1. #1
    Anonyme
    Pays de provenance : Canada
    Pays de destination : France (Rhône - 8 mois ; Bretagne - 1 mois ; Loire-Atlantique - 1 mois)

    Est-ce que c’est la première fois que tu vivais à l’étranger ?
    Non. J’ai étudié aux Pays-Bas pendant un an. J’suis allée plusieurs fois aux États-Unis, j’ai fait un voyage communautaire au Bénin et voyagé dans plusieurs pays européens ainsi que dans plusieurs endroits au Canada.

    Baroudeur ou pas ?
    Entre les deux. J’aime voyager et découvrir, mais ça ne m’empêche pas d’établir une feuille de route que je modifie et que j’adapte au fil des situations.

    Que faisais-tu au Canada ?
    Je travaillais en rédaction et en gestion de contenu.

    Pourquoi cette envie de t’envoler pour la France ?
    J’ai créé mon compte sur pvtistes.net en 2011 parce que j’envisageais d’aller en France et j’ai changé d’avis. Je préférais aller dans un pays anglo-saxon, nordique ou d’Europe de l’Est. Ma famille est originaire d’une ancienne colonie française, j’ai côtoyé des Français au Canada, à l’étranger ainsi que dans ce site, et rares sont les fois où j’ai rencontré des gens qui ne correspondaient pas aux clichés typiques qu’on leur associe. Finalement en 2015, je me suis dit qu’il était temps de voir ce qu’il en est en allant sur le terrain.

    Pourquoi Villeurbanne ?
    J’ai choisi la région de Rhône-Alpes pour la proximité des montagnes compte tenu que je pratique beaucoup de sports de plein air. J’ai ensuite opté pour la ville où j’aurais plus de chances de trouver un emploi. J’suis restée dans le centre-ville de Lyon pendant trois semaines et j’ai marché tous les jours pour me familiariser avec les différents quartiers. De là, j’ai déterminé que Villeurbanne me correspondrait mieux et j’ai commencé à cibler mes recherches dans ce secteur. C’est à proximité de Lyon, y’a le Parc de la Tête d’Or, les loyers sont moins chers, c’est l’un des rares endroits où il reste des maisons individuelles et c’est un secteur assez multiculturel où il y a une bonne cohabitation entre les différents groupes culturels et religieux.

    Quel a été ton sentiment dominant au cours des 2 premières semaines en France ?
    Je suis pragmatique, les sentiments je laisse ça aux autres. Plus sérieusement, j’étais en mode opérationnel (recherche de logement, emploi, etc.). Je n’aimais pas particulièrement l’architecture de Lyon, je trouvais que ça faisait « wannabe » communiste raté. J’avais apprécié ce style en Italie et en Europe de l’Est, mais à Lyon je trouvais que ça ne collait pas. J’ai vraiment commencé à apprécier le style lors de mon départ. Maintenant que je suis dans le 44, je trouve que Lyon avait le mérite d’avoir un style assez uniforme contrairement à d’autres villes où dès tu sors du centre-ville tu te demandes à quoi pensait le service d’urbanisme pour autoriser la construction de certains immeubles. J’ai fini par m’habituer au paysage parce que l’architecture n’est généralement pas ce qui fait pencher la balance dans mon appréciation d’un endroit.

    Est-ce que ta situation professionnelle te paraît satisfaisante, en France ?
    Non, j’avais une situation nettement meilleure au Canada. Depuis, mon arrivée, j’ai travaillé dans un centre d’appels, un supermarché et un restaurant. J’ai également fait du bénévolat. Pas terribles comme expériences ; j’ai aussi subi du harcèlement et de la discrimination en milieu de travail.

