Adapter sa routine éco-responsable à l’étranger n’est clairement pas une mince affaire et, qui plus est, dans un pays à la culture et à la langue si différente de la nôtre.
On pourrait avoir tendance à penser qu’adopter un mode de vie éco-responsable au Japon relève du miracle tant sa société de consommation est exacerbée. Pourtant, le respect de la nature fait clairement partie de l’ADN du Japon. Il existe de nombreuses « bonnes pratiques » typiquement japonaises que l’on ne connaît pas forcément et qui peuvent permettre de limiter son empreinte carbone.
Bien sûr, partir en PVT en avion à l’autre bout du monde n’est pas l’action la plus écologique qui soit, mais on essaie ici de vous présenter quelques trucs et astuces éco-responsables au Japon.
Le lien qu’entretient le Japon avec son environnement peut nous sembler, avec nos yeux d’Occidentaux, assez paradoxal. D’un côté, le pays a été qualifié de « cobaye de la pollution » pendant sa période de forte croissance économique des années 1950 aux années 1970, où le béton n’a cessé de couler dans les grandes métropoles nippones. De l’autre côté, qui n’a jamais vu un film d’animation japonais où la narration et les images consacrent une grande attention et sensibilité à la nature ?
En fait, la nature est une composante même de l’ordre social japonais.
Ici, les Hommes ne sont ni soumis, ni dominants face à la nature. Comme on peut le voir dans de nombreux films de Hayao Miyazaki, la nature ne peut et ne doit pas être contrôlée par les Hommes. Si elle peut être à la source de problèmes pour la population comme c’est le cas avec les catastrophes naturelles, c’est elle aussi qui permet la juste harmonie entre tous les éléments de l’écosystème.
Trois principaux facteurs peuvent expliquer cette croyance en la nature comme sujet à part entière de la société japonaise :
- La religion shintō. Si la recherche de la vie éternelle par l’accession au paradis dirige plusieurs cultures judéo-chrétiennes, la culture shintoïste, quant à elle, met l’accent sur l’éphémérité et les perpétuels recommencements des différents cycles de vie. De plus, le shintoïsme est une religion animiste où l’on croit qu’un kami réside dans chaque élément naturel (rochers, plantes, rivières, animaux, etc.), d’où l’importance de respecter la nature, et, par extension, les divinités.
- La géographie et la géomorphologie japonaises. Le fait que le Japon soit composé à plus de 75 % de montagnes et qu’il n’y ait aucune activité humaine sur 20 % du territoire crée des contrastes de paysages qui développent de nouvelles sensibilités.
- La fermeture du Japon à l’époque féodale. Puisque le nombre de ressources était très limité à cette période, l’économie circulaire était déjà adoptée. Par exemple, on réutilisait l’eau du riz.
De manière anachronique, on pourrait aussi ajouter comme facteurs explicatifs certains événements tragiques de l’histoire du Japon, tels que les bombardements atomiques de la Seconde Guerre mondiale, la catastrophe de la baie de Minamata ou l’accident nucléaire de Fukushima. Ces tragédies ont pu être perçues comme des conséquences de la violence des Hommes arrogants ayant voulu contrôler la nature.
Plusieurs concepts japonais incarnent cette sensibilité à l’égard de la nature et de la lutte contre le gaspillage :
- Mottainai (勿体無い): expression populaire qui signifie « Quel gaspillage ! ». Ce concept est intégré dans la culture nippone (il est impoli de laisser un grain de riz par exemple).
- Satoyama (里山) : mot composé de « sato » (village) et de « yama » (montagne) qui qualifie les territoires intermédiaires entre l’artificiel des villes et le naturel des écosystèmes. Une rizière est par exemple un « satoyama » puisqu’elle oscille tantôt entre un paysage utilisé et transformé par l’homme pour cultiver le riz, tantôt entre un élément naturel au printemps, où vivent en harmonie poissons et libellules.
- Les kigo (季語) : mots et expressions associés à une saison spécifique, notamment dans les haïkus, poème de trois vers japonais. Par exemple, uguisi (le rossignol) désigne le début du printemps et inekari la récolte du riz (et donc l’automne).
- Wabi-sabi (侘寂) : concept esthétique hérité du bouddhisme zen, il s’agit de mettre en valeur les failles d’un objet que l’on pourrait considérer comme des « imperfections » (une tasse ébréchée par exemple). Wabi désigne la solitude, la simplicité, la mélancolie, la beauté dans sa forme la plus modeste tandis que sabi signifie l’altération naturelle par le temps. C’est une conception hédoniste qui prône un retour à l’essentiel et une forme de minimalisme, en mettant un accent sur la notion de beauté et de temps qui passe.
