Je me rappelle encore la veille de mon départ, malgré les valises faites, le billet d'avion et le visa en main, je ne réalise toujours pas que je vais me rendre au Canada le lendemain pour y vivre une année entière loin de tous mes proches et de mes repères. Cela peut paraître angoissant mais je me suis dit pourquoi stresser sachant que j'ai en ma possession un billet aller-retour et une carte de crédit, l'inconnu est excitant et puis si je ne me sens vraiment pas bien, je peux toujours rentrer. Rien a perdre, tout a gagner.
J'ai toujours eu envie d'ailleurs, non pas parce que je ne me plais pas ou je suis mais parce que je suis très curieux de nature et un grand rêveur. C'est amusant comme sans le vouloir j'ai suivi le parcours de mon père et l'intuition de ma mère: partir loin mais pour prouver quoi? Il arrive parfois que dans sa vie, on soit dépasse par les évènements et que pour se retrouver on doit fuir.
Fils modèle je pense, jeune diplôme qui a 20 ans publie son premier livre et enchaine avec les opportunités, a 22 ans doit porter le costume pour aller travailler. Vient ensuite la vie parisienne, l'argent et les impôts en fin d'année. Voici le cadre que j'ai forme autour de moi trop tôt, une vie de vieux a 20 ans, c'est trop oppressant surtout que je n'ai encore rien vu du monde.
Voilà comment j'ai enclenche la procédure pour obtenir le visa pour le Canada, j'ai voulu les grands espaces, l'Amérique, la liberté. Une fois mon contrat de travail termine, le visa obtenu, en très peu de temps j'ai acheté mon billet d'avion pour partir vite, souscrit a une assurance annuelle puisque je n'aurais pas pu être couvert par la sécurité sociale hors du territoire, bien sur fait la trousse de médicaments, demande son permis de conduire international, commande quelques dollars canadien, annule mon abonnement de téléphone portable mais opte pour un compte skype et réserve une nuit a l'Hôtel de Paris a Montréal. Enfin tous les détails réglés, je peux attendre tranquillement le jour de mon départ.
Fin janvier, mes parents et mon frère m'accompagnent a l'aéroport et au moment de l'embarquement, c'est le drame, maman qui se met a pleurer, je peux la voir de loin. Mon père qui me fait des signes de la main pour me dire au revoir, ma mère dans les bras de mon frère, scène très touchante même si je ne pars que pour un an.
Dorénavant seul dans l'aventure, je marche pour rejoindre mon avion de la compagnie Air Canada. Lors du contrôle, un agent m'arrête et pour me dire quoi, que je ressemble a Michael Jackson, super. Ce n'est pas parce que je pars seul que je dois le rester, c'est comme cela que j'ai fait la rencontre d'un garçon très gentil mais qui a peur de l'avion. Je me rappelle encore avoir regarde «La duchesse» avec lui et écouté en boucle un morceau des «Jonas Brothers». Tout va parfaitement bien jusqu'au moment ou l'hôtesse propose une pizza, je me suis dit super comme gouter «Bienvenue en Amérique», que la mal bouffe commence. Et mon cher compagnon de vol, sous tranquillisant, commence a panique et m'explique tous les petits bruits de l'avion. Le pilote commence a parler en anglais et bien entendu je n'ai pas compris un mot. Trop de turbulences, qu'est ce qui m'arrive...j'ai peur pour la première fois... en fait le pilote nous a informe de l'atterrissage...plus de peur que de mal finalement.
Apres avoir récupéré mes bagages, je passe au bureau de la douane, l'agent qui parle en anglais est très désagréable avec moi et en plus il a l'audace de me demander si j'ai des objets a déclarer, pense même pas a tout mes bonbons et gâteaux de France. Bien sur la réponse a été «non». Seconde étape, passer au bureau de l'immigration pour valider mon visa sur mon passeport. Troisième chose, acheter une carte téléphonique pour informer mes parents de mon arrivée. Me voilà presque canadien après avoir dépensé 5 dollars.
