- Âge au début de l’aventure : 32 ans
- Départ : en couple en novembre 2018 à Victoria (Colombie-Britannique)
- Domaine professionnel : Technologies de l’information et de la communication
- Activité professionnelle au Canada : Digital Engagement manager au ministère de la Santé
- Économies en arrivant : 15 000 $ (montant obligatoire pour un couple arrivant en résidence permanente)
Le burn out comme déclic de départ
C’est moi qui ai un peu retardé le projet de départ parce que j’avais un poste de cadre, de directrice artistique Je voulais vivre cette expérience à fond. J’ai fini par faire un burn out. Ça se passait très mal avec mon manager, moi j’avais de très bons retours clients et du reste de l’équipe et avec lui, ça passait pas. Je pense qu’il m’a mis beaucoup de pression sur les épaules. Suite à mon burn out que j’ai vécu très physiquement, je suis devenue intolérante au gluten, au lactose et à d’autres choses à ce moment-là. Mon corps en a pris un coup.
Du coup, avec mon conjoint, on se disait : « Il faut absolument qu’on reparte » mais on voyait le temps défiler. À se dire : « Là on a 30 ans passés », on se voyait pas repartir forcément en PVT, et puis on avait envie de partir pour de bon, que ce soit nous qui choisissions la durée de notre séjour. Si jamais on a envie de rester, y a aucune barrière.
On a quand même tenté la demande de PVT au Canada parce qu’au départ, on ne connaissait pas les autres options, puis on se disait : « C’est quand même deux ans », ça permet de se projeter un peu plus.
On savait qu’il y avait pas mal de solutions pour après faire d’autres permis de travail, on n’était pas du tout experts sur le sujet mais on savait quand même ça.
Le Canada pour immigrer
On s’est mariés en mai 2017, on avait entamé les démarches de la résidence permanente parce qu’on en avait ras-de-bol d’attendre en vain, à force de pas réussir à avoir le PVT. On avait entamé les démarches, on avait déjà payé des trucs vis-à-vis de la RP, lorsqu’on a finalement obtenu le PVT. Notre départ, c’était plus dans l’optique d’une réelle expatriation, ça faisait plus sens de faire une demande de RP.
Le Canada, je l’avais aussi un peu fantasmé en me disant qu’étant un pays du Commonwealth, ce serait le même état d’esprit que la Nouvelle-Zélande, enfin ça va paraître très naïf parce que je l’avais lu pourtant, et de la part d’anciens pvtistes aussi qui disaient : « Le Québec, c’est l’Amérique. C’est pas une autre France, c’est le Québec, ça a sa propre identité et l’influence américaine est forte. » Je l’avais bien pris en compte pour le côté Québec mais pour moi, le côté anglophone, ça allait être proche de ce que j’avais connu en PVT en Nouvelle-Zélande. En fait pas du tout, c’est vraiment très américain !
Au départ, mon conjoint Jean-Marc et moi, on s’est vraiment sentis en décalage avec notre environnement, on a eu du mal avec ça. Pour l’arrivée en tant que résidents permanents, on a choisi Victoria, en Colombie-Britannique, un peu à la dernière minute parce que Vancouver, lors du voyage exploratoire, ça a pas été un coup de coeur. Ça a été dur de trouver un point de chute : on savait vraiment pas par où commencer. C’est un pays tellement grand et puis il y a la contrainte du climat, les hivers sont super rudes. Ça fait réfléchir pour savoir si t’es prête à accepter ça.
La Colombie-Britannique, c’est un climat assez exceptionnel par rapport au reste du Canada, mais ça a aussi des inconvénients : les boulots sont moins bien payés, le coût de la vie est très élevé, chose à quoi on n’était pas très bien préparés. On est arrivés en tant que résidents permanents mais on a démarré notre expérience comme des pvtistes ! On a commencé par des petits boulots le temps de se faire à la culture et de s’adapter. C’est même conseillé de démarrer comme ça. De pas tout de suite viser un poste qualifié pour comprendre comment ça fonctionne sur place : quel est le mode de pensée, qu’est-ce qui se fait, qu’est-ce qui se fait pas, etc.
C’est très difficile de trouver un poste qualifié, ici. Je me sentais pas très bien par rapport à ça puisqu’en France je sais que je peux en trouver un facilement. Là, j’y arrivais pas, je pensais que c’était moi le problème. J’avais pas forcément conscience à ce moment-là qu’on avait choisi une des villes les plus compliquées en termes d’emploi qualifié.
