ce qui est dit ici est surtout vrai pour les entreprises conservatrices. Malgré tout, la très grande majorité des Japonais n’ose pas s’opposer ouvertement à ce système, ce qui conduit à des conséquences dramatiques : hikikomori (ceux qui se coupent du monde et refusent de sortir de chez eux), karoshi (mort liée au travail) et un mal-être assez global de la population active.

Le travail au Japon est souvent source de stress et de grands sacrifices pour les employés. Nous sommes très loin du droit du travail et des avantages français ou canadiens en la matière, mieux vaut y être préparé dès le départ. Au Japon, au lieu de travailler pour vivre, beaucoup vivent pour travailler.

Néanmoins, on sent que la jeunesse commence à se rebiffer légèrement devant ces conditions de travail d’un autre temps. Appelés par leurs détracteurs Shinjinrui (« la nouvelle espèce ») ou freeters, contraction entre free-time (temps libre) et de frei arbeiter (travailleur libre), une nouvelle génération place au cœur de ses intérêts la recherche du temps pour soi. Ces personnes refusent les emplois stables et enchaînent les petits boulots. Si au départ, c’était plutôt un choix (facilité par le fait de ne pas payer de loyer en vivant chez leurs parents), aujourd’hui beaucoup de freeters le sont par contrainte.

On tient quand même à vous rassurer. Il est possible de s’épanouir au travail au Japon. Les différences culturelles peuvent être un choc mais les collègues sont solidaires et les standards sont souvent un peu moins stricts pour les étrangers.

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