Je me réveillais sur un rocher aux abords d'un fleuve dont j'ai aujourd'hui oublié le nom, le bateau de Jacques Quartier lui même avait sembla-t-il vogué sur ces eaux, c'est un guitariste résidant dans le coin qui me l'apprendra plus tard.
A la nuit tombé, lors de mon coucher, je n'avais rien vu. Au petit matin, lors du réveil, tout était devenu plus clair, je pouvais distinguer sur le rocher voisin, une seringue aux allures inoffensives nourri par un rayon de soleil craintif.
Elle assumait son statut d'artefact de la mort. Tout comme moi elle était ingénieusement cachée parmi les ronces, les arbres, et cette végétation marquant la frontière entre cet espace et le reste d'une vie mouvementée avoisinante.
Et dire qu'un de mes semblables avait surement touché le ciel à sa manière en s'introduisant cette substance de la mort dans les veines. La prise de drogue devait être le sport des environs car la veille, durant une après midi guitare, un mec (la quarantaine) s'était tapé une ligne à même le sol en m'invitant à le rejoindre pour son festival des narines. Après sa dose il m'avait proposé au moins 5 fois de suite de tenter ma chance "Hey Mannnn tu d'vrais aller à la t'rasse Dufrin tu t'feray des piEAAAces", "Chrai toué j'rai jouay là haut pour faire des piEAAACCCCes" "S'malade, t'jou vraiment bien t'as dja été à la t'rasse dufrin Man ?". J'ai dit non et je suis allé manger à l'auberivière.
J'étais parti vous dire que les mauvaises rencontres restent plutôt rares à Québec, comparativement à Montréal, quand je me suis soudainement souvenu de ces deux chattes errantes qui ont essayées de pratiquer le vol à la tire sur mon chum (un Québecois - la cinquantaine). Celui-ci et moi même sortions d'un bar du vieux Québec sur les coups d'une heure du mat' (à moitié torchés sinon quel est l'intérêt de sortir du bar ?)
quand une donzelle aux yeux plissés demanda sur un ton comme un autre, l'heure à mon acolyte. (Disons que mon ami gagne bien sa vie et aime le montrer) Les deux petites chattes ont du flairer le petit lait, sa montre devait dégager le calcium à plein tube... et pourtant la montre n'était qu'un pretexte de diversion, le saint graal convoité était tenez-vous bien... ce sac en plastique qu'il tenait d'une main. A l'intérieur ? Des bières Bravia... le genre de bière qu'on aime lui et moi déguster devant une game de Hockey Mmmmmmmmmh.
L'une des deux à profiter de la seconde d'inattention de mon ami pendant qu'il étudiait son cadrant dans le but de lui donner l'heure quand subitement et aussi vive qu'une vipère, elle a tentée de chipper son sac plastique, autrement dit NOS bières. Une femme peut très certainement piquer les couilles d'un homme, mais pas question de toucher à ses bières.
Directement venu de l'intérieur, ça n'a pas prévenu... une crise de fou rire improvisée, à voir mon ami les dents serrées, nervures sur crane dégarni apparente, lutté pour préserver son précieux magot à 8° et les cheveux virevoltants de la nana qui poussait des cris de travelo-transgénique sur qui on aurait marché sur le pied.
Autre anecdote et pour mettre Montréal sur le même pied d'égalité, j'étais pleinement investi dans mon art à tenter de trouver un de ces assemblages de notes sacrées en baladant mes doigts sur ma guitare dans l'espoir de faire tomber les pièces dans les métros de Montréal, quand soudain, un type au bide ENORME et torse nu s'est mis à courir en ma direction. Un genre de buffle en rute qui après des jours de recherche, avait enfin trouvé de quoi s'occuper...
comme une biche éclairée par les phares d'un 4x4, je n'attendais qu'une chose, subir...
le mi-homme mi-autrechosedepashumain a mis sa tête en face de la mienne en déclarant "Sé à MOUéééééééééé!!!!!", j'aurais baigné dans une espèce d'ambiance déconnade, j'aurais pu lui répondre par un "de quoi l'haleine saveur couche de nourrisson?" mais sur le coup j'aurais tout fait sauf en rire. La couche pour le coup, c'était mon slip... quand il s'est baissé pour voler mes 3 dollars durement acquis pour finir par repartir dans les méandres souterrains de Berri Uquam, j'ai pensé comme un samouraï en supposant l'accent qui va avec "3 dollars, n'est-ce pas là le prix de sa dignité ?"
Puisque j'en suis à faire défiler les anecdotes, autant finir sur une jolie touche. Elle restera cracra-rock'n roll mais elle est d'un tout autre genre, si cette anecdote devait être une musique, je crois que ce serait "Cryin'" d'Aerosmith.
L'ampli poussé à fond, je laissais mes notes s'évanouir dans le métro de Berri-Uqam quand un genre de dame ginette (film - les visiteurs) s'est accroupit dans un petit recoin sombre qui ne devait surement être promis qu'à la pisse.
Malgré la robe plutôt ample, j'ai pu voir (sans m'y attarder) tout le spectacle. Elle ne faisait rien de dégueulasse, rien qui n'aurait pu offenser les passants. Elle se préparait juste sa pipette à crack. Sa session assemblage kinder surprise pour grand a du lui prendre en tout pour tout 5 minutes, 10 maximum, je ne m'en rappel plus mais cela nécessitait tout son entrain.
Enfin, elle s'est avancée vers moi pour m'adresser quelques mots tendres, aussi familièrement moraliste qu'une grande soeur elle me livrait en fin de compte, la profondeur de son coeur par le biais de sa gentillesse interposée.
Un coeur sans doute mis à mal par bon nombre de maris, d'amants, de macros, de pervers... C'est exactement le type de personne sur lequel nous avons tous jetés un regard faussement compatissant dans le but de soulager notre esprit, un petit "oh la pauvre" et c'est reparti", car au fond... nous n'avons rien de mieux à faire que de nous occuper de nous mêmes, et c'est au fond, une tâche déjà assez difficile.
Son coeur devait être dans un état aussi lamentable que ses poumons et pourtant... c'est avec une candeur à toute épreuve qu'elle m'a récitée un de ses poèmes bouleversant, sans oublier, ne serait-ce qu'une seule fois, de me regarder dans le blanc des yeux, croyez le j'en devenais tout con... je prenais une belle gifle à 10 sur l'échelle de l'intensité. Elle m'a ordonnée de toujours croire en moi et en mon art, car pendant qu'elle s'est fait culbuter dans son misérable coche dans le but de subvenir à ses propres festins toxicomanesques, le coche de son destin lui, était bel et bien parti.
Un passant Québecois m'a gentiment proposé d'effectuer un montage relatif à ce que j'ai produit en jouant de la guitare dans les métros de Montréal :
Voici sa vidéo (merci encore à lui) :
Voir le Monde Autrement... Montréal, 20 Octobre 2011 - YouTube