Pas de temps a perdre, j'attrape un taxi a la sortie pour me rendre a mon auberge de jeunesse. Oh mon dieu qu'il fait froid, quand je respire, j'ai l'impression d'inhaler de la neige. Le chauffeur de taxi me souhaite la «Bienvenue au Canada». Je m'arrête a la station de bus pour prendre un billet pour Toronto...eh oui...changement de dernière minute. Ayant des amis de mes parents a Montréal, je ne veux pas la facilite. Pour me motiver je me suis dis que j'y vais pour améliorer mon anglais car j'en ai besoin. Le taxi me dépose devant l'entrée, le chauffeur ne prend même pas la peine de porter mes valises jusqu'à l'accueil, avec ce froid me voilà a grimper les marches trois fois pour être bon...lui c'est clair que le pourboire, pas la peine d'en parler. Dans l'auberge, je fais la connaissance de plusieurs personnes très intéressantes, je n'ai plus aucune réserve, je comprends que je ne suis déjà plus la même personne qu'en France.
Il est 5h00, après une nuit de repos dans ce dortoir, je récupère et traine mes bagages sous la neige jusqu'à la station qui n'est pas loin, comme quoi le hasard fait bien les choses. Comme un enfant, je passe mon temps le visage colle a la vitre du bus, le paysage est magnifique...c'est vrai que c'est vaste...quand le bus arrive a Toronto, on entre dans la ville par le quartier financier...les buildings...j'adore...la je réalise.
Le bus s'arrête a la station routière de Toronto, j'attrape un taxi pour me rendre au «château» qui n'est autre que Clarence Castle. La chance, je suis a quelques pas de la CN tower. Cette tour joue un rôle très important puisque grâce a elle, je ne me suis jamais perdu dans la ville. Devant la porte de l'hostel, je fais la rencontre d'un livreur de pizza fort sympathique que je n'arrêterai pas de croiser. Une fille de l'hostel m'ouvre et m'informe que le propriétaire n'est pas encore la. Je patiente dans un coin avec mes bagages observant ce que qui m'entoure. Il arrive et on remplit les formalités du check in, il parle en anglais je ne comprends rien, je sais juste que je dois payer. Il m'accompagne jusqu'à ma chambre. De retour dans le living room, les autres jeunes me demande en anglais, a quel étage je suis? N'ayant pas compris, je réponds que je viens de Paris, tout le monde me regarde et se met a rire. La seule française traduit pour moi et je me rends compte de ma bêtise. On m'invite a regarder le match de rugby et de partager leur pizza. Je découvre que chacun de nous sont a priori tous ici pour un an, des australiens, des anglais, des irlandais, des new zélandais.
Le lendemain, après une recherche sur internet, je me rends au centre d'immigration pour faire ma carte SIN, obligatoire pour pouvoir travailler, ouvre un compte bancaire chez RBC et une ligne téléphonique locale chez Fido. Tout le monde me souhaite la bienvenue et me dit que je suis courageux de venir ici en plein hiver. Sur le chemin du retour au château, je fais quelques courses pour la semaine et la je suis surpris, dégoute de tous les aliments que je vois, bien c'est diffèrent alors le lait en sachet pas pour moi. Je pense déjà a rentrer en France a cause de ca. Je vais rester a l'hostel un mois parce que tous ensemble on a forme une famille et puis c'est bien d'avoir de la compagnie. En un mois mon anglais n'est plus le même et mon oreille petit a petit s'est améliore. Le premier mois, j'ai eu l'impression d'être en vacance, entre les soirées avec les amis et les visites touristiques.
Je commence a transforme mon CV qui en a bien besoin, le mise en forme est différente, arme de mon dictionnaire et d'internet, j'y passe des heures et pareil pour la lettre de motivation ecrite dans les deux langues pour démontrer que je suis bilingue même si je ne le suis pas encore totalement. Quelques semaines plus tard après avoir lance ma candidature un peu partout via internet et m'être rendu dans les entreprises en personnes pour déposer mon CV, je reçois enfin une réponse. Je dois avouer que pour décrocher la première expérience au Canada ca a été long, nous voilà en fin février. Ma stratégie postuler partout puisque je ne suis pas ici pour construire une carrière mais pour améliorer mon anglais et vivre une aventure humaine. Mon premier job, contrat d'un jour, a été laveur de vaisselle dans un hôtel 4 étoiles, très dur pour moi puisque j'ai du me lever a 6h00, porter l'uniforme mais surtout faire la chose que je déteste le plus au monde, la vaisselle. Toujours en prospection, je me rends dans les agences de placement sur convocation pour passer les tests, ils sont très exigeant sur le nombre de mot que tu es capable de taper (wpm), c'est amusant.
