Contexte actuel et chiffres
Dans un pays où le Christianisme (31,6 %) et le Bouddhisme (24,2 %) sont les religions dominantes (incluant une grande partie de personnes sans religion), l’Islam est très peu représenté. Pourtant, la communauté musulmane est belle et bien présente sur le sol coréen et elle grandit un peu plus chaque année.
En 2014, on estimait la population musulmane de Corée à 0,2 %, soit environ 100 000 personnes à travers le pays, dont 70 à 80 % d’étrangers (Asie du Sud – Bangladesh, Singapour, Malaisie – Moyen-Orient, Emirats, Oman, Iran…). Aujourd’hui, même si aucun recensement récent n’a été réalisé par le gouvernement coréen, on peut observer une nette augmentation de cette communauté en Corée. Selon la Fédération Musulmane de Corée (KMF), elle aurait presque doublé depuis, notamment auprès des coréens natifs qui représentent aujourd’hui un quart de la population musulmane du pays.
À cela s’ajoute le va-et-vient des touristes de confession musulmane, de plus en plus nombreux à visiter Séoul. Selon le KTO, en 2016, ils étaient 33 % de plus que l’année précédente, soit 1,2 millions de visiteurs musulmans pour l’année 2017.
Partant de ce constat, le pays multiplie les restaurants certifiés halal et les lieux de prière. Des campagnes de promotion sont également mises en place à destination des touristes musulmans et des chaînes spécialisées YouTube commencent à voir le jour. Nous aborderons tous ces points en détails dans ce dossier.
Un peu d’histoire
Pour comprendre les liens si particuliers qui existent entre les coréens et l’Islam, il faut revenir quelques dizaines d’années en arrière.
C’est au IXème siècle que le tout premier contact a eu lieu entre les coréens et la religion musulmane par l’intermédiaire de commerçants arabes et persans. Ils furent néanmoins très brefs.
En 1427 (ère Joseon), le peu de musulmans résidant dans le pays dû faire profil bas, puisqu’un décret royal interdisant la pratique des rituels islamiques et des costumes traditionnels fut publié. Cette politique, dite isolationniste, visait à limiter volontairement les échanges avec les pays étrangers.
Ce n’est que durant les années 50, lors de la guerre de Corée (1950-1953), que l’Islam a commencé à s’installer durablement dans le pays. Outre les troupes américaines, ce sont plus de quinze mille soldats turques volontaires qui se sont battus aux côté » des troupes coréennes. Cette sombre partie de l’histoire aura marqué à jamais les coréens dans leur chair qui considèrent, aujourd’hui encore, les turques comme leurs “frères d’armes et de sang ».
Malheureusement, en 2007, la crise des otages en Afghanistan, durant laquelle des talibans ont retenu en otage 23 missionnaires coréens dont 2 ont été tués, a bousculé les mentalités. Certains coréens sont ainsi devenus méfiants envers l’Islam.
Pour autant, les sentiments « anti-musulmans » ont presque disparu aujourd’hui et la jeune génération a beaucoup moins d’a priori. Si ce n’est une méconnaissance de la religion musulmane.
1955 : Election du premier Imam coréen. 1967 : Fondation de la Korea Muslim Federation (KMF). 1970-1976 : Construction de la première Mosquée, la Seoul Central Masjid (서울 중앙성원), avec l’aide de la mission islamique de Malaisie et du gouvernement coréen. Elle s’est encore agrandie en 1991.
Le quartier musulman de Séoul
C’est principalement dans la capitale, dans le quartier multiculturel d’Itaewon, qu’est regroupée une majorité de la communauté musulmane, notamment une majorité originaire du Pakistan, de l’Ouzbékistan, du Bangladesh, ou encore de la Turquie.
La « Muslim Street », appelée aussi « Village Musulman », ou Usadan-ro (우사단로 ), est une rue en pente jalonnée de restaurants, de boucheries et épiceries halal, ou encore de boutiques de confiseries turques. Elle mène tout droit à la Mosquée centrale de Séoul où se pressent quelques 800 fidèles (coréens et non-coréens) chaque vendredi. Les lectures y sont faites en arabe, anglais et coréen. L’Imam de cette Mosquée est un converti coréen, Abdul-Rahman Lee.
Seoul Central Masjid (서울 중앙성원)
732-21, Hannam2-dong, Yongsan-gu, Seoul
Être étranger et musulman en Corée
Il faut bien garder à l’esprit une chose : la première chose que l’on pensera de vous en Corée, c’est que vous êtes un « étranger ». Point. Cela inclut donc de parler une autre langue, de manger différemment, de s’habiller différemment et aussi, éventuellement, d’avoir une appartenance religieuse différente. Cette différence est donc comprise et acceptable dans sa globalité… en théorie.
En temps que simple touriste de passage, et si vous vous êtes bien informé avant votre séjour (sur les adresses halal, les lieux de culte, etc …), vous ne devriez pas rencontrer de difficulté majeure. Au pire, vous ferez parler les curieux.
