Qu’est-ce que je fais là ?
Au milieu d’Auchan, je cherche de la moutarde, et d’un coup, je me demande ce que je fais là. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Hier, j’étais à Buenos Aires (littéralement), tout le monde autour de moi parlait espagnol, c’était l’hiver et j’avais hâte de rentrer. Aujourd’hui, je suis en France et je suis perdue.
J’avais vraiment hâte de rentrer. Le manque de mes proches devenait de plus en plus présent dans mon quotidien. J’avais commencé, sans trop m’en rendre compte, à idéaliser tout ce que j’avais laissé derrière moi. J’ai fantasmé un retour très fort en émotion. Si fort qu’il dépasserait largement toutes les expériences que j’avais pu vivre durant cette année en Argentine.
Le retour à la réalité
Eh bien, spoiler, le retour à la maison, ce n’est pas si sensationnel. Oui, les retrouvailles avec les proches, c’est sympa, on est contents de se revoir, il y a parfois des pleurs et on se prend dans les bras. Et puis, après 10 minutes, on me pose la fameuse question : “Alors, c’était bien ?” Et là, le blanc complet. Je ne sais plus quoi dire. Comment résumer presque une année de ma vie en une question ? Parfois, le monstre sarcastique au fond de moi a envie de répondre : “Non, c’était horrible.” Je crois d’ailleurs que c’est ce que j’ai répondu une fois ou deux.
Le temps passe, j’atterris au fur et à mesure. Je mets quelques jours à faire des nuits complètes à cause du décalage horaire. Le moment du bilan approche, mais je n’arrive pas encore à le faire. Je sens que lorsque je le ferai, que je trierai toutes mes photos pour en faire un album, que je reviendrai sur mon voyage et que j’en tirerai des leçons, cela signifiera qu’il est bel et bien terminé.
Bilan : faire un PVT toute seule
J’ai fait mon PVT toute seule. J’étais seule quand j’ai pris mes billets d’avion, seule quand je suis allée récupérer mon visa. J’étais seule à faire mon sac, seule dans le train pour l’aéroport et très seule dans l’avion. J’étais seule quand je suis arrivée à Buenos Aires, seule pendant les premiers jours, à tourner dans toute la ville pour trouver un travail et un appartement. Et puis rapidement, j’ai rencontré quelques personnes, pas beaucoup, mais un peu. Ensuite, j’ai trouvé un travail, donc je n’étais plus seule et j’étais occupée.
Après trois mois, je suis partie de Buenos Aires et j’ai commencé à voyager. Pendant quelques semaines, on a voyagé à plusieurs, dans le nord du pays, entre Salta et Mendoza. C’était intense, c’était super. Puis j’ai voyagé seule. Enfin seule… quand on est en auberge de jeunesse, on n’est jamais vraiment seule. Un jour, fatiguée du voyage, je me sentais isolée et j’avais besoin de confort et de chaleur. C’est pile à ce moment-là que j’ai rencontré des personnes formidables avec qui j’ai passé des moments inoubliables qui font partie des meilleurs souvenirs de mon voyage.
Mon voyage n’a été que ça : des moments de solitude nécessaires, suivis d’une vie sociale très chargée, intense et nourrissante. J’ai oscillé entre la solitude sauvage et mythique à Ushuaïa et l’effervescence du groupe et de la foule au Carnaval de Rio.
Puis je suis retournée dans un quotidien assez classique mais plein de saveurs à Buenos Aires. Ayant usé toutes mes batteries sociales pendant ce merveilleux été, l’automne et sa douceur m’ont apporté le calme dont j’avais besoin. Plus de force ni de courage pour les small talks dans les soirées, pour les emplois du temps blindés et les nuits de sommeil trop courtes. J’ai vécu cette saison, ma dernière en Argentine, comme une retraite nécessaire, un moment d’introspection très utile et une bonne façon de terminer sereinement ce PVT avant de rentrer. Je vivais au gré de mes envies sans la contrainte du groupe.
Avoir besoin de rentrer
Je suis partie pour un PVT de 12 mois, sans date de fin. Un an, ça peut être très long et je voulais me laisser la possibilité de rentrer plus tôt.
J’ai vécu de nombreux rêves pendant ce PVT, mais je ne pouvais pas m’empêcher de visualiser mon retour. Certaines personnes ne voient pas le temps passer lorsqu’elles voyagent à l’étranger. Elles rencontrent énormément de monde, sont toujours très occupées et sont extrêmement tristes de devoir rentrer en France. Moi, j’ai toujours été ravie d’être là où j’étais et de vivre ces nouvelles expériences, mais j’ai toujours été contente de me dire que cette aventure avait une fin. C’est notamment parce qu’ils savent que leur PVT a une fin que beaucoup de pvtistes vivent intensément cette expérience.
Quelques semaines avant de rentrer, alors que je suis dans ma phase d’introspection, je commence à penser au retour et à m’y préparer mentalement. J’essaie de l’aborder comme je l’ai fait avec mon départ : c’est un passage obligatoire, c’est une nouvelle aventure qui va apporter son lot d’expériences heureuses et malheureuses. Cela fait partie de la vie et j’essaie de m’en réjouir le plus possible. Ça y est, j’ai envie de rentrer. Mes proches me manquent, plein de choses sont prévues à mon retour. J’ai hâte de m’y mettre, d’être dans la prochaine étape de ma vie, de voir ce qu’il va se passer.
Avoir peur de rentrer
Mais plus le temps passe, plus j’ai peur de rentrer. Petit à petit, ça me frappe. Qu’est-ce que je vais faire quand je vais rentrer ?
Partir en PVT, c’est se construire un petit bout de vie dans un autre pays loin de chez nous. Quand ça marche, c’est gratifiant. On se sent bien. On est loin de ce qu’on connaissait, mais on a réussi et on est bien.
En partant, on a laissé derrière soi un sac rempli de choses : des bonnes et des moins bonnes. Quand on revient, on a un nouveau sac, plein de nouvelles choses et on retrouve l’ancien. Il y a un choc, un décalage entre la nouvelle vie et l’ancienne. La nouvelle qu’on n’a pas vraiment pu ramener en entier d’Argentine et l’ancienne qui a une odeur de passé, mais qui est encore très présente.
En ce moment, je fais du tri, au sens propre comme au figuré. Il faut que je fasse de la place pour les nouvelles choses que j’ai ramenées d’Argentine. J’ai vidé le sac de mon ancienne vie au milieu de ma maison et je ne garde que ce qui résonne encore en moi. J’essaie de me débarrasser du reste. Le nouveau sac, celui de l’Argentine, est là, petit à petit j’en sors des choses et je les adapte à cette nouvelle version de mon ancienne vie.
Et maintenant ?
Cette question a pour moi le même goût que “Alors, c’était bien ?” Je ne sais pas quoi répondre quand on me le demande, parce que je me la pose aussi.
Qu’est-ce que je vais faire maintenant ? Mon PVT ne m’a pas apporté de solution miracle. Il m’a cependant apporté de nombreux outils, du courage, de la détermination et un sens de la débrouillardise très aigu qui pourront m’être utiles dans le reste de ma vie. Rester quelques mois au même endroit me fera du bien et préparera sûrement mon prochain départ pour une nouvelle destination.
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