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Toujours accompagné de Maud, ma travelmate, et de notre couple de Belges, Jessica et Jeremy, je continue de voyager vers l’est tout en longeant la côte sud de l’Australie. En feuilletant notre guide de voyage à la recherche d’un nouveau truc cool à entreprendre, nous tombons sur un paragraphe consacré à la ville de Coober Pedy. J’en avais déjà entendu parler, en particulier parce qu’Antoine De Maximy y fait un détour lors d’un épisode de « J’irai dormir chez vous » consacré à l’Australie. Pour moi Coober Pedy n’était qu’une petite ville perdue au milieu de l’outback, sans grand intérêt.

Ce genre de ville, j’en ai traversées quelques unes et à part pour mettre de l’essence, elle ne valent pas vraiment le coup pour qu’on s’y arrête. Seulement voilà, en lisant mon Lonely Planet il semble que Coober Pedy soit justement une ville « spéciale ».

Ce qui fait de Coober Pedy une ville spéciale, c’est tout d’abord ses gisements d’opales, qui depuis plus de 100 ans attirent des mineurs venus du monde entier.

Des mineurs qui ont bâti cette ville en plein milieu de l’outback, sur une terre inhospitalière où rien ne pousse et où les températures dépassent parfois les 50° en été. Une chaleur tellement étouffante qu’elle a incité les mineurs à creuser leur maison sous terre. Aujourd’hui encore, une importante partie de la population vit dans ce que l’on appelle des « dugouts », des maisons troglodytes.

Le paysage entourant Coober Pedy est tellement irréel qu’il a servi de décor à de nombreux films : Pitch black, planète rouge et surtout MAD MAX III ! Bon, le troisième volet est nul, mais le simple fait de marcher sur les traces de Mel Gibson dans le monde post-apocalyptique de Mad Max a suffi à me convaincre de conduire sur les 500 km de route séparant Port Augusta de Coober Pedy. Dans un style moins viril, on pourra également citer « Priscillia, folle du désert ».

Me voici donc de retour sur la Stuart Highway, le cap mis sur Coober Pedy. Sur la route, pas grand chose à voir à part des road trains, des buissons et la ville de Woomera, célèbre pour avoir été la base de lancement d’essais nucléaires pendant les années 1960. Ayant vu « la colline à des yeux », nous décidons d’éviter de camper aux alentours de la ville.

Nous faisons une courte halte au Lake Hart, un lac de sel sur lequel nous errons une bonne demi-heure le temps de prendre quelques photos et de se délecter de ce paysage surréaliste.

Quelques kilomètres avant Coober Pedy, le paysage commence à changer. Très vite nous comprenons en quoi Coober Pedy est une ville à part. Partout, à droite comme à gauche, des centaines de tas de sable s’étendent à perte de vue. Ces tas de sable sont en fait les gravats rejetés par les mines. Chaque tas correspond à un trou. La région en compterait plus d’un million (ce n’est pas une faute de frappe, j’ai bien dit MILLION). A tel point que les promenades nocturnes sont fortement déconseillées. Il n’est pas rare que des gens tombent au fond de l’une de ces nombreuses mines désaffectées. C’est comme si des taupes géantes avait soudainement envahi le désert australien.

Très vite nous arrivons aux portes de la ville, ou un panneau surmonté d’un blower (un camion muni d’une sorte d’aspirateur géant permettant d’évacuer les gravats de la mine) nous indique « Coober Pedy ».

Exténués par la chaleur et ces longues heures passées à conduire au milieu de nulle part, nous décidons de nous mettre en quête d’une bonne bière fraîche, éventuellement à l’intérieur d’un de ces dugouts. Nous garons donc notre voiture à coté d’un vaisseau spatial écrasé…

… et commençons notre recherche de « bar sympa ».

Après avoir bu quelques Coopers dans un restaurant sous-terrain, nous conduisons au hasard dans les rues de Coober Pedy pour y trouver un emplacement calme et discret pour dormir. Le lendemain, nous commençons notre visite de la ville par un église souterraine assez atypique…

… suivie d’une petite boutique d’opale dont la propriétaire est presque aussi atypique que l’église susnommée.

