Et toi Julie… Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grande ?
Initialement, je voulais être maîtresse et coiffeuse, maîtresse le matin, coiffeuse l’après-midi. Je voulais aussi être une princesse, mais ça, je savais que c’était pas possible…
Plus tard, j’ai pensé à notaire, à prof et à d’autres choses qui ne me viennent pas à l’esprit mais en lesquelles je voulais croire.
Mes études de langues m’ont fait penser à la traduction, oui… mais non…
Et enfin, la vie m’a fait envisager, mettre en pratique et adorer… le voyage !
Depuis deux ans, quasiment jour pour jour, je suis allée au Canada, aux Etats-Unis, en Australie (y compris la Tasmanie), en Nouvelle-Zélande, à Singapour, en Thaïlande, au Laos, au Vietnam, au Cambodge, en Malaisie et en Indonésie, longue liste de pays lorsqu’on sait qu’avant cela, quelques séjours en Angleterre et en Espagne étaient mes plus grands exploits !
« What do you do ? », me demande-t-on souvent.
J’ai terminé mes études, j’ai été professeur de français ici et là, mais concrètement, je voyage… Que répondre d’autre ? Que
me répondre d’autre ? Comment faire autrement que de me poser des questions à chaque fois que quelqu’un aborde ce sujet ? L’avenir… Sans doute l’un des concepts les plus inquiétants par moment.
Au cours de mes voyages, j’ai rencontré - ça va de soi - beaucoup de voyageurs. Pour certains, c’était une grande première, pour d’autres, ce n’était ni la première, ni la dernière fois ! Souvent, les conversations que j’ai eues avec eux déviaient vers un sujet qui nous faisait tous réagir : les autres restés en France.
« La vie métro, boulot, dodo, très peu pour moi »
« Tu te rends compte, elle va se marier ! Elle a 22 ans ! »
« Tous mes amis sont posés avec quelqu’un et sont en train d’acheter une maison, est-ce que je ne devrais pas faire pareil ? »
« Des fois, je me sens tellement en décalage avec les gens que je côtoie en France, ils aspirent à des choses qui ne m’attirent pas du tout »
Il y a tous les sons de cloche : ceux qui doutent, qui apprécient leur voyage mais qui voient leurs amis construire leur vie, trouver un travail, un conjoint, penser mariage, maison, enfants ; et il y a ceux qui pour rien au monde ne changeraient leur mode de vie, ceux qui aspirent - ou pas - à ce genre de vie, mais dans un futur un peu moins proche.
Eh oui, nous sommes tous différents et nous n’aspirons pas tous aux même choses. Nous avons une approche différente de la vie, qui fait que parfois nos actions semblent absurdes, étranges, originales, oppressantes aux yeux des autres, comme les leurs à nos yeux.
Moi, Julie, ex future maîtresse - coiffeuse, option princesse, je voyage !
Quand on me demande quel métier je souhaite faire, ma réponse se limite généralement à un silence, parfois accompagné d’un haussement d’épaules. Si je me sens suffisamment à l’aise avec mon interlocuteur, j’aborde rapidement l’écriture, plus comme un souhait, un rêve, qu’une éventualité vraiment envisageable.