Entre la théorie et la pratique : quelle est la situation actuelle du Japon concernant la protection de l’environnement ?
Pionnier en matière de législation sur l’environnement, le Japon publie des livres blancs dès les années 1950 et tente de mettre en place le principe du pollueur-payeur.
Hôte de nombreux événements internationaux (COP 3 à Kyoto en 1997, Conférence mondiale sur la biodiversité à Nagoya en 2010, réunion du G7 sur le climat, l’énergie et l’environnement à Sapporo en 2023, etc.), le Japon réitère de nombreuses fois ses engagements concernant la réduction des gaz à effet de serre.
Plusieurs lois sont faites, mais ne sont pas contraignantes et ne proposent aucune sanction, comme celle contre les microplastiques. En bref, concernant l’émission des gaz à effet de serre, les objectifs de réduction sont considérés comme insuffisants. Étonnamment, ce sont principalement les grands industriels qui demandent la transition écologique et qui tentent de faire pression sur le gouvernement.
Aujourd’hui, que peut-on dire de la situation du Japon vis-à-vis de la protection de l’environnement ?
Comme dans chaque pays, il y a du bon et du moins bon.
D’un côté :
- Le Japon est le deuxième plus gros consommateur de plastique au monde et le sixième émetteur mondial de CO2.
- Il y a énormément de suremballage dans les supermarchés.
- L’empreinte écologique des Japonais est supérieure à la moyenne mondiale.
- La capacité japonaise de stockage des déchets étant limitée, plus de 40 % d’entre eux sont enfouis. Certains quartiers tels qu’Odaiba sont construits sur des déchets.
- Le Japon pêche 80 % du thon rouge de l’océan Pacifique.
- Un Japonais consomme 200 sacs plastiques par an en moyenne.
De l’autre :
- 46 % de la surface du territoire sont placés sous protection.
- Il existe 30 parcs nationaux, 56 parcs quasi nationaux et 315 parcs préfectoraux protégés.
- Le Japon est l’un des pays au monde qui recycle le plus (devant la France).
- Le vélo est l’un des modes de transports les plus utilisés.
- L’économie circulaire est extrêmement favorisée.
- Il y a beaucoup d’initiatives eco-friendly à l’échelle locale (qu’on présente par la suite !). Les Jeux Olympiques 2020 ont également mis en place de nombreuses actions pour diminuer leur empreinte carbone (podium et médailles fabriqués à partir de matériaux recyclés par exemple).
(1)Commentaire
Je me permets de répondre à cette discussion car j’envisage de réaliser un PVT au Japon dans un futur proche et l’aspect écologique / environnemental, un sujet qui me tient à cœur, n’est pas forcément compatible avec ce projet. C’est pourquoi je me renseigne autant que possible pour rendre cette expérience la plus compatible avec mes valeurs.
La première chose à dire c’est que l’écologie touche à une multitude de sujets (limites planétaires, justice sociale, paradigme économique, …) que je ne peux clairement pas traiter dans leur globalité. Je vais donc me concentrer sur un sujet que je maitrise relativement bien et qui à mon sens peut être analysé et traité par chacun d’entre nous : les émissions de gaz à effet de serre (GES). Rapide, et sans doute trop simpliste, rappel sur pourquoi les GES sont reliés à l’écologie. Les GES sont des gaz qui ont la particularité physique « d’emprisonner » les rayonnements solaires et donc la chaleur qu’ils émettent. Ainsi, plus la concentration de ces gaz est importante et plus l’atmosphère se rechauffe. Ce réchauffement global à l’échelle de la planète (qu’on appelle aujourd’hui le changement climatique) provoque de gigantesques bouleversements rendant la vie de tous les êtres vivants de plus en plus compliquée sur Terre : vague de chaleur extrême, acidification des océans, fonte des glaces, … Aujourd’hui l’objectif mondial est de limiter au maximum ce réchauffement (et donc les émissions de GES) à +2°C en moyenne sur la planète en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle.
