POUTINE ET FRÉQUENTATION
BENOIT LEFEBVRE, HUMORISTE
La fréquentation, c’est le bout étrange. Le bout pas clair, le no man’s land, le purgatoire, le cul assis entre deux chaises, ou la chaise
entre deux culs.
La saison de la chasse est ouverte! Le soleil, la chaleur, on veut se matcher! Ou juste se fréquenter. Mais avertissement : si vous fréquentez quelqu’un qui vient de la France, vous êtes en couple!
Ca a l’air que les Français, ça ne se fréquente pas. Au premier baiser, c’est soudé, signé. Si y avait fallu que tous les frenchs dans ma vie aient conduit à un couple… le party aurait fini plus tôt.
Parlez à n’importe quel Français nouvellement débarqué ici. Ils diront tous la même chose : «En France, on fréquente un lieu, pas une personne!» Eh bien moi, j’ai fréquenté des personnes dans des lieux… Est-ce que ça s’annule?
Les Français pensaient découvrir des Indiens, ils découvrent la fréquentation.
La fréquentation, c’est le bout étrange. Le bout pas clair, le no man’s land, le purgatoire, le cul assis entre deux chaises, ou la chaise entre deux culs. On se fréquente, ça veut dire : on se teste, on se checke.
On se checke au Québec. Peut-être parce qu’on est moins francs dès le départ. Ça prend du temps pour faire fondre l’image, aller au vrai. Les Français, on les connaît, ils s’affichent et s’affirment assez tôt, même un peu trop.
Mais ça a l’avantage d’être clair. Ici, on niaise. Le film est toujours bon, le choix de resto toujours parfait. Et pourtant.
Une amie de fille m’a déjà dit : «Un gars m’a cruisée à l’épicerie après-midi! Voir! J’étais en jogging, pas maquillée, les cheveux tout croches.» T’étais vraie. Ça a l’air que ça plaît plus qu’on pense, du vrai. Ou peut-être que t’avais une caisse de 24 puis une boîte d’ailes de poulet dans ton panier…
Les Français, y a pas, ou moins, de bullshit. Leurs opinions, goûts... bref, leur personnalité est «drette» dans ta face, parce qu’elle est «drette» dans leur face. Et non pas derrière un beau sourire séducteur, renfermé, qui a peur de s’affirmer et de s’afficher.
J’avoue que j’ai pas eu beaucoup de nfréquentations… pas claires. J’étais toujours clair. «Ça, c’est le lit, ça, c’est le frigidaire, ça, c’est le
divan où on va pas regarder des films collés. In or out?»
OK, c’est tout de la bullshit. J’ai jamais dit ça! Mais j’étais quand même clair. Jouer dans un cœur pour jouer après un corps, à 16 ans ça se pardonne, mais à 25, 30, 35 ans…
c’est un peu colon. Y a moyen de se garder au chaud l’hiver dans le respect et la bonne humeur.
Fréquentez en paix, mais surtout en vrai!
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro (ndlr : ni la mienne d'ailleurs

)