    Quelles ont été tes plus grosses difficultés en France ?
    1- La recherche d’emploi et là, j’apporte quelques précisions. Contrairement à ce que certaines personnes disent, il y a de l’emploi en France, mais :

    - la plupart des postes sont non qualifiés et ils sont généralement situés dans le tertiaire ; beaucoup de Français ne veulent pas occuper ces postes, donc on n’y voit une concentration d’immigrants, mais aussi de Français qui ne rentrent pas dans le « moule » de l’emploi
    - les employeurs et les recruteurs recherchent souvent un mouton à cinq pattes
    - une grande partie de la population française est surdiplômée par rapport aux postes à combler, et les employeurs profitent de cette situation

    2) L’intégration. Je l’avais mentionné dans cette discussion l’automne dernier, l’accueil, ce n’est pas le point fort des Français. Les Français disent qu’ils sont réservés. Pour moi, les gens froids et réservés dans le vrai sens du terme sont dans les pays d’Europe de l’Est ou en Russie par exemple. En France, j’ai trouvé que ça s’apparentait plutôt à du snobisme et je trouve ironique les Français qui disent que les Allemands sont froids. Malgré tout ce qui a été insinué à mon sujet dans cette discussion, je retiens ce que j’ai écrit. Tout ce que je pensais m’a été confirmé par plusieurs étrangers et Français que j’ai côtoyés et je ne compte pas le nombre de fois où l'on m'a dit que j'aurais dû choisir un autre pays que la France. Certaines personnes n’ont pas appréciée la critique, mais ça reste mon ressenti. J’ai certes pu rencontrer des gens différents, mais il y a définitivement un malaise à ce sujet qui va au-delà de milieu urbain/rural, a voyagé/n’a pas voyagé.

    3) Comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai subi du harcèlement en milieu de travail. C’est étonnant de voir comment certains Français se plaignent d’être discriminés et font subir le même traitement aux autres.

    Quel est ton meilleur souvenir ?
    Mon court séjour en Bretagne.

    Est-ce que certaines choses canadiennes te manquent ?
    Ce ne sont pas des choses spécifiquement canadiennes qui me manquent :

    - la liberté d’être soi-même (En France, on vous juge et on vous examine en permanence et les gens jouent un rôle afin de donner l’apparence de quelque chose.)

    - l’acceptation de la différence (les gens sont conformistes et remettent rarement en question des modèles anciens et directement calqués sur l’aristocratie. On cantonne et on fiche aussi les gens facilement.)

    - la nourriture variée (1) La cuisine française est très traditionnelle, ce qui va convenir à certains, mais elle n’est pas novatrice à mon avis. Il y a peu de produits pour les gens avec des intolérances, des allergies ou autres préférences alimentaires dans les supermarchés. Il faut souvent se rendre dans des marchés bios et encore là, la sélection variera en fonction de la région; 2) j’ai trouvé que les légumes au supermarché, même lorsqu’ils viennent de France étaient fades, alors sur le conseil de mes colocs végétariennes, j’ai commencé à acheter du bio; 3) j’ai aussi trouvé que le pain français manquait souvent de densité et qu’il y avait peu de variétés comme chez nous, alors là aussi je me suis tourné vers le bio; 4) je n’ai pas accroché au kebab; je préfère les spécialités libanaises, mais je recommande quand même d’essayer le taco lyonnais au moins une fois)

    - le respect (Beaucoup de gens disent que vanner ou débattre c’est dans la culture française. Plus souvent qu’autrement j’ai vu que c’était un prétexte pour insulter les gens sans avoir à s’excuser lorsqu’on sait qu’on a dépassé les bornes. Malgré les apparences, les Français se vexent facilement lorsqu’on leur rend la monnaie de leur pièce, même poliment, surtout si vous êtes étranger et de surcroît Canadien. Je le dis souvent à mes interlocuteurs, les Français disent aimer les Canadiens, mais souvent ils les aiment mal. Et ne soyez pas dupes, ce n’est pas parce que vous voyez deux personnes faire mine d’être réconciliés devant tout le monde après une enguelade que les couteaux ne volent pas bas derrières des portes closes ou qu’une des deux parties n’a pas gardé une certaine amertume.)

