Un peu d’Histoire
L’Histoire de l’Argentine est profondément imprégnée par le machisme… Jusqu’à récemment, lorsque l’on évoquait la place des femmes dans la société argentine, c’était souvent à travers le prisme de ce phénomène et des rapports de domination des hommes sur les femmes. Pour mieux comprendre l’Argentine d’aujourd’hui, voici une rétrospective (non exhaustive) des événements et des figures historiques qui ont forgé son Histoire.
La Révolution et la Déclaration d’Indépendance de l’Argentine
La révolution argentine débute en mai 1810 et aboutit le 9 juillet 1816 à la déclaration d’indépendance des provinces unies d’Amérique du Sud. De nombreux personnages de cette révolution donnent aujourd’hui leur nom aux rues argentines, comme Belgrano ou Moreno.
María Remedios del Valle, surnommée la “Capitaine” ou la “Mère de la Patrie”, est une figure incontournable de cette période. Née à Buenos Aires de parents afro-descendants, elle rejoint les troupes indépendantistes en 1810. Puisque les femmes ne sont alors pas autorisées à devenir militaires, elle commence comme infirmière avant de prendre les armes. Elle participe aux victoires de Tucumán et de Salta au côté du commandant Belgrano, qui impressionné par son courage et son engagement, la nomme capitaine. En 1813, elle est capturée par les Espagnols et torturée pendant 9 jours parce qu’elle aide des prisonniers à s’échapper. À son tour elle parvient à s’échapper et rejoint de nouveau les rangs indépendantistes. Remplissant une double fonction de combattante et de soignante, elle entraîne avec elle un groupe de femmes dans ses missions, Las Niñas de Ayohúma.
L’indépendance des pays de l’Amérique du Sud a été acquise en partie grâce au travail d’un réseau de femmes, souvent espionnes, occupant des places stratégiques et ne lésinant sur aucun moyen pour obtenir des informations. Ce réseau d’espionnage, très influent, s’étendait jusqu’en Bolivie et regroupait des femmes évoluant dans toutes les catégories sociales.
Ces actions invisibles mais décisives ont permis la création de l’État argentin. Malgré les représailles et les mauvais traitements subis, voire les mises à mort, elles ont continué leur mission jusqu’au bout.
Le début du XXe siècle
Après l’indépendance, l’Argentine connaît son apogée avec un important développement économique et ferroviaire qui attire de nombreux migrants européens. Au début du XXe siècle, elle fait partie des pays les plus prospères du monde. Toutefois, la Grande Dépression des années 1930 marque le début de l’intervention systématique de l’armée dans la vie politique argentine. Cette période se manifeste notamment par les figures du général Juan Perón (Président de la Nation argentine entre 1946 et 1955, puis entre 1973 et 1974) et de sa femme Eva Perón.
Eva Perón, dite “Evita”, est l’une des figures les plus emblématiques d’Argentine. Elle œuvre aux côtés de son mari et son travail acharné permet de nombreuses avancées sociales dans le pays. Elle soutient les classes défavorisées et crée la Fondation de Bienfaisance Eva Perón. Sous son impulsion, des hôpitaux, des écoles, des maisons de retraite et des logements sociaux voient le jour. Elle met également en place les premières colonies de vacances en Argentine et la distribution de bourses d’étude.
Fervente défenseure de l’égalité femme-homme, sa campagne pour le droit de vote des femmes aboutit en 1947, marquant une avancée majeure dans l’égalite des genres en Argentine. Ambassadrice des groupes minoritaires, elle est adulée par le peuple et détestée par la classe conservatrice. Son influence grandit et l’élève quasiment au rang de mythe.
Elle meurt à 33 ans d’un cancer, et reste aujourd’hui une icône de la justice sociale, son portrait est représenté sur des pièces de monnaies ou sur le Ministère du Développement social et de la Santé. Son mausolée se trouve dans le Cementerio de la Recoleta à Buenos Aires et on peut découvrir sa vie au Museo Evita à Buenos Aires.
Une autre figure représentative de la société argentine prend place dans les années 1960 : Mafalda. Créée par Quino (Joaquín Salvador Lavado) en 1964, cette petite fille attendrissante et ingénue est un personnage de bande dessinée qui questionne le monde avec humour et pertinence. Originaire de Buenos Aires, elle vit dans une famille argentine de classe moyenne entre les années 1960 et 1970. Elle représente un combat social et une remise en question du monde de son époque à nos jours, au-delà de son univers en crayon et en papier.