Ainsi, si vous êtes une femme musulmane, vous pourrez porter le voile sans crainte, même à l’université si vous décidez d’y suivre des cours de coréens. En effet, il n’est pas rare du tout de voir des étudiantes voilées, dont une majorité de Malaisiennes et de Singapouriennes. Cela attirera peut-être les regards, mais ça sera aussi l’occasion d’ouvrir la discussion. Les Coréens ont souvent très envie d’apprendre des autres cultures.
La difficulté majeure risque de se trouver au travail, lorsque l’on vous conviera à des « hoesik », ces rencontres régulières entre collègues où l’on boit et l’on mange pour créer des liens. Il faudra simplement être très clair dès le début en disant que vous ne buvez pas d’alcool, mais que vous êtes heureux de partager un moment avec eux, même si vous ne buvez pas ou que vous commandez un autre plat. Le plus important c’est l’intention, le geste : trinquer et manger tous ensemble. Et, une fois de plus, vous serez facilement « excusé » étant donné que vous n’êtes pas Coréen.
Pour la plupart des musulmans, le plus gros soucis se pose au niveau de la nourriture. Comment manger halal et éviter le porc dans un pays ou même les bouillons sont souvent faits à base de gélatine… de porc ! Mieux vaut donc apprendre à lire le coréen et à repérer quelques mots, car même les employés des magasins ne seront pas toujours très fiables quand vous leur poserez la question. Heureusement, le gouvernement met de plus en plus de chose en place pour adapter la nourriture aux visiteurs et résidents musulmans.
Dans la deuxième partie de ce dossier, nous vous proposerons une liste de restaurants “muslim friendly” ainsi que des suggestions de plats coréens 100 % végétariens.
Retrouvez les témoignages de Badran et Yeliz, tous deux musulmans, ayant vécu en Corée dans le cadre du PVT.
Les musulmans coréens
Si vous connaissez un temps soit peu la culture coréenne, vous pouvez imaginer que faire partie de la minorité musulmane coréenne n’est pas chose facile.
Dans une société largement dominée par le confucianisme où le système de hiérarchie et la culture de l’alcool sont rois, difficile parfois pour un musulman coréen d’y trouver sa place sans risquer d’être exclu du groupe. Sans oublier que les Coréens sont de gros consommateurs de viande, notamment de samgyeopsal (poitrine de porc grillée), qui s’accompagne souvent de soju (alcool local) et de bière. Ne pas boire d’alcool ni partager le même repas, c’est ne pas « accepter » d’entrer dans le groupe. Ce qui est très mal perçu et difficilement compréhensible de la part de l’un des « leurs », contrairement à un étranger. Cela peut avoir une vraie influence sur les relations, notamment dans le contexte professionnel.
Malgré de réelles difficultés d’insertion, de plus en plus de Coréens se convertissent à l’Islam. Cette décision est souvent guidée par une recherche de « liberté et d’équité ». Les Coréens convertis mettent souvent en avant le concept « d’égalité entre les hommes », alors que la société coréenne fait beaucoup de distinctions selon l’âge, le sexe, le statut. Même les femmes coréennes s’étant converties disent se sentir plus « libres ».
Ne pas boire d’alcool, ne pas manger de porc, porter le voile, s’absenter à heure fixe pour aller prier, sont autant de choses qui peuvent être incomprises et difficiles à mettre en place dans la vie de tous les jours à l’heure coréenne. C’est la raison pour laquelle, beaucoup de Coréens de confession musulmane le cachent encore à leur entourage ou peine à être de vrais pratiquants.
Néanmoins, les mentalités évoluent et la communauté musulmane coréenne peut compter sur l’influence des jeunes musulmans convertis, qui affichent de plus en plus ouvertement leur appartenance religieuse et qui tentent de faire tomber les à priori, notamment via les réseaux sociaux.
Depuis quelques années, de plus en plus de chaînes YouTube et comptes Instagram fleurissent sur le sujet. Des étrangers en Corée ou de jeunes coréens convertis parlent de leur vie quotidienne et partagent leurs bons plans sur Internet, à visage découvert, comme des porte-étendards, des représentants d’un nouveau « mouvement ».
En voici une petite sélection :
Cette chaîne YouTube, créée en partenariat avec l’Office du tourisme de Séoul, propose une série de vidéos sur les restaurants Halal de la capitale « From Kebab to Kebab » (en coréen sous-titré en anglais et en arabe).
Originaire du Yemen, Sohila a passé les 5 dernières années à Séoul où elle a étudié à l’université. Elle apparaît dans la campagne de promotion “Muslim-Friendly Korea » de l’Office du tourisme coréen.
Chearim est une jeune coréenne qui revendique sous appartenance à l’Islam. Depuis 2013, elle fait des vidéos sur YouTube en coréen et en arabe.
La chaîne d’une jeune malaisienne qui propose des vlogs de restaurants halal à Séoul.
Bora est une jeune Coréenne et influenceuse convertie à l’Islam depuis 2007. Elle a su faire du voile un accessoire de mode. Très engagée sur le plan religieux, elle donne des conférences à la Mosquée de Séoul à ceux qui souhaitent en savoir plus sur l’Islam.
Ce jeune Coréen musulman de 22 ans a récemment ouvert une chaîne YouTube pour faire des vidéos culturelles et « réactions », notamment sur la nourriture halal en Corée.
(1)Commentaire
Merci et bonne journée️😇
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