Droit du Travail
Les Principes et règles du Congédiement & licenciement au Québec
Dans le cadre de ses relations avec ses employés, une entreprise a des droits et des devoirs. Le salarié en possède corollairement à l'égard de l'entreprise. L'objet de cette chronique sera de traiter des possibilités, pour l'employeur, de mettre fin à une relation de travail. Dans cette rupture, quels sont les droits et obligations de chacun?
La question de l'ancienneté d'un employé dans l'entreprise est une pierre angulaire qui conditionne les obligations de chacun. Au Québec, l'article 124 de la Loi sur les normes de travail établit deux ans d'ancienneté comme élément charnière dans un milieu non syndiqué. Ainsi, en deçà de ces deux années d'ancienneté, un employeur peut en règle générale congédier un employé facilement. Il lui faudra uniquement respecter les règles relatives au préavis. Il n'a pas à apporter de justification.
Après deux ans dans une entreprise, un employé se voit reconnaître un droit à garder son emploi. Un employeur ne peut le congédier comme bon lui semble. Toutefois, il est possible de congédier le salarié pour une faute lourde. Les tribunaux interprètent strictement les critères de cette faute lourde.
Par ailleurs, lorsqu'une entreprise abolit un poste pour des motifs économiques ou technologiques, on parle alors de licenciement plutôt que de congédiement. Dans ce contexte, l'ancienneté de l'employé licencié n'est pas un facteur.
En premier lieu, nous exposerons la situation d'un employé qui a moins de deux ans d'ancienneté dans une entreprise. Puis, nous développerons la situation du salarié qui a plus de deux ans d'ancienneté.
1.La situation d'un employé qui justifie de moins de deux (2) ans de service continu auprès de l'employeur
Tant et aussi longtemps que l'employé n'a pas accumulé au moins deux (2) années de service au sein d'une entreprise, l'employeur a beaucoup de flexibilité. S'il veut congédier un employé, il n'a pas à se justifier. Toutefois, une obligation demeure : le respect, par l'employeur, des règles relatives au préavis de cessation d'emploi. Le préavis de cessation d'emploi est l'obligation pour l'employeur d'informer par écrit l'employé qu'il le remercie pour ses services. Du point de vue du salarié, il s'agit du droit, pour ce dernier, d'être informé à l'avance de la date à laquelle son emploi se termine. Par ailleurs, cette obligation pour l'employeur de fournir un préavis de cessation d'emploi est assortie d'un délai. Plus précisément, la notification du renvoi devra être faite un certain nombre de semaines avant le renvoi effectif, en considération du nombre d'années de service de l'employé. C'est une obligation pour l'employeur.
Voici les délais que doit respecter l'employeur qui donne le préavis :
· Moins de trois mois de service continu : Aucun préavis
· De trois mois à un an de service continu : Une (1) semaine
· D'un à deux ans de service continu : Deux (2) semaines
L'employé qui reçoit son préavis de cessation d'emploi doit, en principe, continuer de travailler pour l'employeur durant toute la durée de son préavis et continue d'être rémunéré pour ses services. Cependant, si l'employeur souhaite que l'employé quitte l'entreprise sur-le-champ au moment de la remise du préavis (par exemple : en raison du poste clé de celui-ci justifiant son départ immédiat), l'employeur doit verser à l'employé une somme équivalente au salaire que ce dernier aurait perçu s'il avait continué de travailler pour l'entreprise pour toute la durée du préavis. Toutefois, l'employeur n'a pas à donner de préavis de cessation d'emploi lorsque l'employé a commis une faute ou une série de fautes justifiant son congédiement immédiat. Les critères nous permettant de déterminer si l'employeur dispose d'une cause juste et suffisante pour congédier son employé seront étudiés au paragraphe II ci-après.
Pour résumer, un employeur n'a pas, règle générale, à justifier le renvoi d'un salarié qui justifie de moins de deux (2) années de service continu. En revanche, un employé qui a plus de deux (2) ans d'expérience ne peut pas être remercié sans motif valable.