Il s’agit d’une Grecque qui a débarqué à Coober Pedy il y a plus de 40 pour dans l’espoir de faire richesse dans l’exploitation d’opale. Toutes les opales de sa bijouterie ont été trouvées par son mari. Nous discuterons un petit moment avec elle et elle nous offrira une petite boite remplie de gravats laissés en dehors des mines. Avec un peu de chance, nous dit-elle, vous trouverez de l’opale. Nous trouvons effectivement quelques cailloux avec de vagues reflets bleus. Après renseignement il s’agit bien d’opale, mais malheureusement il est inexploitable et ne vaut rien. Des opales comme cela, on en trouve partout à Coober Pedy. Aussi bien dans les gravats que sur le trottoir. Il suffit de se pencher. Mais pour faire fortune, mieux vaut creuser quelques mètres sous la terre.

Notre groupe étant composé de deux filles, nous avons écumé toutes les bijouteries de la rue principale. A Coober Pedy, il y a des boutiques d’opales à tous les coins de rue, majoritairement tenues par des immigrés venus d’Europe de l’Est. A l’extérieur, on ne peut pas dire qu’il y ait une ambiance de folie.

A part deux ou trois touristes, quelques Aborigènes errant au hasard dans les rues…

… et une poignée de locaux au volant de vieilles voitures improbables, il n’y a pas grand chose.

Malgré tout, je trouve cette atmosphère plaisante. Elle me donne l’impression de me balader dans le décor d’un western moderne.

Au début de l’après-midi, le thermomètre affiche 37 degrés à l’ombre. A défaut de pouvoir nous réfugier dans un dugout, nous décidons d’aller chercher un peu de fraicheur au rayon frais du supermarché. C’est là-bas que nous faisons la connaissance d’une femme qui a illuminé notre visite de Coober Pedy. Elle se nomme Gaby, elle est française et elle a entamé une conversation avec nous après nous avoir entendu parler français. Gaby n’est pas une énième touriste venue visiter l’Australie profonde, c’est une Coober pédienne pure et dure. Elle a choisi de tout abandonner en France il y a plus de trois ans et elle vit désormais grâce à l’opale avec son mari, un Allemand, lui aussi mineur. Tous les deux habitent dans un dugout qu’ils ont creusé eux-mêmes. Gaby a sans doute été contaminée par l’hospitalité australienne puisqu’elle nous a gracieusement proposé de nous faire visiter son étrange demeure.

Le temps d’acheter quelques bières pour la remercier de sa gentillesse, nous mettons donc le cap vers un véritable dugout de mineur.

De l’extérieur, la maison de Gaby est en fait une colline, composé de quelques trous faisant office de fenêtres et de portes.

Autour de cette colline s’étale une quantité astronomique de trucs et de bidules. Des carcasses de voitures, des cuvettes de toilettes, des canapés déchirés, des plaques de cuisines, des pièces de moteurs, des vieux blowers rouillés…

Bref, un bric à brac à faire rêver un ferrailleur. Ce genre de décor est d’ailleurs assez typique de Coober Pedy, les Coober pédiens ne sont pas vraiment du genre à décorer leur maison avec des géraniums et des nains de jardins.

Nous pénétrons donc dans le dugout de Gaby. La première chose qui nous frappe, c’est la température.
La chaleur étouffante du dehors laisse soudainement place à une fraicheur tempérée avoisinant les 20°.

Le couple nous fait faire un rapide tour du propriétaire. Le salon, la cuisine, la salle de bain, la chambre.

Tout a été creusé dans la roche. Du coup, il faut reconnaître que l’endroit est un peu poussiéreux et relativement peu lumineux. Mais l’ensemble est tellement original qu’on en vient rapidement à l’oublier. On se croirait dans une maison de hobbit. La maison est déjà immense, mais le couple est bien décidé à l’agrandir. C’est l’avantage des dugouts. Pour agrandir sa maison, pas besoin de faire appel à un architecte. Il suffit de creuser ! Tout est possible : ajouter une pièce, un étage, un escalier. C’est presque aussi simple que dans Minecraft.

Passé la visite de la maison, Gaby nous emmène dans son atelier ou sont entreposés tous les outils servant à l’extraction d’opale.

