Discussion: Avoir ou prendre...
- 04/05/07, 11:26 #1Ce qui suit n’a rien à voir avec le PVT, ni même avec le Canada ou l’Australie, ça n’a même pas la forme d’un article. C’est assise au bord de la « Brisbane River » que les mots viennent à moi, sans hésitation, en ces termes. Je précise également que dans le « nous » que je critique, que je conseille, la première personne visée, c’est moi ! Je n’arrive moi-même pas toujours à appliquer ce qui suit, je ne joue pas les donneuses de leçons.
Avoir ou prendre
Avoir le temps, un pouvoir, une opportunité, une chance, un poids…
Prendre le temps, un choix, une décision, une envie, une concession…
Nous avons souvent le temps de faire ce qui nous plaît et par conséquent, bien moins de temps à nous consacrer au reste. Il arrive, bien évidemment, que nous n’ayons pas le temps de faire quelque chose parce que nous sommes attendus ailleurs, parce que notre train part à 15h03 et pas à 15h05, parce qu’une urgence peut arriver à tout moment mais objectivement, la plupart du temps, nous avons le temps. Nous n’avons simplement pas envie là maintenant, tout de suite, de le consacrer à certaines choses, parce que la volonté n’est vraiment pas là ou parce que quelque chose se trouve plus haut dans notre liste des priorités. Nous ne sommes évidemment pas à l’abri d’un oubli ceci étant dit, mais est-ce un oubli volontaire de notre inconscient ? Ou pas …
Aujourd’hui, 4 mai 2007, je suis à Brisbane, en Australie. J’ai le temps, tout le temps que je veux pour découvrir la ville puisque Jess vient me chercher avec son van dans plus de trois heures. Je ne pourrais de toute évidence pas passer dans chaque rue de la ville, je ne pourrais pas non plus visiter tout ce qu’il y a à visiter, je choisis donc d’opter pour ce que je considère être la meilleure façon de faire connaissance avec une ville : y marcher !
Je longe le port et quelques centaines de mètres plus tard, je n’entends plus que la musique dans mon Ipod, chose inconcevable en plein centre ville. Je m’assois sur le ponton, au bord de l’eau. Je suis bien ici, le soleil se reflète dans l’eau, un bateau tangue plus que d’accoutumée, un couple de personnes âgées passe derrière moi et se dirige vers le Jardin Botanique, qui était ma destination initiale…
J’ai envie d’écrire, oui, mais écrire quoi ? Comme d’habitude voyons ! Ce que tu ressens, là, à 15h23…
Ce que je ressens… Je pense que je ne fais pas suffisamment ce genre de choses spontanées, non préméditées, telles que de m’asseoir, sans raison, regarder autour de moi et écrire, alors que je marchais avec un but précis en tête.
Une des explications possibles à cela est que souvent je n’ai pas le temps… Parce que je ne marche pas sans but, parce que lorsque je sors de chez moi, c’est pour aller quelque part, parce que je dois être à un endroit à une heure précise et que je quitte généralement l’endroit où je me trouve à l’heure exacte me permettant d’être à mon rendez-vous cinq minutes en avance… Impossible donc de prendre le temps de faire ces choses simples mais non dénuées d’intérêt…
Le temps, cette chose si précieuse, que nous cherchons parfois à perdre mais que, le plus souvent, nous cherchons à gagner, sans même vraiment savoir pourquoi... Nous avons tous regardé, d’un air désespéré, les secondes défiler sur notre montre pendant le cours de M. ou Mme Soporifique, nous avons tous râlé dans la file d’attendre du supermarché, en apprenant qu’en plus du rouleau arrivé à sa fin, le paquet de pâtes que la dame de devant avait choisi, avait un code barre qui ne passait pas, nous avons sans doute tous dû rester devant la porte de notre appartement dans l’attente d’un membre de notre famille, fouillant tout de même dans notre sac, au cas où les quatorze dernières recherches de clés auraient été mal effectuées.
Nous avons tous soupiré en découvrant que le prochain RER en direction de notre home sweet home arrivait dans 17 minutes, certains passagers du métro ont même osé dire que le mec aurait pu choisir un autre jour pour décider de mettre fin à ses jours et certains, en partance pour des vacances de deux semaines se sont sans doute qualifiés de poisseux car une alerte terroriste venait de retarder leur vol de 2 heures. A quoi ça rime tout ça ? Nous avons une capacité à nous créer du stress inutile, c’est assez impressionnant ! Comme la vie serait simple si nous nous détendions à l’égard de tout ce qui touche au temps…
Si le RER était arrivé dans deux minutes, si le métro avait continué à rouler, sans incident, si la dame avait acheté des Panzani au lieu des Barilla, oui, nous aurions tous gagné quelques minutes… Quelques minutes pour quoi faire ? Regarder la télé ? Aller faire pipi ? Voir ses amis ? Rendre un livre à la bibliothèque avant qu’elle ne ferme ? Ou simplement pour avoir l’impression de mener sa vie, d’en être maître, de faire le choix de « dépenser » son temps comme bon nous semble, d’être libre ? Libre de faire quoi ? Des choses bien j’espère ! Ce serait dommage d’avoir gagné du temps pour le perdre quelques instants plus tard, faute de choses à faire, faute de gens à voir, faute d’imagination…
Nous aimons bien tout contrôler, nous pouvons nous contrôler, contrôler nos faits et gestes, contrôler quoi, quand et où. Nous pouvons même contrôler pourquoi et comment mais nous ne pouvons pas toujours contrôler « Alors ? », alors comment c’était ? Cette journée au travail ? Ce film ? Cette balade ? Ce bisou ? Cette sieste ? Cet achat ? Non, ça, nous n’en sommes pas maîtres, ce sont nos impressions, nos sentiments, notre humeur…