2.La situation d'un employé qui justifie de plus de deux (2) années de service continu auprès de l'employeur
L'employé qui a accumulé plus de deux (2) ans d'ancienneté dans une entreprise ne peut pas être remercié au gré de l'employeur. En effet, l'employeur qui souhaite congédier un employé doit justifier sa décision par l'existence d'une cause juste et suffisante, ou il doit le licencier en invoquant une raison d'ordre économique ou technologique. Ainsi, il est plus difficile pour l'employeur de couper le lien d'emploi avec une salarié si que ce dernier a plus de deux (2) ans d'ancienneté. Il y a lieu de distinguer entre deux (2) façons de mettre fin à la relation de travail avec un employé : le congédiement et le licenciement.
A.Le congédiement
Le congédiement est la rupture de la relation de travail causée par des motifs subjectifs liés aux caractéristiques propres du salarié. Autrement dit, le congédiement résulte d'une faute commise par le salarié. Cependant, toute faute ne justifie pas forcément un congédiement immédiat pour l'employé ayant accumulé plus de deux (2) ans de service auprès de l'employeur. En effet, la Loi sur les normes de travail requiert l'existence d'une cause « juste et suffisante » pour que le congédiement soit la mesure appropriée. Qu'est-ce qu'une cause « juste et suffisante »? La réponse réside dans l'analyse qu'en ont fait nos tribunaux. Voyons un peu en quoi cela consiste.
Selon les tribunaux, le congédiement est la sanction à la faute ou aux fautes commises par l'employé. La jurisprudence a énoncé le principe de gradation des sanctions, le congédiement en étant la sanction ultime. L'employeur bénéficie de certains outils de sanctions avant le congédiement, tel qu'un avis, une suspension sans solde, un changement de poste. Avant de congédier un employé, l'entreprise doit appliquer le processus de gradation des sanctions. Cependant, chaque cas est un cas d'espèce. Rares sont les situations qui justifient un congédiement dès la première faute (par exemple : un pilote d'un airbus A 380 qui prend les commandes d'un appareil après avoir consommé de l'alcool – dans ce cas le congédiement sur le champ pourrait être justifié). Que faire, par exemple, avec un commis de bureau qui, un matin, arrive en retard? Certes, l'employeur ne serait pas justifié de le congédier, mais il pourrait lui donner un avis, une mise en garde ou lui rappeler quel est son horaire de travail. Si malgré quelques avis, l'employé multiplie les retards, l'entreprise pourrait alors procéder à une suspension sans solde. Si cette dernière sanction ne porte pas fruits, l'employeur serait alors probablement justifié de congédier cet employé.
En pratique, bien peu de P.M.E. appliquent ce processus de gradation des sanctions. Cependant, en se contentant de réprimandes orales à leurs employés, ces entreprises pourront difficilement justifier un congédiement par la suite. Avant que la situation d'un employé devienne problématique, nous suggérons fortement à l'entreprise de documenter le dossier de cet employé et de procéder par voie de gradation des sanctions. Ainsi, il sera alors plus facile à l'employeur de justifier un éventuel renvoi.
En somme, il existe deux (2) situations justifiant le congédiement d'un employé qui possède plus de deux (2) ans d'ancienneté :
1.L'existence d'une faute lourde et grave justifiant un congédiement sur-le-champ, ou
2.une série de fautes répétées ayant fait l'objet de sanctions graduelles.
B.Le licenciement pour raison d'ordre économique ou technologique
Le licenciement est l'acte par lequel un employeur met fin au contrat de travail de l'un ou plusieurs de ses salariés pour des motifs d'ordre économique ou technologique. Une entreprise peut avoir des difficultés financières ou opérer des changements technologiques en son sein. Dès lors, ses ressources humaines peuvent ne plus correspondre à ses besoins. La situation économique de l'entreprise peut nécessiter une réduction d'effectifs, et le changement d'orientation d'affaires peut requérir une adaptation des ressources humaines.
