Voici un article tiré de Lexpress :
PVT, le Programme Vacances Travail au Canada: gare aux désillusions - L'Express
En dix ans, 80 000 jeunes Français ont profité du Programme Vacances Travail (PVT) au Canada. Les 6750 places offertes cette année se sont arrachées en quelques minutes sur le site de l'ambassade, preuve d'un engouement croissant pour ce sésame désormais ultra prisé. Pour autant, il ne faut pas le confondre avec un passeport pour l'émigration.
Heureux comme un PVTiste au Québec? Pas si sûr. Le 7 février dernier, dans les bureaux de l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII), à Montréal, ils sont une trentaine suspendus aux lèvres d'une conseillère spécialisée qui vient leur expliquer les stratégies pour passer du séjour temporaire à la résidence permanente.
Et quand on les interroge sur leur situation, les désillusions se bousculent et les récriminations s'accumulent: "Nous n'avons pas accès à la Carte soleil (la carte Vitale locale, NDLR), il faut souscrire une assurance privée avant de venir", "Mon statut temporaire fait peur", "Dans ma branche, le marketing-communication, on me dit qu'il y a trop de Français".
Une jeune femme s'indigne, visiblement désemparée: "J'enchaînais les CDD en France, je suis venue ici en espérant trouver un job, j'ai envoyé 60 courriers, je n'ai pas été convoquée à un seul entretien. J'ai un master2 et je fais des jobines de service à la clientèle, jamais je n'aurais pensé retomber aussi bas!"
Un formidable outil, dévoyé au fil du temps
Le malaise ainsi exprimé est confirmé par les professionnels de l'OFII et par les élus des Français à l'étranger qui soulignent le stress et l'épuisement de certains jeunes "en galère". Pourtant, sur le papier, le PVT est un formidable outil. Mais il a été dévoyé au fil des ans par ses utilisateurs.
"Je suis arrivée moi-même avec ce programme en 2007, témoigne cette salariée de l'OFII. Je venais pour découvrir une autre culture, pas avec l'objectif de rester. Aujourd'hui, les jeunes quittent leur pays en pensant trouver ici un eldorado, ils veulent un job et la résidence permanente." Autre problème: les trois-quarts des près de 7000 pvtistes français partis en 2013 se sont installés au Québec, et parmi eux, la majorité se concentre à Montréal.
Or, les opportunités d'emploi dans la province se situent davantage dans les régions, où la main-d'oeuvre française de qualité est très recherchée. De même, les jeunes, quel que soit leur niveau d'anglais, foncent sur le Québec alors que la maîtrise de la langue française, s'il est un atout à Toronto, ne l'est pas à Montréal...
Des pvtistes arrivés sans préparation
Bref, le PVTiste ne prendrait pas assez le temps de se renseigner sur le pays où il met les pieds. Il découvre souvent une fois sur place que les détenteurs de visas temporaires n'ont pas accès aux services d'aide et d'accompagnement pour trouver un travail, réservés aux bénéficiaires d'un visa de résident permanent. Et qu'il faut déployer de sacrés arguments pour convaincre un employeur d'investir sur vous.
"Ils arrivent sans préparation, estime Yann Hairaud, directeur général du Citim (Clé pour l'intégration au travail des immigrants). Ils s'inscrivent sur Internet et c'est la loterie." Tout le contraire du candidat à l'émigration qui se donne le temps de la réflexion, va chercher des informations, et s'interroge sur l'adéquation entre ses compétences et le marché du travail local.
"La vocation du PVT n'est pas d'être une première étape vers la résidence permanente, insiste Claude Poret, directeur de l'OFII à Montréal. Il s'agit de vivre une expérience dans un pays étranger et de rentrer ensuite en France. D'où l'on peut éventuellement faire les démarches pour émigrer." Or, beaucoup de jeunes tentent de rester en enchaînant avec d'autres visas temporaires, s'installant ainsi dans une certaine précarité juridique.
Avec la ratification par le Parlement français, en mai, de l'accord de 2013 sur la mobilité des jeunes signé entre Paris et Ottawa, la durée des prochains PVT sera portée à vingt-quatre mois. De quoi réduire, peut-être, les réticences des employeurs. Et accroître encore l'engouement des jeunes Français pour ce programme. Un programme à prendre pour ce qu'il est. Ni plus, ni moins.