Lors de mon séjour en Colombie, en mars 2018, j’ai eu l’occasion de passer plusieurs jours dans la ville de Medellín.
Sur les conseils de Clémence et de beaucoup de backpackers, je suis partie à la découverte de la comuna 13, un quartier populaire et très symbolique au sud de Medellín.
Autrefois, ce quartier était considéré comme « le plus dangereux du monde ». Aujourd’hui, c’est devenu un must see pour les touristes. C’est même un lieu incontournable pour les fans de street art. Mais il ne faut pas oublier que c’est un endroit où en apprendre plus sur l’Histoire, récente et peu glorieuse, du pays.
Suivez le guide !
Avec une amie, on a choisi de ne pas partir seules pour explorer le quartier.
On sait que ça peut se faire sans guide, même si on nous a parfois recommandé de ne pas le faire, pour être sûres d’être tranquilles.
Pour nous, la principale raison de choisir de faire la visite guidée, c’est qu’on avait envie d’en apprendre le plus possible au cours de notre visite.
Du coup, on a réservé un tour avec l’auberge où nous dormions (Los Patios).
Le tour peut se faire en anglais ou en espagnol. On a choisi espagnol, pour être sûres que notre guide ne cherche pas ses mots pendant 3 plombes (comme ça m’est arrivé à Carthagène).
Tout est compris dans le prix : on monte à 4 dans un Uber, direction comuna 13. Le chauffeur nous déposé à un point de rendez-vous. Là on retrouve notre guide et c’est parti pour 3 h 30 de tour en espagnol.
Il est très facile de s’y rendre en transports en commun, c’est juste beaucoup plus long. Les Uber sont vraiment peu chers à Medellin.
Sinon prenez le métro jusqu’à la station San Javier puis continuez à pied ou en bus (225 I ou 228 I : las escalas electricas).
La trece
Notre guide est né et a grandi ici. Il connaît son quartier, ses habitants et sa réalité.
Pendant toute la durée du tour, il nous raconte des histoires qui se sont passées ici, à la fin des années 1990.
La comuna 13 était à l’époque une zone stratégique du trafic de drogues et d’armes. Elle a été mise à feu et à sang par les 3 grands groupes armés (AUC, FARC et ENL) qui s’affrontaient pour le contrôle du quartier, idéalement situé pour passer de la drogue via le Panama.
Certains d’entre vous ont peut être regardé Narcos, moi je n’avais pas voulu me mettre des idées dans la tête avant de poser le pied en Colombie.
Je ne connais pas grand-chose de l’histoire colombienne mais j’ai quand même les bases et avec les récits de notre guide, j’arrive à visualiser ce qui s’est passé ici, il y a finalement peu de temps.
Entre Pablo Escobar et les narco-traficants, la guerilla a fait des milliers de morts entre 1998 et 2002.
Notre guide nous raconte que dans ces heures sombres, il était habituel de marcher dans la rue et de voir un cadavre par terre. Les ambulances ou la morgue ne venaient pas dans ce quartier, trop dangereux.
C’était à la famille d’amener le corps jusqu’à un endroit où il pouvait être pris en charge.
C’est en 2002, avec l’opération Orion, menée par le gouvernement que la comuna 13 a vécu l’horreur.
Opération Orion
Plus de 3 000 hommes partent à l’assaut de la comuna 13, appuyés par des hélicoptères. Ils tirent sans distinction, blessant et tuant des civils qui n’ont rien à voir avec les narco-trafiquants. Les maisons sont perquisitionnées sans mandat, les gens sont arrêtés sans raison…
C’est le début des disparitions.
Des années après, on ne sait toujours pas ce que sont devenues les personnes disparues.
On sait quand même que l’une des collines faisant face au quartier a servi de fosse commune.
Les habitants qui ont perdu des proches ont sous leur nez, chaque jour, la possible tombe de quelqu’un dont ils sont sans nouvelle depuis des années.
