Julie, un PVT à Taiwan fait d’expériences multiples
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Peux-tu te présenter brièvement ?
Je m’appelle Julie, je vais avoir 24 ans cette année et je suis de Bordeaux. Passionnée par la culture asiatique depuis ma plus tendre enfance, j’ai d’abord fait une licence LCE Chinois puis un Master 1 en recherche, à la suite de quoi, je suis partie à Taiwan en tant qu’étudiante en langue. En 2017, j’ai récidivé avec le PVT.Directement après ta licence, tu as décidé de t’envoler pour Taiwan afin de suivre des cours intensifs de chinois.
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Peux-tu nous parler du programme auquel tu as participé ?
En effet, lorsque j’étais en dernière année de licence, j’avais expliqué à mon professeur que je souhaitais partir à Taiwan plutôt qu’en Chine. Mon université (Bordeaux-Montaigne) avait le droit de choisir deux étudiants pour bénéficier d’une bourse de Taiwan. À l’époque, c’était neuf mois de bourse pour chaque étudiant sélectionné (sur dossier, CV et lettre de motivation).
La bourse attribuée s’appelle « Huayu Enrichment Scholarship ». On peut la demander même sans être rattaché à une université afin de suivre un enseignement en mandarin à Taiwan pour 2 mois (en été uniquement), 3, 6 ou 9 mois (note : les bourses de neuf mois sont souvent réservées aux étudiants universitaires et titulaires du TOCFL B1, le diplôme de langue de Taiwan).
Le montant de la bourse est de 25 000 TWD par mois (environ 700 euros), et est directement versé sur un compte bancaire taiwanais (à ouvrir sur place) après le premier mois de cours. Il faut donc prévoir de quoi payer le logement, la caution et les frais du premier trimestre en début de programme. J’ai décidé d’étudier à la National Chengchi University (NCCU) pendant neuf mois.
Après avoir passé un premier test de chinois pour définir mon niveau, j’ai été placée dans une classe de moins de dix élèves. Je suivais les cours le matin (8 h – 13 h), mais il est possible de choisir entre matin ou après-midi. Cela représente vingt-cinq heures de cours intensifs de chinois par semaine avec des devoirs et des contrôles systématiques (compréhension, écrit, dictée, oral). Un programme bien chargé donc !
Visite de la National Chengchi University avec Julie :
J’ai rapidement fait d’énormes progrès en chinois ! J’avais au préalable déjà validé un niveau B1 du TOCFL en même temps qu’un niveau HSK 5 (l’équivalence en Chine). Au terme de ces neuf mois sur place, je maîtrise désormais le chinois simplifié qui m’a été enseigné en France et le chinois traditionnel appris à Taiwan. Je n’ai plus aucun soucis de compréhension et d’expression dans cette langue.
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Quels sont les premiers chocs culturels que tu as vécus là-bas ?
On me pose souvent cette question, mais étonnamment, je n’ai pas grand chose à en dire. Je ne pense pas avoir vécu de réels « chocs » culturels vu que je connaissais déjà relativement bien la culture taiwanaise avant même d’arriver. Cependant, je pense que les personnes qui débarquent sans rien y connaître peuvent ressentir ce choc des cultures. Ce n’est pas l’Europe et les modes de pensées sont différents, la façon de vivre aussi.
La toute première fois que je suis arrivée, c’est une amie qui m’a hébergée dans sa famille pendant trois jours et qui m’a beaucoup aidée à me débrouiller à mes débuts. Sa famille était très chaleureuse et accueillante (comme tous les taiwanais d’ailleurs).
À Taiwan, les gens se parlent très librement et j’ai souvent eu l’opportunité de discuter avec des personnes âgées ou des jeunes dans le métro, ou ailleurs sur ma route. L’accueil et la sécurité sont plus qu’excellents. C’est vraiment un pays sans prise de tête et où les gens ont toujours le sourire. C’est sûr que ça change de la France !
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Après cette première année « découverte », qu’est-ce qui t’a convaincue d’y retourner, cette fois-ci avec un PVT ?
Après cette superbe année d’études du chinois, je suis rentrée en France pour passer mes examens de Master 1. Suite à quoi j’ai décidé de poursuivre une formation professionnalisante. À l’époque, je n’étais pas tout à fait sûre de ce que je voulais faire et je n’arrêtais pas de penser à l’expérience incroyable que j’avais vécu à Taiwan…
C’est en août 2016 que le PVT France-Taiwan a été mis en place. Je me suis dit que c’était le destin ! Non seulement, j’avais la possibilité de retourner dans ce pays pour y retrouver mes nombreux amis, mais surtout ça me donnait l’opportunité d’avoir une expérience professionnelle sur place. J’étais persuadée que mes capacités linguistiques pourraient m’ouvrir des portes et que je trouverai toujours un moyen de survivre là-bas. J’avais également envie de me prouver que j’étais capable de me surpasser et d’aller au bout de mes projets.
