Aujourd’hui, le Japon est le seul pays du G7 à ne pas avoir légalisé le mariage homosexuel, lui valant une image de pays conservateur en matières de droits LGBT. Pourtant, en remontant quelques siècles en arrière, on se rend compte que les pratiques homosexuelles faisaient partie intégrante des mœurs de la noblesse et des samouraïs avant l’ère Meiji. Comment est-on passé d’une homosexualité de fait acceptée à l’époque féodale japonaise, à une malheureuse homophobie latente de la part d’une partie de la classe politique japonaise ?
La codification des rapports homosexuels chez l’aristocratie féodale
Les relations homosexuelles étaient monnaie courante chez la noblesse et la classe militaire de l’époque Heian (794 – 1185), et même chez les empereurs. On parle à l’époque de « Shudō » ou « Wakashudō » (littéralement « la voie de l’éveil du jeune homme ») qui désigne la relation entre un maître « nenja » et un élève « wakashû », qui devait lui jurer fidélité. On retrouve, comme chez les Grecs, cette idée que l’on passe du statut d’enfant à celui d’homme via des rapports homosexuels et que cela transmettrait au jeune futur guerrier des compétences martiales. Ces relations étaient extrêmement codifiées, sans quoi, un non-respect des règles les feraient passer dans l’illégalité. Par exemple, tout sentiment amoureux était proscrit et il était interdit d’avoir d’autres amants.
L’importance de la religion dans l’acceptation de l’homosexualité masculine
L’homosexualité n’est pas considérée comme quelque chose de réprimandable dans le shintoïsme et le bouddhisme. Puisque la société japonaise a été structurée par ces deux religions, cela expliquerait pourquoi le Japon n’a pas associé l’homosexualité à quelconque pratiques morales, vertueuses ou non. Il existait également des relations homosexuelles dans les monastères bouddhistes. Tout comme chez les samouraïs, on retrouve des relations maître / élève. Certains dieux shinto, les kami, étaient même représentés en plein rapport sexuel homosexuel.
L’ouverture au reste du monde depuis l’ère Meiji et les premières criminalisations de l’homosexualité
Lorsque le Japon s’est ouvert au reste du monde et aux croyances occidentales après des années d’isolement à l’ère Meiji (seconde moitié du 19e siècle), l’homosexualité a commencé à être petit à petit condamnée. En 1873, est créé le code judiciaire keikan qui criminalise les pratiques homosexuelles. Pour certains, c’est l’importation de valeurs judéo-chrétiennes qui explique ce renforcement du modèle de la famille nucléaire. On considère que l’épanouissement se ferait dans le cadre d’une famille composée d’une mère, d’un père et d’un enfant (au minimum) et où le sexe et l’âge induiraient des responsabilités et devoirs.
Le poids des normes familiales traditionnelles dans le Japon contemporain
Aujourd’hui, le modèle de la famille traditionnelle hétérosexuelle est très ancré au Japon. L’absence de cours d’éducation sexuelle renforce cette tendance. De plus, au Japon, la sexualité est considérée comme étant quelque chose de tabou et de privé. Déjà qu’on ne parle que très peu de son ou sa partenaire et qu’on ne montre quasi pas de signes d’affection dans la rue dans les relations hétérosexuelles, les relations homosexuelles dans la société japonaises sont presque invisibles.
Le coming out n’est pas une pratique répandue puisqu’on craint un isolement social. On peut citer le fameux proverbe japonais « Le clou qui dépasse appelle le marteau » : personne n’a envie d’être exclu et traité comme un marginal. Même les associations japonaises de défense des minorités sexuelles préconisent parfois de cacher son orientation sexuelle pour éviter toute stigmatisation.
Le mariage est une institution centrale de la société japonaise : le célibat a mauvaise presse et on est considéré comme un citoyen accompli une fois marié. Certains gays et lesbiennes choisissent donc de se marier ensemble pour être bien vus par la société (certains magazines gays ont même une rubrique où l’on peut trouver des partenaires de mariage de complaisance).
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