1. #1
    Avatar de Lilou
    Julie

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    Avant ?
    J-1
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    Jour 3

    Jour 4 – Les règles ? Quelles règles ?

    En me réveillant ce matin, j’ai du mal à voir correctement de l’œil gauche. Je le sens gonflé – miroir – j’oubliais ! Il n’y a pas de miroir ! Je pense immédiatement à Mary, une des premières pvtistes torontoises que j’ai connues, qui s’était réveillée un jour avec un œil de boxeur et qui s’était entendu dire à l’hôpital qu’elle aurait pu perdre son œil si elle n’était pas venue immédiatement. Je me permets de parler à Lela, qui est la première personne que je vois, aux toilettes. Elle me dit qu’en effet mon oeil est gonflé, que je devrais mettre de l’eau filtrée dessus et attendre… Fatiguée, angoissée et sans possibilité de me voir, j’apprécie tout particulièrement son attention et son attitude concernée. Tout s’arrange après quelques heures…

    Enfin, tout s’arrange, c’est beaucoup dire… Je mange mes bananes plus par survie que par envie aujourd’hui, je manque de sucre Je ne demande pas de chocolat (quoique…) mais un yaourt, quelque chose… J’espère tellement qu’à 18h, on aura du chocolat chaud, ils ont bien dû remarquer hier que personne n’avait repris de leur lait de soja dég… pas à mon goût…

    Je fais ma lessive, ça s’impose ! Je prends une bassine, j’y mets de l’eau prise dans un des bacs du dortoir, j’y ajoute de la lessive et je passe la quasi-totalité de ma pause à faire mon Elie Kakou, c’est fou comme l’essorage manuel est fatigant…

    Pendant les cours, je sens mon esprit fleurir, j’ai envie d’écrire, sur ce qui se passe ici, sur l’extérieur, les mots me viennent, les phrases liloutiennes sont là, je me retrouve, j’adore !!! Alors, une bonne fois pour toute, je me mets à écrire, sans même vraiment penser à la règle qui nous impose de ne pas marier stylo et papier pendant ces dix jours…
    Désormais, j’écris à toutes les pauses et pendant les cours, je pense à ce que j’écrirai dés que la cloche sonnera.
    Une fois sortie du temple, Camille qualifiera cette journée de « début de la fin », elle a raison…

    Aujourd’hui encore, nous avons la possibilité de rencontrer un moine, une nonne ou un professeur. Je décide de m’inscrire pour avoir un entretien avec Tan Medhi, notre professeur de chant que je trouve particulièrement drôle dans l’approche de la méditation qu’il nous propose. A 15h30, une fois de plus pendant a walking meditation (), je me rends à cette rencontre - qui doit me re-motiver, m’empêcher de me décourager - en touriste complète. J’y vais plus pour dire à ce moine que son cours est un rayon de soleil dans ma journée, que je suis quelqu’un qui aime rire et que c’est la chose qui me manque le plus ici. J’oublie de lui dire que je m’arrange avec mon esprit pour ne pas être trop en manque, ça ne ferait pas sérieux

    Après ce qui pourrait être perçu comme de la lèche dans un autre contexte, je lui dis que je ne parviens pas à méditer. Ne pas trop penser à la méditation, voilà son conseil ! Il est plus efficace d’essayer de la visionner. Je ne lui dis pas que j’ai déjà essayé, en vain – avec mon histoire de barre verticale – car au fond, je ne cherche plus à y arriver… Pour être honnête, je m’en fiche royalement !

    Je vais ensuite m’asseoir sur le pont et Cam me rejoint. Elle se pose près de moi, mais regarde du côté opposé pour qu’on ne se fasse pas repérer. Après quelques minutes, on se met a parler, à rire même. On fait nos petites rebelles, on fait simplement en sorte de ne pas « se faire prendre ». Je lui dis que je n’attends plus rien de cet endroit, des cours que l’on y suit à part peut-être de la relaxation, ce sentiment de bien être constant. Elle me dit qu’il ne faut pas perdre espoir, que les jours prochains seront sans doute déterminants. « Je n’ai même pas envie qu’ils le soient, c’est terminé pour moi tout ça, je continue mon parcours ici car je me sens bien, mais je sais que je ne parviendrai pas à méditer »…
    On se moque de la Fée clochette, une de mes principales sources d’inspiration ici, ça fait du bien de se lâcher et de rire librement.

    Cam sait par Olivier que Naomi veut partir, je suis assez étonnée, je pensais vraiment qu’elle arrivait à méditer. J’osais à peine lui sourire à elle aussi de peur de la déranger… Et puis, il faut dire que depuis que je suis ici, je n’ai même jamais pensé à la possibilité de partir prématurément.
    En retournant faire semblant de méditer, je m’accroupis près d’Olivier qui observe une fourmilière assez massive. On échange quelques mots murmurés – il n’arrive pas à méditer, il a réussi à faire se produire quelque chose en lui il y a deux jours mais depuis, plus rien !