J’y suis donc retournée, le coeur léger, en avril 2017. J’y suis restée un an (note : le PVT pour Taiwan est de 6 mois, renouvelable une fois).
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Quel était ton budget à l’arrivée et a-t-il été suffisant pour tes premiers mois sur place ?
J’avais un budget assez élevé. Il me semble qu’il tournait autours des 5 000 euros au total. Au final, même si j’ai beaucoup galéré à trouver du travail et que j’utilisais souvent mes réserves pour survivre, je n’ai pas tout dépensé en un an.
Je conseille à tous de ne pas rester en hôtel trop longtemps, même les dortoirs des guesthouses sont beaucoup trop chers pour ce que c’est. Quand vous aurez votre propre appartement, vous serez bien mieux installés. Par contre, si vous voulez vivre « à la taiwanaise », il faudra faire une croix sur le logement de vos rêves. Tous les endroits que j’ai visités étaient particulièrement exigus et il y avait toujours un problème quelque part. Je vivais dans une petite chambre pour un prix dérisoire, ce qui explique aussi pourquoi mon budget n’en a pas trop souffert. Je ne suis pas difficile et plutôt économe.
Au sommet de la montagne Xiangshan à Taipei
Au sommet de la montagne Xiangshan à Taipei
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Existe-t-il des associations franco-taiwanaises où faire des activités et rencontrer des locaux à son arrivée ?
Bien sûr, il y a des associations franco-taiwanaises, dont l’association Neighbors que j’ai aidé durant un certain temps. Ils font des échanges linguistiques, des sorties « wine tasting » et même des pique-niques pour encourager les rencontres et les échanges multiculturels. L’ambiance y est vraiment sympa ! Les taiwanais qui apprennent le français sont heureux de pouvoir rencontrer des français qui apprennent le chinois, donc si vous voulez vous faire des amis sur place et apprendre la langue locale, je vous conseille vivement d’y participer.
Je sais qu’il existe également un bar à Gongguan (ligne verte du métro) qui s’appelle le French Kiss qui fait ce genre d’échanges linguistiques le mercredi soir et qui organise des soirées françaises deux fois par mois.
Sinon, en règle générale, je ne trouve pas qu’il soit très difficile de rencontrer des locaux. Il y a pleins de taiwanais qui souhaitent également échanger en anglais et qui viendront vous accoster d’eux-même.
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Tu as exercé différents jobs durant ton PVT. J’imagine que la maîtrise du mandarin t’a beaucoup aidée. Comment as-tu concrètement procédé pour trouver du travail ?
Je ne vais pas vous mentir, pour un français, parler anglais est OBLIGATOIRE et parler chinois encore plus. Si vous ne parlez QUE le français, les espoirs sont maigres… ou alors vous avez une chance incroyable !
Sans rire, il est très important de bien se le mettre en tête. Sans compétence en langues, il n’y a rien qui s’ouvrira à vous. Si vous avez des compétences en anglais et que vous possédez des diplômes professionnels, alors vous aurez plus de chance, si vous parlez chinois, vous serez d’autant plus convoité !
Cependant, il ne faut pas voir Taiwan comme un Eldorado, le travail ne tombe pas du ciel et il faut se battre pour trouver (et garder) sa place. C’est encore plus vrai depuis l’ouverture du PVT, la concurrence entre pvtistes devient une réalité.
Voici mes trois conseils pour trouver du travail :
- Si vous parlez chinois, je vous conseille de vous faire un CV sur le site 104.com. C’est une plateforme populaire qui propose beaucoup d’offres d’emploi.
- Si vous ne parlez qu’anglais ou français : inscrivez-vous sur les groupes Facebook internationaux, vous y trouverez peut-être quelques opportunités et contacts.
- Mais la solution la plus simple et qui a le plus fonctionné pour moi c’est de faire marcher votre réseau sur place ! Si vous n’en avez pas, faites-vous en un (en participant à des rencontres pro ou culturelles notamment). C’est indispensable à l’étranger. Tout passe par le « je connais quelqu’un qui », et c’est d’ailleurs comme ça que j’ai décroché tous mes jobs…
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Quelle est l’expérience de travail qui t’a le plus marquée ?
