Le Brésil fait partie des pays les plus inégaux au monde et la pauvreté est un réel problème national. Au-delà de ce fait, c’est aussi une notion importante pour comprendre la société brésilienne car elle conditionne de nombreux comportements. L’incertitude face à l’avenir pousse les Brésiliens à n’avoir aucun plan sur le long terme. Ils vivent donc au jour le jour.
Les très fortes inégalités de moyens créent également de très grandes inégalités en termes de réflexion sur l’avenir. Une personne qui n’a pas les moyens de manger à sa faim se souciera moins, voire pas, de savoir si cette bouteille en plastique va dans telle ou telle poubelle ou comment la société pourrait devenir plus égalitaire entre les hommes et les femmes. C’est un fait, cela ne fait pas partie de ses priorités.
Le terme d’inégalités est donc plus large qu’une “simple” différence de moyens financiers. Cela se répercute sur tout le fonctionnement de la société brésilienne qui se développe à des rythmes totalement différents et ces dernières années les écarts se sont encore creusés.
Des inégalités grandissantes
Les inégalités au Brésil sont un problème qui existe depuis de nombreuses décennies, à des degrés différents. En effet, au début du millénaire, le Brésil a connu une diminution des inégalités sociales et économiques. Mais en 2015 et 2016, le pays a connu la plus importante récession de son histoire, ce qui a mis à mal les améliorations qu’il avait connu précédemment. Et le pays se remettait à peine de cette récession quand la crise de la Covid a frappé…
Pendant cette période de crise sanitaire, le gouvernement brésilien a fait bénéficier une partie de la population d’une allocation de 600 reais par mois, montant qui pouvait aller jusqu’à 1 200 reais pour les ménages monoparentaux. Donc, pendant un temps, le taux de pauvreté a baissé et les inégalités avec. Le problème est que ces allocations avaient une date de fin, alors que la pandémie et ses conséquences étaient toujours bien présentes.
En termes réels d’inégalités, la pandémie aura creusé encore plus un fossé déjà largement existant dans le pays. En effet, l’inflation qui a fait suite à la pandémie (et qui est toujours en cours), n’a pas pesé de la même manière sur les ménages les plus modestes que sur les ménages aux moyens les plus élevés. Pour la première catégorie, l’augmentation des prix des biens consommés aura été en cumul de 7,5 % alors que pour la seconde, la hausse n’a été que de 4,46 %. La pandémie et ses conséquences auront donc plongé à nouveau une partie de la population dans une très grande pauvreté.
Voici ce qu’elle représente en chiffres :
En 2019 (avant pandémie) :
- 51,9 millions de Brésiliens (soit 24,8 % de la population) sont en-dessous de la ligne de pauvreté.
- 13,9 millions de personnes (soit 6,6 % de la population) sont considérés comme extrêmement pauvres.
Les prévisions de l’USP en 2021, au regard de la pandémie, étaient que :
- 61,1 millions de Brésiliens (soit 28,9 % de la population) seraient pauvres.
- 19,3 millions de personnes (soit 9,1 % de la population) seraient extrêmement pauvres et feraient face à de réelles carences alimentaires.
En ce début 2023 et avec le retour du Brésil sur la carte de la faim des Nation Unies (dont nous parlons plus en détail ci-dessous), nous pouvons estimer que cette dégradation prévue par les chercheurs a malheureusement été atteinte.
Pour en savoir davantage sur ce sujet, vous pouvez lire cet article.
Pour amorcer dès maintenant un sujet dont nous parlons dans le chapitre suivant concernant le racisme au Brésil, l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistiques estime que la catégorie de Brésiliens la plus aisée (10 % de la population) est constituée à 70 % de blancs, alors que les 10 % les plus modestes sont noirs dans 74 % des cas.
Ces inégalités sont donc économiques et sociales mais reposent aussi, en partie, sur un racisme toujours pleinement existant au Brésil.
C’est d’ailleurs tout à fait visible, étant donné que la très large majorité des personnes que vous verrez vendre des choses dans la rue ou à des postes peu rémunérateurs, et donc en situation précaire, sont noires ou métisses.
Inégalités d’éducation
Des inégalités décrites précédemment et de la grande pauvreté de certains découle aussi une inégalité face à l’éducation.
En effet, l’école publique est notoirement connue pour ne pas donner une éducation très complète ni de très bonne qualité. Ainsi, toutes les personnes qui ont un minimum de moyens envoient leurs enfants en école privée. Les inégalités d’éducation débutent donc dès le plus jeune âge.
Pour ce qui est des études supérieures, le Brésil dispose d’universités publiques autant que d’écoles privées. Ces universités publiques reçoivent un financement très important de la part du gouvernement pour la recherche et l’éducation. De ce fait, les universités publiques sont plus réputées que les écoles privées et les conditions d’entrée sont très difficiles. Les étudiants en universités publiques ne sont donc que les meilleurs profils.
Les inégalités se poursuivent donc car, pour les personnes défavorisées n’ayant déjà pas eu accès à une bonne éducation depuis leur enfance, les portes de l’université publique s’ouvrent très difficilement.
Retour sur la carte de la faim
Alors que le Brésil avait réussi à quitter la carte de la faim depuis huit ans, le pays y est malheureusement de nouveau inscrit.
La carte de la faim répertorie tous les pays dont 2,5 % de la population fait face à un manque chronique de nourriture. En 2022, c’était environ 4,1 % de la population brésilienne qui était concernée par ce problème.
Selon la Food and Agriculture Organization (FAO), plus de 15 millions de personnes feraient face à une sérieuse insécurité alimentaire. Ci-dessous, un graphique très parlant qui montre que 41 % de la population vit dans une situation de sécurité alimentaire. Donc plus de la moitié des Brésiliens soufre d’une insécurité alimentaire plus ou moins grave.
Cette situation dramatique est en partie due à la pandémie évidemment, qui a mis à mal l’économie du pays mais c’est également la conséquence de la quasi disparition des aides alimentaires. En effet, en 2012 ces aides s’élevaient à 100 millions d’euros mais elles ont chuté de 93 % en 2019 pour atteindre seulement 7,8 millions d’euros. Aujourd’hui, elles sont presque inexistantes.
Cette situation est telle que des supermarchés se sont mis à vendre des restes, tels que des restes de poissons (tête, peau, entrailles…).
(1) Commentaire
Excellent dossier ! Merci Flora 🙂
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