1. #1
    Avatar de Lilou
    Julie

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    Avant ?
    J-1
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    Jour 2

    Jour 3 - Le corps est la, l'esprit pas...

    Hier soir j’ai cédé ! J’ai installé la natte en mousse trouvée le premier jour dans la salle des accessoires, et laissée jusque la de côté pour dormir comme tout le monde « à la dure ». Mais deux nuits bien trop courtes suivies de journées sur les rotules, me font transgresser une règle de plus (même si officiellement, les gens qui ont des problèmes de dos sont autorisés à mettre ce genre de natte sur leur lit...).
    Je dors mieux et le réveil à 4h se passe plus en douceur ce matin ! Peut-être aussi que je m’habitue…

    Il reste difficile ceci dit, de rester éveillé pendant la première séance de méditation. Je suis le cours de yoga dans son intégralité, je me force à lutter contre mes yeux qui se ferment et je finis par me demander si mon rythme nuit, sieste-yoga, sieste-petit-déjeuner, sieste-déjeuner, sieste-thé n’est pas responsable de ma fatigue permanente. Je décide qu’aujourd’hui, je ne dormirai pas pendant la journée ! Et effectivement, je sens nettement la différence, j’arrive mieux à me concentrer, même si c’est toujours assez difficile de faire le vide dans ma tête (essayez de ne penser à rien d’autre qu’à votre respiration !). J’expérimente de nouvelles méthodes.

    Je compte chaque respiration, 1…2…3, je visionne une sorte de barre verticale, que je remonte en inspirant, que je descends en expirant. Ce n’est pas très concluant, mais tout de même plus qu’hier. Disons que je suis un peu dans le flou, je ne sais pas exactement ce que je dois ressentir, qui sait, peut-être que j’y arrive, peut-être que j’en attends trop, peut-être que ce que j’imagine devoir ressentir n’est pas, en réalité, ce qui doit (va ?) se produire…

    Au petit-déjeuner, en plus de mes habituelles bébé-bananes adorées, de la nourriture pour tortue et de la mixture de riz aux vertus constipatrices semblerait-il puisque du thé « spécial » - apparemment imbuvable – vient d’être disposé près du buffet, j’ai la bonne surprise de découvrir des crackers. Je crains qu’ils soient trop ceci, trop cela, au soja, épicés et qu’une fois de plus, ce repas se fasse sans sourire, mais non ! Ils sont natures, ils sont bons, *m*o*m*e*n*t* *d*e* *b*o*n*h*e*u*r*…

    Ça fait du bien de manger quelque chose qui a une texture différente de tout ce qui nous est servi ici. Vous devez trouver ça futile que je m’étende tant sur le sujet, mais ça fait partie intégrante de l’expérience même si bizarrement je ne souffre pas trop de ce changement culinaire – moi qui aime tant manger. Je m’y fais, je m’y suis résolue, disons juste que tout ceci rend cruellement fade quelque chose qui rime habituellement avec plaisir.

    On a aujourd’hui la possibilité de rencontrer un moine, une nonne ou un professeur pour parler un peu de notre début de parcours et des difficultés que l’on rencontre. Parfait ! Je choisis le professeur qui nous a expliqué qu’il était quasiment impossible – surtout pour des débutants – de faire le vide complet dans sa tête et qui nous conseillait de rester patient – le professeur qui, en d’autres termes, m’a donné espoir, hier, de réussir un jour à méditer. Rendez-vous fixé à 3h30, pendant la walking méditation (quel dommage…).
    Comme toujours, le cours de Loving kindness m’est très bénéfique. Aujourd’hui, pour la première fois, je me sens partir, au son de la voix de la nonne. Son désormais fameux « breathe in… breathe out » me guide, m’apaise et j’arrive, le temps de quelques secondes (comment savoir précisément ?) à m’évader.

