Ces petits détails qui changent tout (suite)

Aujourd'hui, cher lecteur, je t'emmène à nouveau de l'autre côté de l'Atlantique, pour parler de ces futilités qui te marqueront peut-être quand tu arriveras au pays des caribous. Enfile ton Kanuk, chausse tes bottes en peau de phoque et envole-toi à travers ce nouvel épisode !

Si tu décides de sortir en voiture, à chaque intersection, dans les quartiers résidentiels, tu verras très souvent des affiches agrafées sur les poteaux électriques qui ici sont en bois – offres de logement, annonces de vente de garage, recherches d’animaux perdus. Il est vrai qu’en France, il nous serait difficile de faire de même. Les lois de la nature sont claires à ce sujet. Essaye d’agrafer, cher lecteur, la fiche d’invitation à l’anniversaire de ton petit dernier sur un poteau électrique français. L’héroïque combat de l’agrafe qui vient s’écraser contre le béton armé résistance 2,2 tonnes au mètre cube est, comme tu l’imagines, perdu d’avance.
Accessoirement, tu remarqueras que les bagnoles américaines continuent de rebondir de haut en bas pendant deux cent mètres après une bosse ou un trou dans la route (gaw gaw gaw). Quand vous rentrez en France, vous vous rendez compte de la différence culturelle par le biais des voitures ! Mais où est passé le porte gobelets king size ? En Amérique, vous MONTEZ en voiture. En France, vous vous cassez la gueule en DESCENDANT dans la Citroën de Mamie.
Et pour répondre d’avance à tous les petits malins qui se poseraient la question : OUI, il est courant de voir des ours conduire des voitures à Montréal (des fois même des ratons laveurs, quoiqu’ils soient un peu plus snobs depuis que l’un d’entre eux a tourné avec Pocahontas).

Si tu as prévu d'aller au restaurant, tu devras laisser un pourboire, sous peine d'être assez mal vu du personnel… Pour laisser un pourboire, tu as plusieurs solutions, ami lecteur. Tu peux jeter nonchalamment quelques piasses de 25 sous dans le récipient prévu à cet effet, près de la caisse, en prenant bien soin de faire tinter la monnaie le plus fort possible – t’as vu, hein, je suis correct comme mec, j'ai laissé 2$. Tu peux aussi laisser ton tip sur la table, sur le ticket de caisse, en évidence entre la salade de saison que tu n’as pas finie et la tache de sauce à côté du verre, puis tu passes à la caisse. Tu peux enfin te rendre à la caisse et, royalement, donner un gros billet en disant négligemment gardez tout. Si tu n’as qu’une Interac ou une carte de crédit, inutile toutefois d’avoir recours à cette dernière méthode en tendant ta carte, ami lecteur, ou tu seras pris pour un con.
Si tu n'as pas envie de donner de pourboire, va dans le fast-food le plus proche. En France, tu prends ton Big Mac huileux, tes frites desséchées et ton Sprout sans bulles, menu frugal à 6,10€ qui ne fait qu’ouvrir ton appétit sans parvenir à le refermer. À Montréal, tu prends ton double Whopper avec fromage, ta poutine de deux cent grammes et ton Coke pour 4$, tu fous de la mayo partout, tes cornichons se font la malle sur ta chemise blanche, et tes quatre steaks tendent au suicide par noyade dans le gobelet de soda. Certes pas très pratique, me diras-tu, ami lecteur, mais au moins, tu seras rassasié.

Si tu vas au Parc Lafontaine, tu remarqueras sans doute les panneaux « hockey interdit sur le lac ». Tu verras aussi de jeunes mamans avec leurs poussettes faire du stretching sous les ordres de cheftaines autoritaires – allez, on plie le bassin, on fléchit les genoux et on ramène les bras au-dessus de la tête. Si tu aimes le yoga et qu’en France tu as peur d’être ridicule en prenant des positions étranges dans les parcs, sache qu’ici, à Montréal, tu pourras expérimenter l’art séculaire du Tantra en public sans crainte d’être pris pour un demeuré.
Tu ne verras que très rarement les autochtones fumer dans la rue/les parcs. La raison est simple. Imagine, cher lecteur, qu’il fasse -30° dehors et que tu sois obligé de sortir pour tirer sur ta clope. On te retrouvera un mois plus tard, après la fonte, certes relativement bien conservé, mais relativement mort aussi. Le Canada est un bon moyen d'arrêter de fumer.

Si tu comptes regarder la télévision toute la soirée, attends toi à des coupures toutes les 6 à 9 minutes… Ta série préférée ressemblera à ça : je lui ai dit de venir, et sais-tu ce qu’il m’a répondu ? Avec ce nouveau mixer, vous pourrez vous préparer de délicieuses barbotines nutritives ! Et n’oubliez pas, si vous appelez dans les 18 minutes, vous obtiendrez le deuxième mixer gratuit !
Si tu n'aimes pas les publicités et que tu comptes prendre une douche, là encore, une différence avec la France pourra te surprendre. Les douches françaises/européennes sont composées d’un tuyau et d’un pommeau. Cela permet, entre autres, de profiter des joies du bain en se prenant pour Céline Dion, en faisant comme si ton pommeau de douche multijets était un micro – sauf que si tu chantes pendant que l’eau coule, tu te prends tout dans la gueule. En Amérique, point de tuyau, généralement, le pommeau est fixé en hauteur sur le mur. Ça t'épate, hein ?

Voilà, cher lecteur, j'espère que cette petite revue des quelques détails principaux entre le Canada et la France t'auront mis l'eau à la bouche, ou t'auront amusé si tu es déjà là-bas, au pays des poignées de portes rondes, des douches fixes et des suspensions molles…