Allez, je déterre le sujet ! Contexte : arrivée au QC à 36 ans avec mon mec, installés à Chicoutimi, dans la région du Saguenay Lac St Jean, depuis septembre 2019 (on vivait déjà à la campagne, on fait beaucoup de plein air, donc on avait pas envie de vivre dans une grosse métropole. On a été vraiment contents de notre choix vu la situation sanitaire !).
Je suis libraire, j'ai trouvé une job cool, et je suis très engagée depuis 1 an et demi dans le processus de rachat de ma librairie avec mes collègues. Je peux vous dire que le système québécois, je le vis de l'intérieur : rv avec des banques, des comptables, des notaires, négociations avec mon patron, réunions avec mes collègues et des partenaires... Mon mec a pas mal plus galéré (il est pourtant charpentier, mais avec le système des cartes de compétence, impossible de trouver un taf dans sa branche), et il est actuellement en formation de micro-brasserie. On avait pas mal bourlingué tous les 2 avant, et on a vu
le PVT comme un belle occasion de faire une nouvelle expérience. C'est sûr que le contexte covid rend tout ça très particulier, mais bon. Voilà mes points noirs en vrac...
- La situation des autochtones. Je sais que la France est aussi un pays colonial bien dégueu, mais l'histoire canadienne et ce qui en découle aujourd'hui est d'un bon niveau également.
- Le manque d'esprit collectif et de conscience sociale, que ce soit au boulot ou à l'extérieur. Quand je compare avec mes collègues la notion de "syndicat" ici et en Europe, c'est assez cocasse. Pas d'associations, pas de groupes qui organisent quoi que ce soit, ne parlons même pas de protestation sociale (pourtant, il y aurait de quoi)... Il n'y avait que les québécois pour inventer le concept de la "Révolution tranquille" ! On a suivi de près des mobilisations contre un gros projet gazier (GNL), ah ben c'est sûr qu'il sont pas près de monter des ZAD au Québec, tellement il ne faut froisser personne et tellement le militantisme doit rester une "activité agréable" (sic). Bienvenue en Amérique, où chacun est bien dans son petit chez soi, à gérer sa petite vie. Et où chacun peut te lâcher au dernier moment, parfois sans te prévenir.
- La bien-pensance généralisée. Ça a un côté très reposant et agréable au début, je l'avoue, mais au bout d'un moment, j'ai juste eu envie de lancer une grève générale et de faire des feux de palettes en pleine rue

. En plein Covid, les politiques font nawak, Justin Trudeau balade tout le monde, et le slogan québécois c'est "Ça va bien aller" avec un arc-en ciel... Non mais sérieux. Ce côté très moutonnier, très bien sous tous rapports, est assurément un des trucs les plus compliqués pour nous.
- Le manque de conscience écologique. Quand tes potes gauchistes-écolos-granos mangent des tomates qui viennent de Chine en plein hiver et achètent un SUV, tu mesures le fossé culturel. D'où le problème du manque de "localisation" : impossible de trouver quoi que ce soit de local, à part des bleuets, des patates et des oeufs Et je parle pas juste de la bouffe, c'est le système au complet qui ne fonctionne que grâce à l'export et qui ne se pose pas vraiment la question de relocaliser ce qu'il est possible de relocaliser...
- Le manque d'infrastructures culturelles (accentué probablement par le fait qu'on soit en région...). On est dans un bassin d'habitants de 200 000 habitants, avec plusieurs Cégeps, 1 université, 1 centre d'art, 1 centre de musiques actuelles... Donc disons des personnes potentiellement demandeuses de culture, ou susceptibles d'organiser des évènements, etc. Et y'a 1 seule salle de concert de 100 places, 1 seul cinéma qui passe juste des blockbusters, et 2 petites salles de spectacle. Oups.
- Le fossé creusé au niveau professionnel entre des emplois pour les minières, hydro, la foresterie, le pétrolier.... Tout ça extrêmement bien payé, et les tafs de base au salaire minimum. Pour moi, ça crée une sacrée dépendance à l'argent et des personnes qui sont déconnectées de ce qu'un travail "régulier" peut rapporter. Ça crée aussi un sacré problème de société en suivant. Comment tu peux avoir une vision réaliste du monde actuel contemporain quand tu bosses pour 100 000 $ par an, au fin fond du Nord, que tu prends tes shifts en avion et que tu travailles en vase clos avec uniquement des gens comme toi ?
- Évidemment, la bouffe, à 90% importée, hors de prix, que tu peux acheter uniquement en supermarché (région power). La ville a organisé un marché l'été dernier, c'était vraiment décourageant... On est dans une région agricole, il y avait 3 stands et demi qui proposaient tous la même chose. On est retourné chez IGA la mort dans l'âme.
- Le système financier basé sur le crédit, la consommation et les profils financiers. Tout simplement hallucinant. Décroissance ? Le mot ne fait pas encore vraiment partie du vocabulaire courant... Ajoutons à ça le système de paie à la semaine, mais de loyers payables au mois. Logique ? Heuuu...
- Le manque d'ouverture (région encore ?). On dirait parfois qu'hors du Québec, point de salut. Ca, pour parler de la situation au Québec, des problématiques français/anglais, de l'actualité québécoise (ce qui est super intéressant, mais y'a aussi d'autre sujets de conversation), pas de problème. Pour parler d'autres choses, c'est pas mal plus complexe dans la vie quotidienne.
- L'accès à la nature sans passer par la case "gros moteur". Le pays des grands espaces ? Accessibles seulement si tu as un 4X4 ou un 4 roues, un skidoo l'hiver, que tu te loues un hydravion ou que tu bosses dans le planting.. et que tu vas dans des endroits bien balisés où tu dois payer : ZEC, pourvoiries, seigneuries, SEPAQ... Par contre, pour te trouver une petite balade à faire sans panneau "propriété privée" ou "chasseur à l'affût", bon courage. Bon courage aussi pour trouver des cartes de sentiers pédestres. Tu peux traverser le Québec en skidoo sans souci, mais sans moteur et sans essence, c'est mission impossible !
En gros, l'impression qu'on a, c'est que la vie quotidienne ici, c'est : tu bosses, tu fais le plus de cash possible, tu rentres chez toi (dans ton gros pick-up, pour retrouver ta grosse maison), et la fin de semaine tu vas en famille au chalet dans ton 4 roues. Tout fonctionne en circuit fermé... A grands coups de dollars et d'essence.
Allez, je vais passer aux 10 trucs que j'adore, car il y en a aussi !