La récente histoire du Japon a pu parfois décrire son peuple comme unifié, gommant de nombreuses différences culturelles entre ses habitants. Saviez-vous que les Japonais (en tant que descendants du peuple Yamato) n’étaient pas les premiers habitants du nord de l’archipel ? En réalité, bien avant eux vivaient sur l’île d’Ezo (l’ancien nom d’Hokkaido) les Aïnous.
Ils ont été victimes de discriminations pendant des années, et, certains Japonais ignorent toujours leur existence.
L’histoire de la reconnaissance de la culture aïnoue est très récente puisque ce n’est que depuis 2019 que le gouvernement japonais reconnaît le peuple aïnou comme « peuple autochtone » et seulement depuis 2020 que le Musée national du peuple aïnou a ouvert ses portes.
On vous présente ici quelques aspects de la culture aïnoue mais aussi les lieux du Japon pour en apprendre plus sur elle.
L’absence de certitude sur les origines des Aïnous
Les origines des Aïnous sont encore aujourd’hui un sujet de débats entre historiens. Une thèse globalement acceptée est que les premiers Aïnous seraient arrivés sur l’île d’Ezo lorsque le niveau de la mer rendait possible le passage à pied entre la Sibérie et l’île d’Honshu, au nord du Japon actuel. Leur culture serait un mélange de celles de deux peuples : les Okhotsks et les Satsumons, respectivement originaires de l’Extrême-Orient russe et du Nord d’Honshu.
Leurs principales activités étaient la chasse, la pêche, la cueillette mais aussi le commerce, notamment avec les « Wajins », les descendants des « Wa » (les autres habitants de l’archipel). Dès le XIXe siècle, les Aïnous répondent à des commandes et fournissent à leurs partenaires commerciaux vêtements et ustensiles en bois pour équiper leurs habitations, souvent modestes. Les relations entre les Aïnous et les autres populations voisines étaient donc cordiales, commerciales et presque amicales.
Colonisation et politique d’ « harmonisation culturelle »
Néanmoins, la volonté d’expansion territoriale des Wajins conduit à une colonisation progressive par les seigneurs féodaux des terres aïnoues au XVIIIe siècle. Les populations locales deviennent assujetties à du travail forcé. Certains expliquent l’absence de résistance des Aïnous par leur croyance dans le fait que les terres ne sont la propriété de personne.
À la restauration de Meiji en 1868, leur situation empire. L’île d’Ezo change de nom et devient Hokkaido en 1869. Les Aïnous sont victimes d’une politique d’assimilation culturelle forcée. En effet, l’État japonais souhaite devenir un vrai État-nation, et pour cela, il met en place une politique « d’harmonisation culturelle » pour construire ce qu’il considère comme une nation unifiée.
Les Aïnous doivent alors devenir de « vrais Japonais ». On leur interdit plusieurs aspects de leur culture : la chasse et la pêche sont prohibées, tout comme le port de piercings et de tatouages. Les enfants n’ont également plus le droit de parler leur langue, l’ainu-go, à l’école. Pire encore, le statut d’ »anciens indigènes » qui leur est imposé en 1878 cristallise l’idée d’une identité en transition pour devenir « civilisée ».
L’archéologue Mark Hudson écrit que ce statut « leur autorise un passé, tout en leur refusant un avenir ».
Les Aïnous sont forcés de travailler dans des champs et récupèrent des terres non cultivables. Les résultats de cette politique d’assimilation forcée sont dramatiques avec de nombreuses maladies et famines qui touchent les Aïnous.
L’après Seconde-Guerre Mondiale : un statut ambivalent rendant difficile la reconnaissance des droits des Aïnous au Japon
Après la Seconde Guerre Mondiale, les Aïnous s’organisent en associations pour faire valoir leurs droits. Néanmoins, la croissance économique japonaise des années 1950 encourage un tourisme de masse sur l’île d’Hokkaido et les communautés aïnoues deviennent des « attractions » à des fins commerciales et touristiques.
Le statut des Aïnous se complique au fur et à mesure que le Japon adhère à des conventions et traités de droit international au XXe siècle, et dont les principes peuvent différer de la pratique nationale.
Par exemple, bien que le Japon ait ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en 1979, qui prévoit que les minorités ethniques, religieuses et linguistiques des pays signataires doivent pouvoir jouir de leur propre culture, le Japon ne reconnaît pas l’existence de telles minorités sur son territoire.
Les Aïnous sont donc pris dans une impasse : d’un côté reconnus par les Nations Unies depuis 1992 comme « peuple autochtone », de l’autre, leur gouvernement national leur refuse le statut de « minorité » et les droits qui vont avec.
La récente reconnaissance des Aïnous comme « population autochtone »
La mobilisation de l’Association aïnoue d’Hokkaido porte ses fruits dans les années 1990. D’abord, en 1994, Shigeru Kayano devient le premier aïnou membre de la Diète, le parlement japonais.
En 1997, la Loi sur la promotion de la culture aïnoue est adoptée, leur permettant de mettre en place des projets afin de valoriser leurs traditions culturelles. En 2019, les Aïnous sont officiellement reconnus comme « population autochtone » par le Japon et une nouvelle loi s’engage à permettre « une société respectueuse de la fierté des Aïnous ». Néanmoins, celle-ci est source de déceptions pour certains, du fait de son champ d’application limité.
Aucun commentaire
{{like.username}}
Chargement...
Voir plus