Bien que le problème possède une dimension systémique (à l’image d’un gigantesque système complexe à reconstruire dans tous ses aspects : économique, politique, sociale, …), je pense sincèrement que nous avons tous un rôle à jouer, notamment grâce à un outil : l’empreinte carbone. L’empreinte carbone c’est compter les émissions de GES (en tonnes de CO2eq) liées à notre consommation. Derrière nos déplacements, nos repas, nos loisirs, etc, ce sont des combustions (et donc des GES émis) qui ont eu lieu pour produire tous ces biens et services : construction des infrastructures, carburant brulé pour nos déplacements, chauffage, production des denrées alimentaires, … Une empreinte carbone peut être calculée à l’échelle de la planète, d’un continent, d’un pays, d’une entreprise, …, ou d’un individu. Pour parvenir à respecter l’objectif des +2°C d’ici 2100, chaque humain doit avoir une empreinte carbone maximum d’environ 2 tonnes avant 2050, tandis qu’un français ‘’moyen’’ possède en 2021 une empreinte d’environ 10 tonnes…
Calculer son empreinte carbone c’est comprendre l’impact carbone de nos consommations mais surtout de pouvoir ensuite changer ses habitudes pour le réduire et tendre vers l’objectif des 2 tonnes. Plus jeunes, nous avons tous eu des parents nous reprochant de polluer car nous avions oublié d’éteindre la lumière, ce qui est vrai. Toutefois, manger 300 grammes de bœuf émet autant de CO2eq qu’une ampoule (10W) allumée pendant … 1 an et demi. Ainsi, ce petit exercice calculatoire permet de comprendre que toutes nos habitudes n’ont pas le même poids en termes d’émissions. Ainsi, parmi les nombreux écogestes qui sont importants à mettre en place, je vais plutôt me concentrer sur les plus impactant en termes de réduction d’émissions, qui pour la majorité sont à généraliser dans la vie de tous les jours.
Aller au Japon : La majorité des personnes voyageant au Japon le font en avion. Pour comprendre le problème de cette pratique, je reviens sur l’empreinte annuelle de 2 tonnes qu’il faudrait atteindre pour respecter l’objectif des +2°C. L’empreinte d’un aller-retour Paris-Tokyo en 2nde classe varie de 2,6 tonnes à 3,9 tonnes selon le modèle utilisé (3,9 tonnes étant la valeur la plus actuelle selon les derniers travaux scientifiques). Quel que soit le modèle, l’empreinte est supérieure à l’objectif annuelle sur uniquement ce trajet en avion. Il y aurait tant à dire sur le sujet, mais il est clair que cette pratique n’est pas soutenable si l’on souhaite préserver le climat. La seule chose à faire pour limiter les émissions lors d’un vol est de choisir la seconde classe et d’éviter tous les trajets comportant des escales. Et ne vous faîtes pas avoir par les vols qui sont soi-disant neutres en carbone / compensés en carbone : cette information est extrêmement controversée si ce n’est complètement fausse. Quelles sont alors les alternatives à l’avion pour limiter ses émissions ? Malheureusement, à moins d’avoir la capacité et le temps de réaliser le trajet à vélo (une poignée de personnes ont déjà fait un tel voyage) ou en covoiturage, elles ne sont pas évidentes à identifier. Certains pourraient argumenter que le Transsibérien (train russe) ou que certains cargos permettent de relier l’Europe au Japon tout en limitant les émissions et le temps de trajet (quelques semaines), mais ayant étudié la question, les résultats en termes d'émissions sont loin d’être évidents. Je pense d’ailleurs écrire un article à ce sujet. L’option du Transsibérien pourrait devenir une solution décarbonée si la Russie transformait son mix électrique (actuellement majoritairement fossile), sans même parler des tensions géopolitiques actuelles qui peuvent freiner les voyageurs.ses à transiter par le pays.
Manger : Cette fois-ci j’ai bien des solutions : limiter drastiquement la consommation de viandes, notamment celles des ruminants (bovin, ovin, caprin), c’est-à-dire le bœuf, le veau, l’agneau, le mouton, ... En effet, en raison de leur système de digestion produisant du méthane, ces viandes (communes) sont les plus émettrices en termes de GES. En comparaison, la viande de poulet (une des viandes les moins émettrices : ~ 5kg CO2eq / kg de viande) est environ 6 fois moins émettrice en GES par rapport aux viandes précédemment citées (~ 30 kg CO2eq / kg de viande), mais qui est dans le même temps environ 5 fois plus émettrice que des légumes ou céréales (~ 1 kg CO2eq / kg de denrée). A noter que dans viande j’inclue également le poisson. Cette limitation de viande peut constituer un réel sacrifice pour certains, notamment dans le cadre d’un séjour au Japon, dont la cuisine carnée est très appréciée. Ma solution ? Le fléxitarisme ! C’est-à-dire ne pas arrêter la consommation de viandes mais la limiter de manière significative et prioriser selon les émissions de GES des viandes.
