Lorsque j’ai décidé de m’envoler pour l’Australie, je ne pouvais qu’imaginer toutes les aventures que j’allais vivre. Comme des centaines d’autres Français, j’ai rejoins ce bout du monde enchanteur, où le perfectionnement de l’anglais n’était qu’une belle excuse pour découvrir une nouvelle culture sous l’auspice de l’amusement et l’absence de responsabilité.

Après des débuts à Melbourne agréables, j’ai ressenti le besoin de m’échapper de la ville. J’avais l’impression d’étouffer. Tout ce bruit, ces lumières, ce trafic routier, ces appartements hors de prix et cette horrible effervescence commerciale… je retrouvais finalement ce que j’avais fui. Un job, un appart, une métropole. Où étaient donc passées les aventures qu’avait fait naître mon imagination ? Je n’avais pas fait tout ce chemin ; quitté amis, travail et famille, pour réitérer ce schéma de vie.

La nature m’appelait

Le 26 février, je m’envolais vers mon paradis. Je ne le savais pas encore.
La Tasmanie, 8e Etat d’Australie, situé au sud de Melbourne et séparé de l’île continent par le détroit de Bass sur près de 250 km, est composée à 45 % de parcs nationaux et autres espaces protégés par l’Unesco. J’allais y découvrir une faune endémique étonnante mais parfois en grand danger, une forêt primaire luxuriante que certaines industries aimeraient cependant défigurer et des panoramas incroyablement surprenants tant par leur diversité que leur magnificence.
Bras dessus, bras dessous, Nina, ma colocataire berlinoise et moi-même atterrissions à l’aéroport d’Hobart à 9 h 30. Juste le temps d’attraper nos sacs et nous sautions dans la voiture de Jo, Québécois et Korbinian, Allemand.

Pour commencer notre séjour nomade en Tasmanie, ces deux voyageurs que nous avions rencontrés suite à une annonce postée sur l’incontournable site Gumtree, nous embarquaient pour un road trip à la découverte de la méconnue mais sublime Bruny Island. Cette petite île se trouve à une trentaine de kilomètres au sud d’Hobart. Pour s’y rendre, il faut emprunter un ferry. Le prix aller-retour est abordable mais il est important de vérifier les horaires et être en avance.

Aussitôt arrivés, nous nous attaquons à la randonnée de Fluted Cape. Le sentier commence au bout de la plage d’Adventure Bay. Il mène à 272 m d’altitude, face à Penguin Island puis passe par Fluted Cape avant de redescendre au parking. Nous n’avons fait que la marche mais il est possible de réserver un tour qui permet de voir les falaises par voie maritime. A notre retour, nous avons eu la chance d’apercevoir de nombreux wallaby et notamment ceux atteint d’albinisme. Il n’y a pas beaucoup d’endroit en Australie où l’on peut en voir, mais ici, non loin du parking, à l’emplacement d’un ancien camping, nous avons pu approcher de nombreux wallabys blancs !

En fin de journée, nous avons planté la tente non loin de Penguin Roockery. Au crépuscule nous avons gravi une centaine de marches qui nous séparent d’un paysage peu commun. Depuis « là-haut » (77 m d’altitude), nous avons droit à un spectacle des plus époustouflant : la vue sur le « Neck ». A gauche, Adventure bay. A droite, Great bay. Au milieu ? Une bande de sable. Un isthme qui s’étire sur plus de 200 m. Il relie la partie nord de l’île à celle du sud. C’est également le lieu idéal pour voir les pingouins retourner dans leur nid à la tombée de la nuit afin de nourrir leurs petits.

Nous passons plusieurs jours à sillonner l’île, à traînasser sur des plages plus belles les unes que les autres et à randonner. Le soir, nous campons la plupart du temps au beau milieu de nulle part. Il n’y a pas vraiment de structure d’accueil pour les voyageurs, excepté quelques campings payants et des chambres d’hôtes. Nous trouvons néanmoins quelques campings gratuits mais plus que sommaires : pas de douche ni d’eau courante et potable ! Il faut donc vivre en conséquence.

L’expérience est inoubliable, notamment au camping de Cloudy Bay où nous passons une soirée sur la plage avec une vingtaine de jeunes Australiens. Ce camping très calme et peu connu est situé dans le sud de l’île. Il est accessible uniquement par la plage. Il faut donc rouler obligatoirement en 4×4 sur le sable et à marée basse afin de rejoindre ce paradis perdu.

Une merveilleuse façon de voyager…

Pour la suite du voyage en mode nomade, prenez 3 Allemands, une Française et un Chinois. Mettez à leur disposition, un break, 2 tentes et quelques ustensiles de cuisine. Saupoudrez d’une touche d’humour, d’un brin d’esprit d’aventure, une louche de bonne humeur, et une folle envie de découverte. Laissez mijoter puis ajoutez du temps, et aucun plan. Vous obtiendrez la recette d’un road trip sans prise de tête, spontané et réussi. Dégustez sans modération !

En effet, de retour sur Hobart, Jo s’envola pour la Nouvelle-Zélande tandis que Nina et moi attendîmes Hjalmar, rencontré à Melbourne. Ce dernier, accompagné de Mike, nous avait proposé de partager la route avec lui une dizaine de jours. Korbinian se joignit finalement à l’équipe pour la première semaine seulement, mais resta finalement avec nous jusqu’à la dispersion des troupes : 5 semaines plus tard !!