Les jours passent et se ressemblent mais toujours heureux d'être la. Un appel, je suis convoque dans le quartier financier , dans un de ces buildings pour un entretien dans une importante compagnie d'investissement, Investor group. La RH m'informe du travail de la société, elle est très excite de m'avoir. Comme un enfant je demande si je peux prendre une photo de son bureau et de la vue, elle me dit oui. Le premier entretien se passe très bien, je suis convoque a la réunion avec le patron et les autres candidats. Apres avoir regarde la video de présentation, je partage mon sentiment avec le patron comme quoi j'ai l'impression que tous les employés sont motives par l'argent, il me dit bienvenue dans le Marketing Multi Level ou Système Pyramidal, très populaire en Amérique. Convoque pour la dernière session, face a la RH qui me pose des questions, je n'y arrive plus. Elle souligne que je ne suis pas aussi confiant que je l'ai été auparavant et me demande pourquoi, je lui dit que je n'arrive plus a comprendre, plus a parler un mot d'anglais, c'est le blocage. Elle me rassure que c'est normal en me comparant a sa fille et me redonne un rendez-vous. Je n'y reviendrai pas parce que je ne suis pas motive par l'argent mais aussi parce que je me suis dit que je ne vaux rien avec mon niveau d'anglais. Petite remise en question. Pour m'aider, j'ai donc suivi une semaine intensive de cours d'anglais.
Alors que je marche sur Queen pour rentrer au château, je suis arrêté par un chasseur de tête pour une agence de mannequin. Le lendemain, je suis a l'agence, on me mesure, me demande mes passions, me prend en photo. Deux jours après, je suis invite a venir signer mon contrat et a me rendre au photoshooting pour mon portfolio. Expérience de rêve, qui a dit qu'être mannequin c'est facile. Plus de 4 heures face au photographe qui m'apprend comment poser, je m'y fait ensuite et c'est super. Je suis tellement en phase avec le photographe que j'ai l'impression de lui faire l'amour, simple métaphore bien sur. Une semaine après, je suis booke pour défiler pour un grand designer canadien Bustle a la fashion week de Toronto, nous sommes fin mars... Apres cela, mon agence m'envoie a des auditions, sur les plateaux des tournages, aux grands événements pour les représenter. Entre temps, j'ai quitte le château pour emménager dans un condo face au lac, sauna, piscine, salle de sport, salle de réception, etc. la vie de rêve.
Puisque j'ai beaucoup de temps libre, je me propose comme volontaire et je suis recrute par une société qui crée un réseau social suivant le modèle de Facebook. Mon travail est majoritairement d'extraire des adresses email sur internet pour envoyer des invitations a rejoindre le réseau, très marketing, comme quoi ma formation générale sert.
Plus le temps avance et plus je me dis que je devrais acquérir un peu d'expérience en relation avec mon diplôme pour ne pas être perdu a mon retour en France et offrir une valeur ajoutée a mon futur employeur, c'est alors que je me remets a la recherche d'un vrai travail. Mon volontariat a été bénéfique puisque en quelques jours me voilà recrute dans un service client d'une compagnie de télécommunication supportée par Donald Trump et qui marche aussi sur le Marketing Multi Level. Je suis un conseiller clientèle bilingue. Apres le training, je suis sur la plateforme, le téléphone sonne, je réponds au cote de mon chef de formation, gros problème je n'arrive pas a tout comprendre et surtout n'arrive pas a noter le numéro de compte du client, je me dis que je vais me faire virer mais non elle me demande de me ressaisir. C'est le stresse du premier jour puisqu'a partir du jour d'après j'ai pu enfin travailler professionnellement. Je n'arrive pas a le croire, je travaille en parlant anglais, la classe. Nous sommes en mai et j'y resterai jusqu'en fin aout.