Avant de parler des deux prochains et derniers écogestes, il faut évoquer brièvement la situation énergétique actuelle au Japon. Suite à l’accident nucléaire de Fukushima, le pays a décidé de fermer la quasi-totalité de ses centrales nucléaires. Le Japon a donc dû remplacer cette production, en majorité par du gaz et du charbon, des énergies à fortes émissions de GES. Ainsi, l’électricité produite au Japon (~ 500 gCO2eq / kWh) est environ 8 fois plus émettrice que celle produite en France (~ 60 gCO2eq / kWh). Il faut donc faire attention aux idées que nous avons des services électriques qui seraient peu émetteurs du fait qu’ils le sont en France : ce n’est pas forcément le cas au Japon.
Se déplacer au Japon : Privilégier le vélo et la marche pour vous déplacer. La question se pose ensuite pour les plus longues distances. En ville, si le vélo n’est pas possible, le métro reste une meilleure option que le bus. Pour les très longues distances (rejoindre une autre ville par exemple), je pose le classement suivant du moins émetteur au plus émetteur (avec un calcul ‘’grosse maille’’) :
Remarque : comme évoqué, le classement change en France : les transports électrifiés seront beaucoup plus performants.
Se chauffer : Au japon, une majorité des logements sont chauffés soit au gaz, soit chauffés et climatisés avec des pompes à chaleur (PAC), PAC qui peuvent sembler écologiques du fait de la performance énergétique du dispositif. Toutefois, en raison du mix électrique japonais, ce dispositif est beaucoup plus émetteur qu’en France. Ainsi, une PAC au Japon émettrait à peu près autant qu’un chauffage au gaz (~ 200 gCO2eq / kWh), rendant ainsi le chauffage et la climatisation des logements très émetteurs quel que soit la technologie. Ma recommandation : limiter au maximum le chauffage (19°C) et la climatisation (26 °C) et l’arrêter lorsque cela n’est pas utile : la nuit sous la couette, ou en utilisant un ventilateur l’été, couper en journée lorsqu’on est dehors, …
Comme indiqué plus haut, ces conseils ne sont pas seulement à appliquer pour le Japon mais dans la vie de tous les jours. Il y a surement plein de conseils spécifiques au Japon (comme l’usage du plastique évoqué par Camille qui est adapté au pays) mais ceux que je viens de citer font partie des écogestes les plus impactant en termes de réduction des émissions de GES.
Ci-dessous : un tableau qui estime le potentiel de réduction par rapport à un.e PVtiste ‘’sans engagement de réduction’’ qui émettrait entre 15 et 20 tonnes de CO2eq durant son année au Japon. Pour les 4 thèmes abordés, j’ai mis une description brève du comportement adopté avec 3 niveaux d’engagement : modéré, engagé et superman (comportement idéaliste mais moins réaliste).
Pièce jointe 35617
Ainsi, en appliquant des comportements réalistes, on peut réduire d'environ 4,9 à 6,5 tonnes ses émissions sur seulement 4 comportements. Toutefois, comme on peut le voir, même avec cette réduction, l’empreinte serait encore supérieure à 10 tonnes, ce qui est encore très loin de l’objectif de 2 tonnes. Malheureusement, comme vu précédemment le vol aller-retour en avion est déjà deux fois plus élevé que cet objectif. Mon propos ici n’est pas de culpabiliser les différents.tes voyageurs.ses, mais plutôt de faire comprendre que ce genre de voyage n’est pas soutenable pour le climat. Toutefois, pour nuancer, l’objectif de 2 tonnes n’est pas pour aujourd’hui mais d’ici 2050 (même si le plus tôt sera le mieux !). Certains spécialistes comme Jean-Marc Jancovici estiment qu’en limitant le nombre de vols par être humain à 4 dans une vie, l’objectif des +2°C pourrait être respecté. Le PVT constitue ainsi un formidable moyen de maximiser le temps passé dans un lieu et de limiter ainsi les futurs nouveaux voyages. C’est d’ailleurs pour cette raison que je me suis intéressé au PVT : plutôt que de passer 3 mois au maximum au Japon et d'être frustré de ne pas avoir vu assez de choses, le PVT offre un an, ce qui laisse suffisamment de temps pour découvrir le pays, et donc de ne pas éprouver par la suite le besoin d’y revenir.
Enfin, le conseil universel à appliquer pour limiter ses émissions de GES est celui de la sobriété : consommer uniquement ce qui nous est nécessaire.
Désolé pour ce pavé, il y a tellement à dire sur ce sujet =)
またね !
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