Premier stop : la Tasman Peninsula, à une heure de route au nord d’Hobart

Largement encensé par nos guides touristiques, ce morceau de terre plongeant dans la mer Tasman et relié par l’isthme Eaglehawk Neck, vaut le détour pour son importante histoire pénitentiaire. Dans les années 1830, les colons européens installent à Port Arthur un bagne qu’il est aujourd’hui possible de visiter (30AUD). Cette ambiance carcérale est assez prenante mais la visite agrémentée par des jardins fleuris et une balade en bateau est très agréable et mérite un arrêt prolongé.

La bonne surprise de ces quelques jours pluvieux passés sur la péninsule est avant tout notre lieu de camping. Jo nous avait indiqué un formidable coin de paradis avec sauna !! Au départ de la randonnée du Cape Raoul, deux adorables tasmaniens proposent pour 5$ par personne de camper sur leurs immenses terres. Parfait endroit pour passer une matinée pluvieuse à lézarder dans le sauna mis à notre disposition !

Remis de nos quelques jours humides, nous plantons nos tentes, sous un soleil radieux, dans le Parc national du Freycinet. Le premier jour, nous faisons la boucle tant connue de Wineglass bay et Hazard Beach, puis le lendemain nous attaquons le Mt Amos pour profiter d’une meilleure vue.
Quel panorama !

Nous poursuivons notre route en direction du nord-est et faisons halte à la Bay o’ fires. Que dire ? Les superlatifs manqueraient presque. Il s’agit d’une baie longue de plus de 35 km d’où jaillissent des rocs de granit recouverts de mousse orange. Le contraste avec les nuages gris et le bleu de la mer est saisissant. Nous y passerons deux nuits en compagnie d’autres nomades venus se perdre depuis près d’un mois dans ce campement, à quelques mètres seulement d’une des plages les plus exceptionnelles au monde. Fini Melbourne, finie la ville. Ici c’est bel et bien la nature, la quiétude et l’insouciance qui résonnent… hédonisme, épicurisme, peu importe, on y est bien.

En route pour le fameux « Overland track »

Quand j’ai rencontré les garçons, ils m’ont fait part de leur plan : faire l’Overland track, une randonnée classée parmi les 10 plus belles au monde. Au premier abord je les ai pris pour des dingues : parcourir 63 km à pied… cela me paraissait insurmontable. Même si depuis, j’ai terminé de nombreux trecks de plusieurs jours, seule ou accompagnée, j’avoue qu’à cet instant précis, je n’étais pas rassurée car pour la première fois de ma vie, j’allais emprunter des chemins montagneux pendant près d’une semaine en autosuffisance… Un véritable challenge.

Au-delà des frais de préparations (achats de gants, bonnet, matelas, etc.) et des courses, il nous a fallu nous acquitter de 180AUD chacun pour faire cette marche. L’Overland track est la seule randonnée payante en Tasmanie. Néanmoins, cette contribution permet aux rangers d’entretenir les sentiers et les refuges. Ce parcours traverse des espaces protégés où vivent de nombreuses espèces en voie de disparition, comme le diable de Tasmanie. Cette initiative permet également de réguler l’affluence des marcheurs puisque seulement une vingtaine d’entre eux, par jour, sont autorisés à entamer la randonnée. Il est d’ailleurs préférable de réserver sa place en avance.
Le 12 mars, à 14 h, nous commençons notre marche sous l’œil curieux d’un couple de Wombat.

Lors de la première journée, le chemin fut long et fastidieux. La montée au Marion Lookout fut éprouvante mais reste mon meilleur souvenir. Quand j’ai vu au loin les marches puis la chaîne pour aider à escalader, j’ai pris peur pour la suite de la randonnée. Mais il s’avère que c’est la seule étape compliquée de toute la marche. Bien sûr, le premier jour avec les sacs à dos remplis de nourriture pour 6 jours… ce n’est pas évident, mais la vue au sommet est une récompense bien méritée.

Nous sommes arrivés à la fin de notre périple le 18 mars, avec la banane !! Tellement heureux et fiers (surtout moi) d’avoir accompli la randonnée malgré quelques jolies chutes dans la boue. Une fois au Lac St-Clair, nous avons pris le bateau puis littéralement craqué pour une bonne bière bien fraîche.

Enfin, ce fut l’heure de rejoindre la civilisation… en stop

« Tout le bonheur du monde est dans l’inattendu » –  Jean d’Ormesson

A la fin du trip, alors que nous étions à la recherche d’un travail de Fruit-picking, nous avons participé à un événement surprenant en plein été. Nous avons été pris dans une tempête de neige. Épique ! Cette nuit-là, j’ai pu admirer la neige tomber depuis le bus dans lequel j’avais été installée par les propriétaires d’une ferme près de Liffey. Une nuit inoubliable.

La Tasmanie est ainsi : surprenante et inattendue. Nous avons vécu sur la route, sans réseau téléphonique, ni d’internet. Pas de supermarché, pas d’eau chaude, pas de canapé, pas de métro, pas de montre. En l’espace de quelques semaines, j’ai perdu la notion du temps et oublié les jours. Nous avons passé des moments incroyables autour de notre feu de camp, à discuter pendant des heures. Nous utilisions les rivières en guise de salle de bain et notre feu en guise de cuisine. Aucune facture, aucune responsabilité… Nous avons pris le temps de vivre et d’apprécier le peu que nous avions. Certes, il ne nous aurait pas été possible de vivre ainsi sur le long terme, mais ces quelques semaines m’ont enseigné une nouvelle façon de voyager, sans contrainte ni précipitation. Cette aventure fut d’une telle intensité grâce aux rencontres exceptionnelles. Finalement, peu importe où l’on se trouve, ce qui compte, c’est avec qui on partage ces instants.

Retrouvez l’interview de Jeny sur pvtistes.net !

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