En effet, si, par exemple, une entreprise est amenée à se moderniser et à acquérir de nouvelles machines, il se pourrait que certains salariés n'aient pas les compétences requises pour fonctionner avec cette nouvelle technologie. Dans ce cas, l'employeur pourrait licencier les employés qui n'ont pas de telles compétences. Il s'agirait d'un licenciement pour motif technologique. De même, lorsqu'une entreprise est en difficulté financière et qu'elle doit se restructurer, elle peut procéder à un licenciement économique. Celui-ci peut intervenir lorsqu'une entreprise est en déficit ou simplement lorsqu'elle a des résultats financiers insatisfaisants.
Alors que le congédiement résulte d'une faute de l'employé et donc de son fait personnel, le licenciement procède de l'entreprise. L'entreprise étant en restructuration, les critères personnels des salariés ne sont pas pris en compte pour le licenciement. En de tels cas, l'employeur peut mettre un terme à la relation de travail quel que soit l'ancienneté de l'employé. Autrement dit, l'employeur pourra choisir librement le salarié qu'il veut licencier. Il peut décider de licencier un employé plutôt qu'un autre sans avoir à se justifier. Il gère librement son choix. La jurisprudence a retenu à maintes reprises ce critère de liberté de gestion de l'employeur pour refuser d'intervenir dans une décision prise par ce dernier. Bien que l'employeur soit libre de licencier l'employé qu'il souhaite, il doit tout de même donner à l'employé liencié un préavis de cessation d'emploi conforme à la Loi sur les normes du travail, soit :
Nombre d'années de service de l'employé / Délai du préavis
. De deux à cinq ans de service continu : Avis de deux semaines
. De cinq à dix ans de service continu : Avis de quatre semaines
. Plus de dix ans de service continu : Avis de huit semaines
En terminant, il faut savoir qu'un licenciement pour motif économique ou technologique ne doit pas être appliqué à la légère par l'employeur. Il ne doit pas s'agir d'un congédiement déguisé! Le processus doit se fonder sur des objectifs réels et précis. Il est conseillé d'avoir des documents à l'appui.
Conclusion :
L'employeur doit donc être attentif à l'ancienneté de ses employés lorsqu'il désire s'en départir. Si pendant les deux (2) premières années d'emploi, l'employeur peut congédier un employé sans se justifier, la situation se corse par la suite puisque passé cette échéance de deux (2) ans, l'employeur devra fournir un motif juste et suffisant avant de le faire. Lorsqu'un employé a commis une faute très grave (et les cas sont plutôt rares), ou lorsqu'une suite de fautes a fait l'objet de sanctions documentées et graduelles, nous pouvons penser que l'employé méritera alors la sanction ultime du congédiement. Toutefois, cette règle ne s'applique pas dans le cas d'un licenciement d'ordre économique ou technologique.
Lorsque l'entreprise a recourt à une réduction de personnel en raison d'un impératif technologique ou économique, on est alors en présence d'un licenciement. Le licenciement permettra à l'employeur de congédier l'un quelconque de ses employés, et ce, sans avoir à invoquer une cause juste et suffisante et sans se préoccuper de l'ancienneté des employés les uns par rapport aux autres. Le seul contrôle qui peut être fait concerne la réalité de la situation économique, ou du changement technologique, autrement dit que le licenciement ne résulte pas d'un faux prétexte.
Peu importe le nombre d'années d'ancienneté qu'il a accumulées au sein de l'entreprise, l'employé a droit au préavis prévu par la loi, sauf s'il est congédié pour une cause juste et suffisante. Ce préavis peut prendre la forme d'une indemnité de départ équivalente au salaire qu'aurait perçu l'employé s'il avait reçu le préavis.
La loi recherche un équilibre entre protection et flexibilité. En Europe, le terme « 'flexicurity » est utilisé pour définir cet objectif d'équilibre entre la flexibilité du marché du travail et la sécurité d'emploi pour le travailleur. Le travailleur doit s'adapter au marché du travail, en contrepartie de quoi se il se voit reconnaître des droits plus importants, une plus grande protection. Au Québec, la flexibilité est grande pendant les deux (2) premières années de travail d'un salarié. Après deux (2) ans d'ancienneté, la protection du salarié devient très importante. Ainsi, le Québec a déjà inscrit dans sa loi les objectifs européens de flexibilité et de sécurité.