    En allant prendre le thé, Cam’ et moi marchons l’une à côté de l’autre de façon à pouvoir se parler en chuchotant. Je lui dis que s’il n’y a pas de chocolat chaud aujourd’hui non plus, je ne vais à aucun cours d’ici la fin de la journée, ce qui représente une heure et demie de répit par rapport à d’habitude.
    Du chocolat ! Cool ! Je me resserre une fois, deux fois et cette fois-ci, je me retrouve face à Camille, elle aussi penchée sur le chaudron du bonheur.

    Moi – « On est vraiment des rapias, on en est à notre troisième tasse »
    Cam – « Je suis constipée »

    Je ne peux pas m’empêcher de rire, c’est violent, je sais pertinemment que je n’en ai pas le droit, ne serait-ce que par respect pour ceux qui prennent au sérieux cette retraite. Je m’assois et même de côté, je peux voir Camille qui sourit, je ris, en silence. C’est difficile mais qu’est-ce que c’est bon, vous savez cette sensation souvent ressentie au collège surtout, quand un fou rire vous prend alors que la classe entière est silencieuse.

    Sans pouvoir me contrôler, je pouffe, sans bruit vocal, mais j’attire quelques attentions – je suis désolée – je me sers de ma respiration pour retrouver mon calme et vite, je pars derrière la cuisine, là où l’on nettoie notre vaisselle après le repas. J’effectue ensuite mon chore - qui consiste a nettoyer les tables après le "thé" - et comme d’habitude, je me précipite dans ma chambre pour filer encore plus rapidement à la douche !

    En arrivant devant le dortoir, je vois celle qui m’inspirera les quelques lignes qui commencent par « la première fois que j’ai vu cette femme, je me suis dis "qu'est-ce qu'elle est moche… » faire exactement ce qu’elle fait chaque jour, lorsque je reviens de mon chore. Elle se dirige vers les bains d’eau chaude (où il y a une douche), sa serviette bleue sur l’épaule. Tout ceci se déroule à la seconde près, chaque jour, au même endroit, au centimètre près. Flippant je trouve…
    Je préviens Camille que ce soir, après la première séance de méditation, avant la marche nocturne, j’irai dans le dortoir. Elle me dit qu’elle aussi.

    C’est ainsi qu’au moment où tout le monde se lève pour aller explorer l’étang, deux déserteuses s’en vont vers les toilettes, une auréole angélique au dessus de la tête. Discrètement elles se faufilent, conscientes d’avoir signé, le 31 août 2007, une liste de règles qui seront transgressées les unes après les autres…

    Pendant plus d’une heure, on discute dans sa chambre. On décide de se parler et de s’écrire quand on en a envie, on ne voit vraiment pas en quoi cela peut nous empêcher de méditer, alors qu’on n’y arrive même pas sans parler…

    On se demande si sur deux mois et demi en Asie, on ne perd pas notre temps en restant ici 10 jours alors que l’on arrive à peine à méditer. On se dit que non, que cette expérience, nous n’aurons pas trente six occasions de la vivre...
    Elle m’avoue avoir pleuré une bonne partie de la première journée et que mon petit mot glissé sous sa porte lui avait vraiment fait du bien

    Hier, elle a entendu sa voisine pleurer. Je réalise à quel point certains se sentent concernés par toute cette aventure. Plus jeune, je pleurais pour un rien. Toutes mes émotions, bonnes comme mauvaises étaient exprimées par des pleurs. Aujourd’hui – peut-être après avoir pleuré pour des raisons qui en valaient vraiment la peine – je pleure lorsque vraiment je ressens un mal-être et mon état ici, au temple, est tellement éloigné d’une telle sensation que j’aurais presque envie de lui glisser un mot sous sa porte à elle aussi pour lui dire de ne pas se mettre dans des états pareils, qu’elle doit essayer de prendre de cette retraite tout ce qu’il y a de bon à prendre, sans pour autant vivre comme un échec le fait de ne pas méditer…

    Vous aussi vous avez l’impression que je ne suis plus DU TOUT dedans ?

    La suite ?
    Jour 5
    Dernière modification par Lilou ; 18/02/08 à 08:09.

  2. #2
    Avatar de Bouille
    Mélanie 40 ans

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    Merci Lilou... C'est vraiment interessant de lire cette experience, je ne me lasse pas de tes ecrits...
    J'imagine que le prochain episode sera le dernier...

  3. #3
    Avatar de Lilou
    Julie

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    Je crois que tu es ma plus grande fan tite Mel Il y aura a vrai dire encore deux articles, la journee du 5 et celle du 6 ou on a ete autorises a partir mais qui sera bien plus court... Mais bientot, je me donnerai pour challenge de vous faire ressentir l'Asie, ou je suis en train de voyager en ce moment, j'espere que ca vous plaira Bisous (Tu restes jusqu'a quand a To' ? J'devrais y repasser courant 2008 )