Elle nous montre l’endroit où elle polit et taille les pierres trouvées par son mari ainsi que quelques opales.

A la fin de la visite Gaby sort d’une étagère un énorme bocal remplie d’opales sans valeur avant de nous dire « allez-y servez-vous, emportez un souvenir de Coober Pedy ». Elles sont peut-être sans valeur aux yeux des mineurs, mais pour quatre touristes comme nous, ces cailloux sont inestimables.

Nous passerons le reste de l’après-midi a écouter Gaby nous parler de sa vie, de Coober Pedy ainsi que des nombreuses anecdotes de mineurs. Par exemple, cette légende sur un mineur qui aurait un jour trouvé un squelette de kangourou entièrement opalisé. Ou encore l’histoire de ce groupe de mineurs accidentellement coincés au fond de leur mine pendant plusieurs jours, et qui, pour passer le temps ont décidé de continuer à creuser à l’aide d’un simple marteau. Le temps d’être secourus, les mineurs avaient déniché l’équivalent de plus d’un million de dollars en opale. Elle nous a également raconté l’histoire de ce pédophile notoire ayant abusé de plusieurs enfants sans jamais avoir été inquiété par la justice. Ce dernier ayant mystérieusement disparu, lorsque l’on demande aux locaux ce qu’il est devenu, ils répondent avec le sourire au coin de la bouche : « il y a beaucoup de trous à Coober Pedy. Un accident est si vite arrivé ». Je ne vais pas toutes vous les raconter car il y aurait de quoi écrire un recueil de nouvelles, mais qu’elles soit tristes ou drôles, toutes les histoires de Gaby furent passionnantes.

Une fois la nuit tombée, nous profitons de la fraicheur nocturne pour nous rendre sur le toit de la maison (autrement dit au sommet de la colline), pour profiter de la vue de Coober Pedy by night.

Dans un dernière élan de gentillesse, Gaby nous propose même de dormir sur son terrain. Nous acceptons volontiers et allons garer la voiture et le van aux côtés des vieilles carcasses de ford qui gisent dans le « jardin ». A coté d’elles, la Falcon de Maud semble comme neuve.

Le lendemain, nous remercions chaleureusement Gaby pour son hospitalité avant de nous remettre en route pour terminer notre visite. Au programme de cette matinée, la visite d’une église orthodoxe troglodyte…

… suivie d’une petite promenade au cimetière.

A Coober Pedy, même le cimetière est différent. Une tombe en forme de château-fort, une autre parsemé d’ours en peluche…

Et ma préférée : celle fabriqué à base de fut de bière et dont l’épitaphe indique « have a drink on me ».

C’est au cimetière que l’on se rend compte du multiculturalisme de Coober Pedy. Il y a des tombes catholiques, orthodoxes, musulmanes et aborigènes. Il y a des « Van Der Brook », des « Petrovic », des « Papadopoulos », des « Zimmermann » et autre « El Khaznadji »…

L’autre chose qui me frappe est l’âge de mortalité des Coober pédiens. Beaucoup de personnes enterrées ici ne dépassaient pas la soixantaine d’années. Respirer de la poussière toute la journée n’est sans doute pas très conseillé pour les poumons…

Notre visite continue par le « Big Winch », une colline surplombant la ville au sommet de laquelle se dresse une sorte de puits géant. On peut lire le mot « if » gravé sur un énorme seau.

C’est également sur cette colline que se trouve le seul arbre de la ville… Un arbre en fer.

Au même endroit, se trouve un lieu étrange. Un artiste contemporain a créé une série de sculptures surréalistes à base d’écrans de télévision, de claviers d’ordinateurs et de carcasses de voitures.

La ville de Coober Pedy est tellement remplie de trucs improbables que de voir un totem en clavier d’ordinateur ne nous surprend même plus.

L’après-midi, la chaleur nous pompe toute notre énergie. L’ombre est rare à Coober Pedy et à part les dugouts et le rayon yaourt de l’IGA (le supermarché local), il est difficile de trouver un peu de fraicheur. C’est pourquoi nous décidons de passer le reste de la journée à la piscine municipale, au milieu d’une armée de gamins surexcités. A la fin de la journée, notre couple de Belges décide d’aller s’exercer au « noodling », autrement-dit, ils vont fouiller dans les gravats des mines en espérant pouvoir trouver une opale miraculeusement oubliée par un mineur.