J’ai fait beaucoup de choses très différentes. Par exemple, j’ai travaillé pour l’ambassade polonaise pour présenter un projet européen lors d’une exposition. J’ai été invitée à faire de la télévision sur la chaîne GTV, j’ai travaillé pour une boîte de vente de produits technologiques, j’ai donné des cours de français… mais celle qui m’a le plus marquée est ma courte expérience chez Louis Vuitton.
Il s’agissait d’une mission d’interprétariat de trois jours. J’étais le guide d’un artisan français qui venait à Taipei pour l’ouverture d’une nouvelle boutique Louis Vuitton. Il devait faire une présentation de son travail et monter un sac devant les personnes qui se trouvaient dans le magasin.
Le premier jour était le plus important, car j’étais aussi en charge des relations presse : traduire les échanges entre l’artisan et les journalistes, souvent y répondre par moi-même (conception des sacs, matériaux utilisés, projets les plus importants, histoire de Louis Vuitton). Beaucoup de célébrités avaient été conviées à cet événement ce qui ajoutait un stress supplémentaire. J’étais également chargée, entre autre, de faire découvrir à mon hôte, la ville et la cuisine taiwanaise durant son séjour.
Cette expérience a été très significative pour moi car j’ai beaucoup appris pendant et même après cette mission. Non seulement, j’ai découvert le travail d’orfèvre de Louis Vuitton, mais j’ai surtout appris à apprécier le travail minutieux et à comprendre sa valeur. Cet artisan m’a enseigné beaucoup de choses sur les tissus et les cuirs. D’ailleurs, c’est un homme incroyable et que je remercie de tout coeur pour tout ce qu’il m’a transmis en si peu de temps. Cette expérience m’a réellement permis de me surpasser et de gagner confiance en moi. Je ne pense pas que j’aurai eu la chance de travailler sur une telle mission en France. Je l’ai donc vécu comme une incroyable opportunité.
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As-tu rencontré des difficultés dans le monde du travail, notamment auprès de tes collègues ou dans le fonctionnement de l’entreprise ?
En règle générale, je n’ai pas eu trop de problème, sauf lorsque j’ai travaillé pour l’entreprise de vente de produits technologiques. Je ne comprenais pas toujours les directives et donc je posais beaucoup (trop) de questions. C’est sans doute mon côté français. Cependant, les patrons à Taiwan (et je suppose que c’est le cas dans les autres pays d’Asie) n’acceptent ni les remarques, ni les critiques, et encore moins que vous essayiez d’ajouter votre pierre à l’édifice. Les salariés sont souvent vus comme des personnes qui doivent suivre les ordres et… c’est tout. Il faut savoir rester à sa place… Point. Malgré le fait qu’aujourd’hui beaucoup d’entreprises embauchent des étrangers au sein de leurs équipes, certaines incompréhensions culturelles persistent.
Concernant les horaires de travail, j’ai eu de la chance, car je partais toujours à l’heure. Je sais que dans la plupart des entreprises, il est courant de faire des heures supplémentaires… non rémunérées. Malheureusement, j’ai beaucoup d’amis qui se sont retrouvés dans ce genre de situation malgré eux. D’ailleurs, chose qui peut nous paraître surprenante : il est possible que votre patron vous envoie des messages relatifs au travail même une fois rentré chez vous…
La communication, que ce soit dans le travail ou dans la sphère privée, se fait toujours via LINE, une application de messagerie similaire à What’sApp ou KakaoTalk (Corée). Si vous n’avez pas LINE et que vous allez à Taiwan pour faire un PVT, je vous conseille vivement de la télécharger.
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Est-ce qu’être français à Taiwan, c’est un avantage ou un inconvénient sur le plan professionnel ?
En tant que française, j’ai trouvé qu’il était bien plus difficile de trouver du travail que les anglophones.
C’est le problème des lois à Taiwan qui ne facilitent pas l’accès à tous les emplois. La langue maternelle de la personne, ses compétences, son salaire peuvent être déterminants à son insertion. Il y a beaucoup de restrictions, car le gouvernement souhaite sauvegarder le travail des taiwanais. De ce fait, beaucoup de choses ne nous sont pas accessibles.
De plus, les français sont théoriquement interdits d’enseigner l’anglais… mais il n’est pas impossible qu’une école privée « buxiban » vous accepte malgré tout. À vos risques et périls ! Si vous êtes attrapés, vous serez expulsés du pays avec impossibilité de revenir sur le territoire durant trois ans (tout comme c’est le cas pour le PVT en Corée du Sud).
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Ton physique d’européenne et ton niveau en mandarin t’ont ouvert les portes de la télévision taiwanaise. Peux-tu nous parler un peu de ton expérience dans ce milieu ?