    - l’hiver glacial
    - la simplicité
    - la responsabilisation
    - l’accessibilité
    - la diversité

    Qu’est-ce qui te manquerait si tu rentrais au Canada ?
    Mise à part quelques personnes, le caramel beurre salé.

    Qu’est-ce que cette expérience t’apporte, du point de vue personnel ou professionnel ?
    D'un point de vue personnel, cette expérience m’a confirmé que la France n’est pas un pays où je souhaiterais m’établir ou élever des enfants. Le Canada est loin d’être le pays des bisounours, mais je sais que j’y ai plus une place qu’en France où les mentalités sur certains sujets semblent être figées dans le 15e siècle. La nourriture, la nature, la mode et les aides sociales ne sont pas suffisantes pour me faire apprécier un pays. Cela dit, la France peut être intéressant pour entreprendre des études...à condition de rentrer chez soi ou d’aller ailleurs après.

    Quels conseils donnerais-tu aux futurs pvtistes?
    Il y a de nombreux programmes pour permettre aux Canadiens de voyager au Canada ou partir à l’étranger. Si vous avez la possibilité de faire un PVT faites-le, mais ce n’est pas le seul moyen de voyager. Et n’oubliez pas qu’il y a aussi différents types de voyageurs.

    Si vous êtes issu d’un groupe de minorité ethnique, je ne peux pas en toute honnêteté vous recommander la France pour le PVT. Il y a du racisme au Canada, mais plus d’efforts concrets pour combattre la discrimination chez nous qu’en France où on banalise encore certaines formes de discrimination sous le couvert de la liberté d’expression ou parce que le mot ou l’expression se trouve dans le dictionnaire. À la limite, je comprendrais ce genre de comportement dans un pays où il y a eu peu d'immigration, mais en France je trouve que c’est dépassé.

    Si vous recevez de l’aide dans le forum, pensez à donner des nouvelles et partagez vos bons plans, ne venez pas seulement quand vous avez des difficultés. Soyez contributeur pas seulement consommateur.

    Si votre séjour en France ou en Belgique se passe bien, partagez-le dans le forum. Si ce n’est pas le cas, n’ayez pas peur de le dire aussi. Obtenir un PVT France ou Belgique, ne nous engage pas à faire vœu de silence et à se la boucler. Cela dit, je ne vais pas nier que je trouve qu’il y a une manière de faire deux poids deux mesures ou une façon de constamment banaliser les difficultés des étrangers en France dans le forum, alors si vous n’êtes pas à l’aise de partager vos impressions ici, créez-vous un blogue ou trouvez un autre forum où vous exprimer.

    Évitez de penser que vous êtes meilleurs que les autres parce que vous avez fait un PVT. Il y a une tendance à penser que ceux qui voyagent sont plus « tout » que ceux qui ne voyagent pas. Je ne partage pas cet avis. le PVT ouvre de nombreux horizons et c’est vrai que ça peut faire grandir, surtout qu’en France les gens sont très « coocoonés ». Par contre, éviter de critiquer vos compatriotes qui ont choisi une voie différente. S’établir à 22 ans avec mari/femme et enfants est tout aussi valable que partir en PVT au même âge. Il n’y en a pas un meilleur que l’autre et l’un n’exclut pas forcément l’autre. Je suis lassée des clichés qu’on colle à la peau de ceux qui voyagent, mais je suis aussi agaçée des étiquettes qu’on colle à ceux qui ont choisi la stabilité. Il faut assumer ces choix et respecter ceux des autres.