En effet, je suis enfin capable maintenant de travailler en anglais parfaitement et ce que je fais m'ennuie dorénavant bien que je leur suis a tout jamais reconnaissant. J'envoie mon CV mis a jour a des sociétés de placement, le jour d'après je suis convoque par une société d'investissement dans le quartier financier et l'immeuble du Toronto Stock Exchange, il n'y a pas mieux. J'ai la réponse le jour même, la RH m'a beaucoup aime et aimerait que je commence le training la semaine d'après. Pas le temps de respecter le délai pour quitter mon job actuel, je demande de partir avant. Me voilà de retour comme conseiller bilingue en fusion, acquisition et réorganisation des entreprises dans le quartier financier, la boucle est bouclée professionnellement.
Socialement bien intégré chez les canadiens, je passe mon temps libre aux cotes de jeunes comme moi a faire la fête ou a jouer les cupidons...oui l'ange est devenu lors d'une journée témoin de mariage..., Toronto est véritablement une ville pas comme les autres. Jeune, multiculturelle, je comprends pourquoi j'ai été attire ici, entre ma passion pour la mode et pour la finance, Toronto a été la ville qui m'a permis de me développer totalement. Challenge relevé, il est temps de rentrer. Toronto est un oasis mais la France me manque, je sais ce que je vaux maintenant. Aux portes de la résidence permanente par ailleurs je décline l'offre, je veux rentrer a la maison. Rien ne me fait plus peur dorénavant et je peux tout contrôler.
Toronto est si ouvert, tellement sur...sauf ce jour ou quelqu'un m'a volé mon vélo tout neuf... que les stars et le monde du show business sont accessibles... comme sortir dehors et tomber sur des acteurs ou chanteurs, oh mon dieu j’ai rencontre P Diddy!... Faisant dorénavant partie de l’industrie de la mode, j’ai les portes de la Fashion week et autres événements sociaux grandes ouvertes, une belle opportunité pour quelqu’un de curieux et qui aime les rencontres comme moi...
La visite de mes parents tombe bien puisque j’ai fait ce que j’ai voulu ici et atteint tous mes objectifs voire plus que mes attentes, leur venue un signe comme quoi il est temps de rentrer pour moi. Direction New York, heureux de passer un peu de temps avec mes parents loin de tout, dans un environnement nouveau, pouvoir partager une autre aventure avec eux. Mes parents sont rassures, j’ai l’impression qu’ils comprennent enfin ce que je suis venu chercher ici.
Même scène dramatique a l’aéroport, inversé cette fois mais toujours avec maman qui pleure, on ne peut rien y faire. Ca y est, le compte a rebours a commencé, il ne me reste que deux mois avant mon retour et c’est long quand on ressent le besoin de rentrer mais je fais toujours ce que je dis…un an c’est un an…cela m’offre encore quelque mois pour acquérir de l’expérience au bureau, vivre Noël et le Nouvel an outre atlantique.
Je ne stresse pas concernant mon retour, je le prépare certes (CV a mettre a jour, papiers administratifs,…) mais je n’ai pas peur, c’est même le contraire, je suis hyper excite de pouvoir retrouver ma vie d'avant et y apporter quelques modifications. Tout ce que j’ai laissé derrière moi est à redécouvrir. Et puis je suis déjà enthousiaste de pouvoir faire découvrir Paris, la France a tous mes nouveaux amis, ils adorent. Je n’ai jamais entendu quelqu’un dire en du mal, je suis fier de cela surtout que les canadiennes aiment, si vous voyez ce que je veux dire. A la fin de mes études, j’ai vu mes amis se disperser dans tout le pays, voila que maintenant j’en vois d’autres rentrer dans leurs pays. Hâte de faire le tour du monde pendant mes futurs congés.
Si je peux résumer cette année, je dirais que seul face a l’inconnu, on doit être préparé, organisée, avoir le sens des responsabilités, être ouvert sur le monde et ne pas croire que tout est acquis et qu’on est en droit d’exiger quoique ce soit, avoir envie d’apprendre, prendre les bonnes décisions et saisir les opportunités, ne jamais rien regretter, toujours être positif, près a se dépasser, et vivre a fond les rares moments offerts, rêver…donc si je dois résumer cette année en un mot je proposerais «Indépendance».
Je remercie tout le monde pour avoir été a mes cotes cette année, je vous aime tous.
Once upon a time in Canada, I …
RUDY B.