Effectivement, on peut dire que c’est bien mon physique d’européenne et mon niveau de langue qui m’ont permis de faire de la télévision à Taiwan. C’est aussi parce que mon visage ne leur était pas inconnu, ayant déjà été filmée par une chaîne YouTube taiwanaise auparavant. Je suis très rapidement arrivée sur des plateaux de talk-shows à discuter de plein de choses différentes à propos de Taiwan, de la France et de sujets culturels avec d’autres invités internationaux.
Julie à l’émission WTO姐妹會 Je pense que c’est un milieu relativement ouvert aux étrangers. Si vous parlez BIEN chinois, vous aurez toujours une chance de passer à la télé. Néanmoins, les français qui apparaissent dans ce genre d’émissions sont déjà nombreux, sachez-le. Cela ne vous empêche pas de contacter les chaînes de télévisions taiwanaises et les émissions qui vous intéressent.
Julie à l’émission WTO姐妹會 Je pense que c’est un milieu relativement ouvert aux étrangers. Si vous parlez BIEN chinois, vous aurez toujours une chance de passer à la télé. Néanmoins, les français qui apparaissent dans ce genre d’émissions sont déjà nombreux, sachez-le. Cela ne vous empêche pas de contacter les chaînes de télévisions taiwanaises et les émissions qui vous intéressent.
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Cette expérience asiatique t’a donné envie de monter ta propre chaîne YouTube. Peux-tu nous en dire quelques mots ?
Après mon expérience sur une chaîne YouTube taiwanaise et mes passages à la télévision, l’envie s’est accentuée. Deux ans auparavant, j’avais déjà créé une page facebook qui gagnait en popularité et je parlais depuis longtemps de faire une série de vidéos avec mon amie canadienne, Kelsi May.
On en a longtemps discuté. Notre ambition principale était de parler de sujets peu abordés sur les autres chaînes et à la télévision, en taiwanais et en anglais. Toutes les deux voulions que les taiwanais comprennent mieux ce que c’est qu’être un étranger à Taiwan, comprendre nos vies (et surtout leur faire comprendre que nous ne sommes pas tous des riches romantiques, professeur de langue et qui ne passent leur temps en vacances !). On a abordé beaucoup de sujets sur ma chaîne, dont la moitié se trouvent sur celle de mon amie Kelsi. Toutes les vidéos sont sous-titrées en taiwanais et en anglais pour s’adresser au plus grand nombre.
Aujourd’hui de retour en France, je veux faire la même chose ici, en présentant la France sous toutes ses coutures : les paysages, le racisme, l’incivilité, la langue française (mini cours), la culture (nourriture, vin, politesse, étiquette…).
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Après 2 années passées là-bas, comment décrirais-tu Taiwan en 3 mots ?
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As-tu le projet de repartir prochainement à Taiwan ou peut-être vers une autre destination du PVT ? En Asie ou ailleurs ?
Je vais définitivement revenir à Taiwan tôt ou tard. Comme je l’ai dit, c’est ma nouvelle maison, il faut que j’y retourne !
Je ne pense pas refaire un PVT de sitôt, ou peut-être après mes études, en Corée ou au Japon. Mais je crains de ne pas être très utile là-bas et que ce soit encore plus dur pour moi de trouver du travail…
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Pour finir, recommanderais-tu cette destination à un futur PVTiste ?
Je recommande cette destination à tout le monde, même pour y faire du tourisme. Si vous avez l’opportunité d’aller à Taiwan découvrir le pays et les gens, ça en vaut vraiment la peine !
Par contre, si vous venez en PVT mode “touriste » en pensant facilement y trouver du travail, je souhaite mettre une alarme. Même pour moi qui parle chinois et qui connaissait bien la culture locale, ça a été compliqué. Il a fallu que je me batte pour trouver de petits jobs. Alors, je le répète, si vous ne parlez pas chinois, prévoyez un gros budget de départ.
Dans tous les cas, si vous allez à Taiwan, je n’ai qu’un seul conseil : laissez vos peurs et vos craintes aux vestiaires, ici les gens sont gentils et chaleureux, toujours prêts à aider leur prochain. Vous allez adorer !
Retrouvez Julie sur les réseaux sociaux : YouTube, Facebook et Instagram.
Nunaya
Youtubeuse de 2014 à 2021 et rédactrice web "Asie" depuis 2016. Passionnée par l'Asie depuis de nombreuses années, je suis partie en PVT à Tokyo et à Séoul où je suis finalement restée 3 ans et demi.
Je partage mes expériences et mes passions sur ma chaîne Youtube NUNAYA WORLD.
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