Toujours ok pour un hockey !
Loisir du dimanche ou grande messe des tribunes, le hockey constitue pour le Québec un ciment d'unité. Même si la violence de ce sport contraste avec les mœurs quotidiennes, il s'avère également être une clé d'intégration.
> Sylvain
Certains soirs, dans les couloirs du métro, le rouge prédomine sur les vêtements des Montréalais. Sur les joues, sont grimées les lettres CH ; sur les lèvres, le slogan
Go, Habs, go! ne cesse de se répéter. Sous peu, les joueurs du Tricolore envahiront la patinoire du Centre Bell, ce gigantesque monstre de gradins et de grilles. Pour ceux qui ne peuvent se procurer des billets, vendus à des prix prohibitifs, le lieu de rendez-vous sera l'un des bars du centre-ville. Pinte vissée à la main et yeux rivés sur l'écran, on y guette la moindre offensive du Canadien de Montréal. Les vicissitudes des joueurs alimentent les conversations, inondent les journaux, couvrent les murs des chambres et font rêver… ou pleurer. « La ville est hockey », rabâchent les services de communication de l'équipe aujourd'hui centenaire. Cela se voit et surtout, se sent. Pour être plus juste, le Québec dans son ensemble « est hockey ». À tel point que cette discipline, érigée en quasi-religion, est l'un des éléments fédérateurs majeurs de la province. Parlez de la victoire des
Habs de Montréal, arrachée la veille, et voyez comment les dissensions du débat sur la souveraineté du Québec s'envolent.
Sur les nombreuses patinoires extérieures essaimées dans l'Île, les jeunes, les ados aussi bien que les adultes y vont de bon cœur, jusque tard dans la nuit. Les disputes autour de la rondelle noire baignent souvent dans une ambiance de camaraderie. Prochainement, on pourra même patiner en été, sous un soleil de plomb: la ville de Montréal s'apprête à tester des structures synthétiques pour remplacer la glace.
gf
De jeunes Québécois au cours d'une partie acharnée au pied du Mont-Royal.
Le sport est l'une des lorgnettes par laquelle une société peut être perçue. Cependant, le hockey a la particularité d'être un miroir déformant. L'ambiance bon enfant qu'il insuffle à la ville jure avec les violences récurrentes reproduites sur tous les écrans du pays. Plus encore, les bagarres qui ponctuent les matchs fêlent l'image de pacifisme projetée par les mœurs quotidiennes. Montréal, une des villes les plus sûres d'Amérique du Nord, se transforme soudain en une meute enragée derrière son cortège de gladiateurs. On s'excite pour les points comme pour les coups de poing, pour les arrêts comme pour les raclées.
L'année 2008 a connu des excès en la matière. Dans la ligue Junior, deux des fils de l'ancien gardien vedette Patrick Roy écopent de suspensions pour des violences gratuites ou graves. Les distributions de commotions cérébrales vont bon train.
Le hockey apparaît donc comme une bulle de violence dans l'océan de tranquillité québécois. Un exutoire ? Probablement. En tout cas, une façon inhabituelle de canaliser et de concentrer la violence sociale sur 1600 m2.
Là encore, l'an 2008 amène une exception. À la suite d’une victoire du Canadien de Montréal durant les séries éliminatoires, de violentes émeutes ont éclaté aux alentours du Centre Bell. Le glas de l'étanchéité des patinoires comme conteneur de violence a-t-il sonné ? Certes, les débordements ne peuvent être directement attribués à ce qu'il se passe dans l'arène sportive. Mais il est certain que, cette nuit-là, pendant que des policiers dépassés tentaient de rétablir de l'ordre, quelque chose a changé à Montréal.
Si le récipient à violence semble fêler quelque peu, le hockey conserve ses vertus d'unification sociale. Et son utilisation comme moyen d'intégration est tout à fait saisissant.
gf
Les bagarres vues à la télévision dans la ligue professionnelle n'ont pas leur place ici.
L'intégration par la glace
Montréal est extrêmement cosmopolite. Dans certains arrondissements, la proportion de résidents d'origine étrangère dépasse les 50%. Face à un afflux constant qui se concentre principalement sur la métropole, tous les moyens d'intégration doivent être envisagés. Dans la trousse à outils, on retrouve, à côté des cours de français, l'initiation au hockey. Et la formule produit ses effets.
Le club local de l'arrondissement de Saint-Laurent, dans le nord-ouest de la ville, illustre parfaitement l'appropriation du sport et de ses valeurs par les immigrants. À sa tête, un Grec, un Marocain, un Italien et un Libanais.
« Peu de temps après être arrivés ici, mes enfants se sont intéressés au hockey, mentionne l'un d'eux. Puisque je n’y connaissais rien, j’ai décidé de m’impliquer pour en apprendre plus. »
Les soudures avec les Québécois sont grandement facilitées par ce noyau commun.
gf
Une paire de patins, un bâton et une rondelle. C'est parti pour la gloire...
Pour le nouvel arrivant, s'initier au hockey n'est pas une tâche insurmontable. Elle est même fortement conseillée, si l'on désire vivre le pays « de l'intérieur », et surtout faire mieux passer la pilule hivernale. Voici donc quelques conseils.
Tout d'abord, un peu d'entraînement sur patins est recommandé. Le parc Lafontaine de Montréal dispose d'un lac gelé durant l'hiver, terrain de jeu parfait pour perfectionner le patin libre.
Le matériel est peu onéreux. On peut se procurer une paire de patins usagée pour environ 40 $ (28 €), et une crosse honorable (appelée bâton) pour une quinzaine de dollars (10 €).
En été, il est possible de jouer au hockey cosom, qui se pratique avec une balle, en chaussures de sport, directement sur le bitume. Ceci permet d'apprendre à mieux manier la crosse.
Enfin, n'hésitez pas à demander aux Québécois de votre entourage s'ils sont partants pour une petite séance. Certains se feront un plaisir de vous montrer comment exécuter le fameux « lancer des poignets ». Vous verrez, ils n'ont rien de violent…