Alors, je me demande pourquoi tout le monde, ou presque, semble avoir une réponse à cette question qui paraît si importante, et pourquoi moi, j’en ai pas. Je sais ce que je ne veux pas faire, c’est déjà bien me direz-vous…
Dans l’Ipod que j’ai sur les oreilles - qui n’est pas le mien - je peux entendre pour la première fois ce texte de Grand Corps Malade :
Lui, il a traversé tout le pays pour atteindre le grand Ouest
Equipé d’un vieux fut’, d’un gros sac et d’une veste
Il s’prend pour un aventurier à raison ou à tort
Il est parmi tant d’autres un simple chercheur d’or
(…)
Quand il trouve un peu d’or, pour lui plus rien n’existe
Il ne voit plus, il n’entend plus, il est comme un autiste
(…)
Moi, j’ai traversé toute la pièce pour atteindre mon p’tit bureau
Equipé de ma main droite, d’une feuille et d’un stylo
J’me prends pour un poète, p’t’être un vrai, p’t’être un naze
Je suis parmi tant d’autres, un chercheur de phases
Je retourne toutes les phrases en secouant mon esprit
Je traque la moindre rime et j’en rêve même la nuit
Je soulève chaque syllabe pour voir c’qu’il y a en dessous
Il m'arrive même de chercher jusqu'à m'en rendre saoûl
J’ausculte tous les mots pour trouver la bonne terminaison
Je sais prendre mon temps, la patience guide ma raison
Même quand j’sors de chez moi, j’profite de la moindre occas’
Pour pécho de l’inspiration, j’suis un chercheur de phases
(…)
Et puis trouver l’bon mot et l’mettre à la bonne place
C’est p’t’être ça l’plus kiffant, la bonne rime efficace
Quand j’trouve une bonne phase, pour moi, plus rien n’existe
Je n’vois plus, n’entends plus, j’suis comme un autiste
(…)
Je suis parmi tant d’autres, un chercheur de phases
(…)
Même si j’fais ni du Rimbaud, ni du Shakespeare, j’sais qu’y a pire
(…)
Te faire kiffer, tu sais toi-même, c’est à ça qu’j’aspire
(…)
Mais si tu m’écoutes, c’est déjà une victoire
Et coûte que coûte, j’ferai tout pour faire kiffer mon auditoire
Et même si ce texte, c’est pas encore l’extase
T’auras compris l’contexte, j’suis un chercheur de phases
Hey hey, quelqu’un, quelque chose, tu cherches à me faire passer un message ?
Moi, quand j’serai grande, j’serai chercheuse de phases / phrases… J’espère…
Parfois, pendant cette conversation "avenir", qui revient si souvent sur le tapis, mon esprit se demande si je ne devrais pas arrêter de voyager. D’association d’idées en association d’idées, je me dis « et si ? ». Et si je fuyais la (triste) réalité en voyageant autant, et si je fuyais le fait que je ne sais pas quoi faire, que je n’ai pas envie de me forcer à faire quelque chose tous les jours sans la moindre motivation ?!
Est-ce que ça me pèse de ne pas savoir ? Non… je ne pense pas… enfin… je ne sais pas ! J’aime voyager, alors j’aurais tendance à dire que ce n’est pas pour cette raison - pas seulement du moins - que je voyage autour du monde, avec la ferme intention de continuer.
Est-ce par peur que je prévois de repartir pour la Chine en 2008 ? Je dis généralement que si je veux apprendre le mandarin, c’est pour m’assurer de trouver un job le jour où je me déciderai à mettre un terme ma vie de globe trotter. Est-ce que ça m’obsède tant que ça, ma future vie professionnelle ?
Je me compare à vous, à eux, je ne peux pas m’en empêcher et parfois oui, j’ai peur de ne pas bien gérer mon temps, ma vie. À d’autres moments, je plane en pensant à tous ces voyages que j’ai faits et je me réjouis d’avance de tous ceux que je vais faire. À mes angoisses, je dis merde ! Je leur dis que je vis ma vie comme je l’entends, que je découvre le monde, que je me lance des défis, que j’aurai bien assez le temps de voir où aller. Je leur dis aussi que si demain, mon âme et mon corps prennent deux chemins différents, mon âme partira pleine de voyage, de surprises, de bonheurs, épanouie, accomplie, sereine.
Se donner la vie qu’on veut, et non la vie que d'autres attendent de nous, ne pas se résoudre à vivre en décalage avec ses attentes, ne pas baisser les yeux en se disant que c’était le meilleur choix à faire, ce poids si pesant sur l’estomac, c’est primordial. Déjà 22 ans - pour ma part - que le train a démarré. Que me reste-t-il ? Deux fois, trois fois le même trajet ? Plus ? Moins ?
La vie des autres parfois me dépasse, leurs choix, leurs modes de vie, mais, comme je le disais plus haut, nous n’aspirons pas tous aux mêmes choses et c’est très bien ainsi. L’important est que chacun d’entre nous fasse les choix qui lui correspondent, qu’aucun d’entre eux ne soit fait en fonction de la "normalité", du devoir, du politiquement correct ou de la bonne figure.
Aujourd’hui, je n’aspire pas à être maman, à me marier, à acheter une maison, à démarrer une carrière. Peut-être n’ai-je pas les épaules pour ça, peut-être n’en ai-je pas envie.
Mais qui sait, je serai peut-être chercheuse de phases…