Le pire, c’est que sans le savoir, ils ont fait de cette colline une décharge, enfouissant encore plus les corps. En 2009, un accord a été signé pour commencer à creuser et exhumer les corps, mais les travaux ont cessé rapidement, question de coût et d’incertitude sur la localisation des corps.
Medellín n’a pas fini de compter ses morts…
Renouveau
Les habitants et les nouveaux gouvernements ont décidé d’aller de l’avant et de réhabiliter la comuna 13, sans oublier ce qui s’y est passé.
Un gros effort financier a été fait pour mettre en place Les escaleras electricas. Ces escalators qui ont rendu plus accessibles certaines parties de la comuna 13.
Les habitants n’ont désormais plus à grimper l’équivalent de 28 étages pour se rendre du bas du quartier aux maisons situées en haut. Dur de se motiver à sortir de chez soi et aller travailler quand on met un tel temps pour juste sortir du quartier.
384 mètres d’escalators, divisés en 6 parties ont amené un réel changement à la trece. Un coût important mais surtout un investissement pour l’ouverture, un vrai progrès.
Je dois avouer que je valide totalement cet investissement qui m’a évité de me tuer les cuisses pour visiter le quartier.
Ne vous inquiétez pas, il y a quand même pas mal de marche à faire et vous aurez votre quota de sport pour la journée 😉
De l’art, de la vie
La comuna trece est désormais célèbre pour être un des fiefs du street art, qui a pris une place très importante ici. À travers leur art et leurs fresques, les habitants du quartier expriment leur colère, leurs revendications et leur espoir en un meilleur futur.
Tout le monde veut donner un meilleur visage au quartier et le tourisme qui se développe, pour l’histoire et l’art, y contribue.
D’autres jeunes du quartier se sont mis à la danse, et font des petits spectacles de hip hop, en plein soleil, en attendant que les touristes laissent une pièce dans leur casquette à la fin du show qu’ils répètent inlassablement.
Les moins jeunes vendent des glaces maison aux fruits. Des morceaux entiers de mangue, un peu d’eau sucrée et un petit pot, au freezer et BIM, vous avez une glace savoureuse.
Si vous n’avez pas envie de glace, vous pouvez toujours vous rafraîchir avec un jus de canne à sucre (agua de panela), fait devant vos yeux.
On peut passer des heures et des heures à chercher les fresques, admirer le bric-à-brac de maisons colorées et la vue sur les environs.
Prévoyez de prendre de l’eau, des bonnes baskets, une casquette et de la crème solaire. Il fait très chaud et le soleil a vite fait de vous mettre un bon coup sans que vous vous en rendiez forcément compte (et ça se comprend, avec tout ce qu’il y a à regarder).
Un vrai coup de cœur
À mon avis, la comuna 13 est une visite incontournable lorsque l’on séjourne à Medellín.
Personnellement, je recommande vivement de la visiter avec un guide local plutôt qu’avec un bouquin de tourisme.
Les habitants du quartier se sont tous montrés super sympa et avenants, on ne s’est pas senties en danger, même si on n’y traînerait pas la nuit et qu’on sait que certains coins de la comuna 13 restent des zones non recommandées aux touristes.
C’est surtout qu’on a eu des frissons et la boule au ventre à écouter notre guide, qui a partagé des histoires familiales et même fait rencontrer sa grand-mère, qui nous a offert une glace aux fruits frais.
Choisissez autant que possible un guide qui fait partie d’une organisation investie dans la vie de la comuna 13, pour que l’argent soit en partie réinvesti dans la vie du quartier.
D’ailleurs, n’oubliez pas la propina pour votre guide 🙂
On a été émues devant certaines fresques, on a pu discuter avec certains des artistes et avoir une explication de ce qu’on avait sous les yeux. On a aussi senti cette envie, ce besoin de renouveau, de plus de légèreté.
Car la comuna 13 est pleine d’espoir et de rage de vivre.
Buena suerte comuna 13.
(1) Commentaire
Bonsoir, Très beau récit mais que je viens de voir mot pour mot dans des stories Instagram (pseudo Mogauw_vadrouille) les gens n’ont peur de rien aujourd’hui.
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