Des sculptures de Mafalda se trouvent dans les plus grandes villes argentines et également en Espagne.
La dictature en Argentine (de 1976 à 1983), et Las Madres de la Plaza de Mayo
Les années 1970 sont marquées par une instabilité politique croissante et des affrontements violents entre différents groupes d’extrêmes gauche. Ce contexte tendu et l’insécurité omniprésente facilitent l’arrivée de l’armée au pouvoir par un coup d’État le 24 mars 1976. Elle apparaît comme une solution pour rétablir l’ordre. Très rapidement, la junte militaire supprime toutes les libertés individuelles et met en place des moyens d’oppression nouveaux pour installer son idéologie politique le « Proceso de reorganización nacional » (Processus de réorganisation nationale). L’objectif est de supprimer toute opposition et subversion. Les guerilleros, les militants de gauche, leurs sympathisants, leurs familles et plus généralement toute personne suspecte sont visés. Pour ce faire, la junte procède à des enlèvements systématiques et installe une répression sans limite à l’intérieur des prisons (tortures, puis exécution). Cela se passe dans le secret, personne n’ose déclarer un desaparecido (disparu) de peur d’en devenir un à son tour.
Face à ce régime répressif des femmes, des mères, commencent des démarches individuelles pour retrouver leurs enfants, leurs proches. Elles ne savent pas encore qu’ils ont été enlevés par la junte militaire et qu’ils ne reviendront pas.
Le 30 avril 1977, elles se réunissent pour la première fois sur la Plaza de Mayo à Buenos Aires pour manifester silencieusement. Elles demandent le retour des desaparecidos. Tous les jeudis à 15 h, elles se réunissent et sont rejointes par de plus en plus de femmes.
Ces rassemblements donnent naissance au mouvement des Madres y Abuelas de la Plaza de Mayo (Mères et Grands-Mères de la Plaza de Mayo). D’un regroupement de femmes désespérées, isolées et inconnues, elles sont devenues un mouvement social organisé. Elles ne viennent plus seulement réclamer leur enfant disparu, elles viennent réclamer tous les disparus.
Par leurs actions et l’utilisation de la force symbolique des mères dans la résistance civile non violente, elles ont joué un rôle clé dans la fin de la dictature. Ce mouvement des Madres y Abuelas de la Plaza de Mayo est encore aujourd’hui très présent en Argentine puisqu’elles continuent de se réunir tous les jeudis sur la place en mémoire des desaparecidos. Le film, La Historia Oficial (1985), aborde le sujet des enfants et bébés enlevés et adoptés par des familles aisées
La fin de la dictature est marquée par la guerre des Malouines en 1982 entre l’Argentine et la Grande-Bretagne. (NB : les relations avec les Anglais, et les anglo-saxons en général, restent tendues en Argentine. Vous pouvez encore lire sur les bus « Las Malvinas son Argentinas » (les Îles Malouines sont argentines)).
Si le retour à la démocratie a lieu dans les années 1980 avec les présidents Raul Alfonsín et Carlos Menem, la crise économique de 2001 constitue un nouveau tournant. Des émeutes de la faim ont lieu à Buenos Aires et le système bancaire est en faillite. Le président Fernando de la Rúa fuit la capitale.
Le XXIe siècle et les tentatives pour sortir de la crise
Après l’élection de Nestor Kirchner en 2003, l’économie argentine s’est peu à peu reconstruite, même si des inégalités sociales demeurent. Les crimes de la « Guerre Sale » sont peu à peu reconnus avec le vote d’une loi autorisant l’extradition des criminels de l’ex-dictature militaire. L’épouse du dictateur, Cristina Fernández de Kirchner, lui succède à la présidence en 2007. Les politiques mises en place par les Kirchner lors de leurs mandats successifs ont relancé l’économie. Ils sont cependant accusés de populisme autoritaire et les problèmes de corruption et de délabrement des services publics dans le pays perdurent. Mauricio Macri, homme d’affaires, ancien président du club de foot de La Boca Juniors et maire de Buenos Aires de 2007 à 2011, est élu Président de la République d’Argentine en 2015. Malgré, des politiques libérales qui relancent la croissance, la refonte du système et les mesures d’austérité successives déclenchent une colère sociale sans précédent, et le pays est au bord d’une nouvelle crise.