Entre fantasme et réalité
Entre le fantasme et la réalité, y a des déceptions. C’est une question d’adaptation aussi je pense, faut se laisser le temps. Ce qui a vraiment créé le déclic, c’est de trouver un poste qualifié. Au bout de neuf mois sur place, j’ai réussi la compétition pour un job de graphic designer pour le Gouvernement de la Colombie-Britannique. Au départ, on a tous les deux travaillé dans un supermarché. Le salaire minimum est très bas. Normalement, au Canada, c’est un minimum de deux semaines de vacances, mais là il se trouve que c’est un système d’union, les unions sont super importantes. Le nouvel accord de ce supermarché était très mauvais, c’était zéro semaine de vacances et pas de complémentaire santé. Je voyais des gens avec des problèmes de santé liés à la fatigue ou avec des problèmes de dents qu’ils ne pouvaient pas soigner ! Je me disais : « C’est pas juste, une vie de galère comme ça, c’est pas drôle ». De se rendre compte aussi ici que tu paies pour tes études, l’école est gratuite jusqu’à 16/17 ans et après, pour tes études, tu dois payer et c’est vraiment un gros budget. En général, si tu veux étudier, les gens se creusent des dettes importantes, ils sont dans un système d’endettement permanent. La garde d’enfants c’est aussi très cher, j’ai vu en arrivant : jusqu’à 5 ans, les parents doivent payer (c’est en train de s’améliorer) pour ce qui s’appelle la crèche chez nous (la garderie ici).
Ça nous a un peu effrayés de commencer par le bas de l’échelle, de nous rendre compte de ce que sont les conditions de vie de ceux qui sont en bas de l’échelle. On rencontrait des gens tellement adorables, bisounours, gentils, prêts à t’aider, enfin des gens avec qui tu sympathises, t’as de l’empathie. Tu te dis : « Moi, j’ai rien payé pour mes études » et ça nous a pas plu de voir tout ça. C’est en forte contradiction, du coup je me suis retrouvée à me dire : « Est-ce que j’ai pas fait une grosse connerie ? ». Lorsque j’ai eu mon père au téléphone deux fois en un an, il était pas super encourageant les seules fois où on s’est parlés. C’était les réflexions : « Ah oui, t’étais cadre à Paris et maintenant t’es caissière » ! En étant sur Vancouver Island, on n’avait pas très envie de partir. C’est quand même un petit paradis. Pour nous la Nouvelle-Zélande, c’était un coup de coeur, en termes de nature, on a retrouvé ça ici, la mer à proximité. On peut aller à la mer dès que je finis mon travail, je marche 300 m et je trouve toujours une plage. On peut aller passer des week-ends sur les îles, on peut être très proches de la nature.
Au niveau amical, tout s’est fait facilement. On s’est créé un cercle amical très rapidement, qui justement m’a dit : « C’est normal que ce soit la galère pour trouver un poste » et qui me soutenait, qui m’encourageait. Comme tout le reste se faisait bien, on s’est dit qu’on se donnait un an au total. On a aussi créé une relation très spéciale avec notre propriétaire, Anne, c’est devenu notre « tata » du Canada. C’est notre bonne fée, et je pense qu’on est presque ses enfants adoptifs. On s’entend super bien, on fait plein de choses ensemble, c’est quelqu’un de vraiment positif, agréable, vraiment adorable. Je lui ai toujours pas trouvé de défaut, à part qu’elle a pas toujours de très bons goûts musicaux *Rires*. C’est elle qui m’a fait tenir quand c’était difficile. On se dit : « C’est le hasard qui a fait les choses », on retrouvera pas ça ailleurs, c’est la magie des rencontres.
Un projet à plus long terme : l’adoption
On s’était dit qu’on voulait, plus tard, adopter un enfant, on s’était même renseignés pour voir si en tant que résidents permanents, on pouvait le faire. Il se trouve qu’on peut, et comme ça aussi, ça fait partie de nos projets, ça a été un des éléments qui a joué en la faveur de notre expatriation.On pense déjà à l’adoption locale. Nous, on sait déjà qu’on veut pas adopter un bébé, on s’est dit un enfant en âge scolaire, entre 5 et 10 ans. On verra quand on en parlera avec les assistants, mais j’ai lu des exemples de gens qui ont adopté des fratries où là tout de suite, c’était beaucoup plus rapide.
Les démarches sont lourdes. Tu montes un dossier auprès de la province, la première étape, c’est tes motivations : il faut faire une lettre de motivation pour dire en quoi tu penses que tu seras un bon parent adoptant ; comment tu pourrais aider un enfant qui a eu un démarrage de vie difficile et traumatisant à s’épanouir. Là, il a fallu qu’on se documente pas mal parce qu’au démarrage, c’était pas vraiment évident, la réponse, les traumatismes liés à l’abandon.
On a mis deux mois à écrire la lettre parce qu’avant de passer au stade de l’écriture, fallait vraiment réfléchir, entre le projet que tu fantasmes et sa concrétisation.
C’est très beau et au début j’étais très émotive, je me suis dit : « Il faut que tu voies ça de manière beaucoup plus factuelle pour te mettre à la place d’un enfant qui aurait été abandonné ; qu’est-ce qui se passe pour lui, les blocages, les traumatismes, comment tu peux l’aider à grandir avec ça ? ». Je pense effectivement qu’on doit pas être nombreux en tant qu’expats à se lancer là-dedans. Le fait d’être à deux nous a aidés : s’il y en avait un qui était en bas, t’avais toujours l’autre qu’était en haut et qui remotivait.
Moi je suis super épanouie, super contente d’avoir sauté le pas. Je sens que je suis en train de devenir franco-canadienne, plus tout à fait française, pas canadienne parce que j’y suis pas née. Je prends vraiment de la culture et de l’ouverture d’esprit. C’est un plaisir d’être ici.
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