    EDIT: Malgré tout ça et le fait que je sois malcommode (oui, plusieurs se disent : "Mais pour qui elle se prend cette Canadienne pour critiquer notre pays!!!) je veux partager des petites choses pour lesquels je suis reconnaissante :

    - la vue du Mont-Blanc à partir de notre appartement (oui, oui, à partir de Villeurbanne je voyais le Mont-Blanc et les palmiers chez mes voisins aussi)
    - le certificat que j'ai reçu du Ministère de l'Intérieur à la suite du cours d'initiation aux gestes qui sauvent mis en place suite aux attentats (j'peux maintenant vous faire un garrot qui résultera dans une amputation )
    - mes deux colocs (merci de ne pas m'avoir rejeté parce que j'aime la viande)
    - mon partenaire de grimpe Grec qui m'a encouragé à persévérer à travers les difficultés
    - les gens de la petit église que je fréquentais, même s'ils avaient de la difficulté à comprendre que je ne fasse pas d'accolade
    - ma coloc bretonne qui m'a amené dans le fin fonds du Centre-Bretagne (vous allez me dire que j'suis parano, mais j'pense qu'ils ont essayé de m'assimiler; pendant plusieurs semaines, je chantais du gallo et j'vois des allusions à la Bretagne partout depuis que j'ai quitté; j'ai aussi l'impression d'être suivi par le cheval et le chien de mon ancienne coloc)
    - le couple français qui m'a accueilli ainsi que plusieurs autres personnes pour la veille de Noel
    - l'église qui m'a accueilli ainsi que plusieurs personnes le soir de Noel pour des jeux, du plaisir et un bon repas avec du canard
    - la dame chez qui j'héberge en ce moment qui m'a amené moi et un Italien fraîchement débarqué voir plusieurs petits coins près de Le Croisic
    - l'équipe de travail au restaurant où j'ai travaillé; pas toujours facile, mais les jeunes étaient très avenants et terre-à-terre et on a eu pas mal de fou rire même si certains étaient parfois feignasses sur les bords (Meilleure réplique : "Quand j't'ai entendu la première fois, je me suis demandé quelle genre de noire t'étais." (collègue Noir lui aussi)
    - j'ai appris plein de mots issus du verlan et agrandi mon répertoire musical en faisant de la plonge (Hey Feder, ta chanson Blind a un bon rythme)
    - j'ai servi plusieurs joueurs de l'OL au restaurant où je travaillais...je ne suis pas du tout le foot
    - j'ai rédigé un article pour un blogue lyonnais très connu (rien à avoir sur le PVT)
    - j'ai obtenu ma carte vitale toute seule (c'est pas pour rien que je suis VIP)
    - j'ai soumis ma déclaration d'impôts (et j'espère que ça va passer parce que j'ai vraiment envie de vivre cette expérience sensoriel de sentir et voir un avis de non-imposition - faut pas chercher à comprendre)
    - le jour où ma coloc a découvert du fromage sans lactose et j'ai découvert les biscuits au caramel beurre salé (j'ai compris plus tard que c'était en fait une stratégie d'assimilation des bretons)
    - l'agent qui m'a accueilli à la Médiathèque de Villeurbanne et m'a tout expliqué ce que je devais savoir sur la biblio ( j'viens de me souvenir qu'il était breton)
    - la fille qui m'a sous loué la chambre où j'étais à Villeurbanne (non, elle était pas bretonne)
    - les concerts de musique classique au Conservatoire de musique (une des rares activités gratuites et accessibles régulièrement si vous ne bénéficiez pas de réductions)
    - le propriétaire du kebab près de chez nous (vous m'avez sincèrement dégoûté des kebab et je ne comprends pas pourquoi vous mettez du fromage dans les hamburgers, mais j'ai apprécié nos conversations)


  2. #2
    Avatar de Mathieu19
    Mathieu 35 ans

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    Merci pour ton retour de PVT
    Même en étant Français je te rejoint totalement sur tes dires et je ne pense pas être le seul à le penser.
    Beaucoup de jeunes quittent la France pour des raisons cité dans ton texte.
    Les aides sont un plus c'est sur mais ça ne vaut pas certaines valeurs, convivialité, mentalité et ouverture d'esprit que l'on peut retrouver à l'étranger.
    Encore merci pour ton retour
    Bonne journée à toi