Le contexte politique actuel et les avancées sociales
La lutte contre les violences faites aux femmes
En 2015, le #niunamenos (pas une de plus) naît en Argentine pour dénoncer les violences faites aux femmes. Il est utilisé dans plusieurs pays d’Amérique latine, puis se propage et arrive jusqu’en Espagne.
Faisant suite à de nombreux décès particulièrement médiatisés de femmes sous les coups de leur compagnon, et à la hausse des féminicides dans le pays, les Argentines déferlent dans les rues en juin 2015 pour crier leur colère et faire réagir.
Ce hashtag a ensuite été utilisé pour défendre le droit à l’IVG et les droits de la communauté LGBTQIA+. #niunamenos est par conséquent devenu un des emblèmes principaux des militantes, qui l’intègrent dans leurs chants, leurs banderoles, leurs affiches… Existe également #VivaNosQueremos (nous voulons vivre).
La légalisation de l’avortement
Le 30 décembre 2020 est voté la loi dépénalisant l’avortement jusqu’à la quatorzième semaine de grossesse. Le droit à l’IVG est un combat important qui a pris une grande ampleur dans le pays. Des milliers d’Argentines (et d’Argentins) défilaient dans les rues, munies d’un foulard vert, le panuelito, symbole du droit à l’IVG.
400 000 avortements illégaux étaient réalisés chaque année dans des conditions d’hygiène précaires mettant en danger la vie des femmes. En votant cette loi, l’Argentine rejoint donc l’Uruguay, Cuba, le Guyana, Mexico City et l’État mexicain d’Uaxaca, seuls pays à autoriser l’avortement en Amérique latine (à préciser, d’autres pays autorisent l’avortement dans des situations très précises, notamment en cas de danger pour la santé de la mère ou du foetus).
Champions du monde
Le football est sans aucun doute un thème rassembleur en Argentine. 2 ans après, le pays célèbre toujours sa victoire à la Coupe du Monde 2022. Les Argentins et les Argentines ne manqueront pas de vous rappeler la finale contre la France, qui a couronné Lionel Messi comme le meilleur joueur du tournoi.
La politique aujourd’hui
Le 19 novembre 2023, dans un contexte d’inflation et de crise économique importante, le conservateur Javier Milei est élu Président de la République d’Argentine. Cette élection pose de nombreuses questions concernant les droits fondamentaux des Argentines et des Argentins. Sa position ultra-conservatrice pourrait en effet remettre en cause le droit à l’IVG, les droits des peuples autochtones, les droits de la communauté LGBTQIA+ et des droits fondamentaux tels que le droit de manifestation, la liberté d’expression, l’accès aux soins et aux aides d’Etat.
Les Malouines, le péronisme et la dictature demeurent des sujets sensibles dans le pays et il est préférable de les aborder avec prudence. Vous pouvez en revanche parler de foot sans souci.
(4) Commentaires
Les rapports homme/femme en Argentine… tout un programme ! Sur mon blog j’en parle ici https://destinobuenosaires.blogspot.com.ar/2011/02/el-no-ya-lo-tenes-ou-hommes-femmes-mode.html
Dans la partie Danse et Musique, un petit mot sur les milongas s’impose. C’est le meilleur endroit pour découvrir ce que signifient danse et musique en Argentine yo creo que!
« Et l’infidélité – des hommes essentiellement – est grandement tolérée. » J’aime pas énormément cette phrase.
Je sais pas si c’est une femme ou un homme qui a écrit cet article mais ici en Argentine, quand on est un homme étranger, c’est tout le temps qu’on se fait draguer.
Et si vous croyez y échapper en disant « Non j’ai déjà une copine » c’est franchement assez régulier que la femme/jeune femme vous réponde « Moi aussi mais c’est pas grave ».
Donc ce ne sont pas juste les hommes qui sont infidèles. C’est toute la société.
C’est tout à fait vrai ! Il y a de l’infidélité de tous les côtés.
Néanmoins, j’ai rencontré beaucoup de familles où le mari avec maîtresses est considéré comme un dieu, un beau gosse, etc. La fille, même si c’est « toléré », aura plutôt tendance à le cacher au risque de se faire taper sur les doigts.
C’est donc plus la façon dont l’infidélité est mise en avance par chaque sexe dont je parlais.
Par ailleurs, la société argentine reste machiste et, ça, je peux le dire qu’on le ressent en tant que femme !
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