S’il suffisait de contrôler ce que nous faisons, nous serions tous heureux, tiens et si j’allais au cinéma, j’adore le cinéma, je vais forcément passer un bon moment ! Il nous est tous arrivé, je pense, d’attendre beaucoup de quelque chose, de quelqu’un, d’un événement et d’être très déçu. De même qu’il nous est arrivé d’aller quelque part, de voir quelqu’un, un peu à contre cœur et de vivre, finalement, un de ces instants qui restent pendant longtemps inscrits sur la liste de nos meilleurs moments…
N’essayons pas toujours de tout contrôler, laissons nous aller à nos pulsions, fléchissons les jambes en bord de mer et restons là une vingtaine de minutes. Allongeons nous sous un arbre un jour de soleil, restons un moment à la terrasse d’un café, un chocolat glacé à la main, faisons une balade en ville la nuit. Oui, pendant 20 minutes, une heure, nous ne ferons rien de concret, nous ne raccourcirons pas la liste des choses à faire, nous n’aurons pas fait à manger, nous n’aurons pas fini notre dissertation, nous aurons raté le dernier épisode de Prison Break (bon… nous l’aurons enregistré parce que bon quand même, faut pas pousser mémé dans les orties ), nous aurons dit à nos copains qu’au lieu de 8h30, nous ne serions là que vers 9h – Pourquoi ? Parce que… - nous aurons regardé l’eau dans les vagues, chacune des feuilles composant cet arbre, les gens qui passent, les lumières des immeubles brillant dans la nuit. Nous aurons pensé à lui, à elle, à ceux qui sont loin, à la prochaine étape de notre voyage, à ce qu’il faudra acheter demain au supermarché, à la façon dont nous allons lui annoncer la nouvelle, à cet avenir si incertain, si instable.
Nous bougerons nerveusement nos doigts, car la peur nous envahira, nous sourirons, nous rirons même peut-être, nous répondrons en souriant à M. tout le monde qui nous aura dit « bonjour ». Nous jugerons que notre réflexion a suffisamment fait son chemin, qu’elle nous satisfait – ou pas – qu’il est temps désormais, d’aller voir nos amis, de préparer le repas (en regardant le Prison Break enregistré), nous nous sentirons plus légers, soulagés d’avoir pris du temps pour libérer notre tête, peut-être ne nous sentirons-nous pas si bien que ça, chamboulés par un trop plein de réflexion, par la découverte de la réflexion, par l’objet même de notre réflexion, par ce que notre réflexion nous aura fait comprendre et dont nous n’avions pas conscience, par l’inachèvement de notre réflexion, par le trop grand nombre de points d’interrogation restants.
Nous faudra-t-il alors prendre à nouveau du temps pour réfléchir à tout ça ?
Il faut du temps pour la réflexion, mais malheureusement, trop de réflexion tue la réflexion… C’est un exercice dangereux et nécessaire à la fois.
Certains ont la chance – ou pas - de la pratiquer depuis longtemps, d’autres en font la découverte une fois leur vie bien entamée, mais... mieux vaut tard que jamais, non ?
Nous n’avons pas toujours le temps de tout faire, du moins, nous le prenons pas toujours, même lorsque le temps ne manque pas. Mais si une chose mérite bien que l’on y consacre du temps, c’est bien le fait même de penser à ce dont notre temps mérite d’être passé – ou pas… Je me lève, pour ma part, j’ai terminé…Dernière modification par Lilou ; 17/02/08 à 20:28.
- 04/05/07, 11:46 #2Bonjour Lilou,
Beau recit que celui que tu viens de noues faire, merci d'avoir pris le temps de l'ecrire, en plus de l'avoir pense, merci d'avoir pris le temps d'aller sur le net pour le reecrire ...
Ce temps la dont tu parles assises au bord du ponton les pieds dans l'eau fut un bon temps ! Maintenant que tu y a goute, prends en un peu plus .. les plus belles choses sont svt celle que l'ont fait par hazard, les lieu que l'on trouve en se perdant, les gens que l'on rencontre fortuitement ... bien sur qu'il arrive que l'on soit decu de quelqu'un, de quelque chose, mais quand une porte se ferme, une autre s'ouvre.
Bisous
- 04/05/07, 17:16 #3Je t'imagine ma p'tite Lilou assise sur ce ponton, en train de gratter sur ton joli cahier de route (qui doit commencer à bien se remplir) et je me dis que tu dois être fiere de ce que tu vis, de ce que tu decouvres, du chemin que tu as parcouru jusqu'ici et des peurs que tu as surmonté pour y arriver. Merci de nous faire partager ton évolution et tes reflexions. Bisous et prends soin de toi!
- 06/05/07, 19:14 #4Réflexion très intéressante, et très bien écrite, comme d'habitude.
Merci de nous faire partager ces pensées, c'est toujours enrichissant !
- 06/05/07, 23:11 #5Pour ma part, comme je suis toujours en cavale entre dijon et l'alsace, ta réflexion sur le temps est quelque chose à laquel on doit prêter attention. Savoir l'utiliser est moindre que de savoir pour quoi il peut être utile!
En tout cas ça fait réflechir et ça enrichit l'esprit.
Merci
- 09/05/07, 11:47 #6je susi fan de ton ecrit... petits moments philosophiques qui me font du bien... et qui me rappellent de bons souvenirs
a bientot
- 10/05/07, 04:16 #7Merci poulette, merci aux autres aussi bien sur J'avais une fois de plus peur de pas etre lue car trop longue mais ca va,il y a toujours quelqu'un qui a quelques minutes a tuer au travail ou ailleurs
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