C’est apparemment déjà arrivé par le passé, mais nos deux Belges ne reviendront qu’avec quelques opales sans valeur. Quant à nous, nous préférons profiter de la piscine (et surtout de sa douche) jusqu’à la fermeture, avant de retourner à l’endroit où nous avions passé notre première nuit.

Le lendemain, nous quittons Coober Pedy pour nous rendre aux célèbres breakaways, l’endroit où ont été tournés tous les films cités plus haut.

Lorsque nous arrivons devant les points de vue qui permettent d’admirer cette partie si particulière du désert, je comprends pourquoi elle a su attirer autant de cinéastes.

On se croirait sur une autre planète. Les couleurs varient du jaune au orange, au rouge en passant par le blanc. Le silence règne. Même le cri ignoble des corbeaux australiens (ceux qui y sont allés savent de quoi je parle), est absent. Nous profiterons quelques instants de la beauté de ce paysage avant de rebrousser chemin.

Nous ferons un dernier arrêt à Coober Pedy pour faire le plein d’essence et de gaz, pour refaire les 500 km de Stuart Highway dans l’autre sens.

Nous avons roulé plus de 1 000 kilomètres dans le désert pour pouvoir visiter une simple ville, mais ça valait franchement le coup. L’ambiance qui se dégage de Coober Pedy est si particulière ! On se croirait dans une ville post-apocalyptique, un peu anarchiste. Elle donne l’impression que tout le monde fait un peu ce qu’il veut avec ce qu’il a. On dirait que la ville s’est construite sans aucun plan d’urbanisme, comme si chacun avait construit son petit bout de ville autour de sa maison, sans se concerter avec les autres. Les maisons, les routes, la décoration, tout semble désordonné. Certains pourrait trouver cette ville déprimante, moche ou ennuyeuse. Pour ma part, il s’agit de l’un de mes meilleurs souvenirs en Australie, en grande partie grâce à Gaby qui nous a offert un réel aperçu de la vie à Coober Pedy.

Je vais continuer mon voyage sur la côte sud puis rentrer en France, mais qui sait, peut être que dans quelques années je vais moi aussi tout plaquer pour aller chercher des cailloux au milieu de rien…

Pour ceux que ca intéresse : un reportage du journal de France 2 a été tourné sur Gaby et son mari.

Nathan

L'heureux gagnant du concours organisé par pvtistes.net et par conséquent ancien "reporter" en Australie

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(4)Commentaires

Hélène I |
J'étais passée à côté de cet article et comme tu y faisais référence dans ton bilan, je suis venue jeter un oeil et je ne le regrette pas du tout!
Carrément le genre de ville et d'aventure que j'ai envie de voir/vivre!
maïna I |
Gaby a décidé de tout abandonner il y a 3 ans pour partir en Australie avec son mari. Je suis curieuse de savoir comment elle a fait pour s'établir en Australie. Elle n'a pas l'âge requis pour le pvt donc il reste le permis travail je suppose, qui ne semble pas non plus évident à obtenir surtout quand c'est pour aller s'installer en tant que chercheur d'opale à Coober Pedy... Je sais que d'immigrer en Australie est très difficile (source: une amie canadienne qui a passé plusieurs années là-bas).

Du coup je serais intéressée d'avoir un retour de la part de l'auteur de cet article.. Ou bien de Gaby elle-même.
Renaud I |
super article comme d'hab sa ma donner envie de visiter cette ville
Julie I |
Merci pour ce récit Nathan ! C’est super que tu aies pu rencontrer Gaby et en apprendre plus sur Coober Pedy. Ma découverture de la ville a été beaucoup plus superficielle et je me rappelle qu’on m’avait recommandé de dormir (on dormait dans la voiture) près du commissariat parce que la ville était pas très « safe ». Au final aucun souci particulier mais pas une grande connexion avec les locaux, j’ai le souvenir d’avoir croisé quelques énergumènes dont j’ai pas osé m’approcher plus que ça.