    Seulement, réussir à faire quelque chose de différent provoque en moi un sentiment d’excitation, qui, immédiatement, me fait sortir de mon état de bien-être, que je ne parviendrai pas à atteindre à nouveau aujourd’hui…
    Pendant ce cours, elle parle de la souffrance qu’engendre la perte d’un être aimé. Elle nous demande de visualiser l’image de nos parents et ajoute qu’une fois partis, ils seront toujours près de nous, dans notre esprit et qu’il n’y a donc pas lieu d’être triste. Facile à dire… Déjà qu’ils me manquent… Ses propos provoquent un froncement de sourcils sur mon visage, une crispation de mes traits, je pleure… En silence…

    Pendant la pause, je vais sur mon lit, bien décidée à méditer, en position allongée mais de façon sérieuse – cette fois ! En une seconde, me voilà déconcentrée et plongée dans un fou rire que je ne contrôle pas, que je tente d’atténuer tout de même pour ne pas déranger mes voisines, mais que je ne parviens pas à stopper. Je pense à un jour, il y a une dizaine d’années, où mon père devait venir me chercher, comme il le faisait deux samedis par mois.

    Quelqu’un sonne à la porte ce jour là et je me demande « Tiens ! Qui ça peut être ? », je mets mon œil dans le judas et vois un homme, la tête baissée, et qui porte un bonnet. Je me tourne vers ma mère et dis « maman, y a un mec chelou à la porte ». Etonnée, elle vient regarder à son tour qui est là, me regarde d’un air surpris et me dit « bah… c’est ton père ! ». Anecdote qui me fait normalement sourire, et qui me plonge aujourd’hui dans un éclat de rire incomparable ! Je n’arrive pas à m’arrêter, ça fait du bien, si vous saviez !!!

    Je pense qu’ici, tous les sentiments de joie sont décuplés. Ce matin, par exemple, un des participants, en achetant du produit anti-moustiques à la petite boutique du temple, s’est vu demandé 270B alors qu’il en avait à peine pour quelques bahts et qu’il devait combler un crédit fait la veille, inscrit sur une feuille (250 : 120). Il demande pourquoi il doit payer autant et l’employé lui montre les 250B inscrits sur la feuille. Il sourit et dit « ah non mais ça, c’est mon numéro de chambre ». Banal ? Pas drôle ? Je peux vous dire que les cinq personnes assistant à la scène se sont mises à rire, sûrement ravies de pouvoir exprimer une émotion autre que la tristesse, l’ennui, le désarroi, sentiments les plus fréquents ici, je pense.

    Après ce fou rire souvenir, je m’endors comme une crêpe…

    Point intéressant étudié cette après-midi ! La nonne nous dit que lorsqu’on parle, on ne s’écoute pas soi-même. Ceci expliquerait peut-être cela… En ne parlant pas, je me soumets toutes ces choses dont je ne parle pas à Camille, à Olivier. Je m’en soumets peut-être même plus puisqu’elle dit qu’en ne parlant pas, on est plus à l’écoute de soi. La conséquence reste que dans mon esprit, tout est sens dessus dessous, et que l’épreuve de concentration devient mission impossible. Je crois que je n’ai pas ma place ici. C’est étrange car je me sens bien, je ne ressens aucun stress, je ne m’ennuie pas – contrairement à Camille qui a tourné en rond le premier jour surtout – je n’ai que des pensées positives mais je n’oublie pas que je ne suis pas là pour avoir ce genre de pensées, pour revendiquer avec plus de force encore ma vie sans méditation, sans Bouddhisme. Tout ceci fait que je me sens en décalage avec ce qui m’entoure, ceux qui m’entourent et que je rêve de me téléporter dans le futur, au 11 août, même si, je le répète, mon séjour ici se passe très bien…

    Pendant le déjeuner, une séance de groupe avec un moine nous est proposée. Seules quelques personnes viennent, ça m’étonne assez – mais c’est une bonne opportunité pour les présents de puiser un maximum d’informations du discours du moine. Il est Anglais, assez maigre et il ne me met pas à l’aise. Il ne regarde personne dans les yeux, pendant les premières vingt minutes du moins. Ses propos sont denses, maîtrisés, aucun mot n’a l’air d’être dit au hasard, à la légère, même si son débit de paroles est rapide.

    Il a l’air blasé… mmh je dirais plutôt qu’il est sarcastique mais sa nonchalance donne l’impression qu’il est là, qu’il pourrait être ailleurs, qu’il s’en fiche un peu, qu’il ne se sent pas foncièrement bien, comme s’il avait laissé tomber. Difficile de décrire ce que son corps dégage, plus que ses propos par eux-mêmes. C’est un plaisir de l’écouter répondre à nos questions. A l’une d’entre elle, il affirme qu’en effet, fumer des joints aide à méditer mais il ajoute que sans être artiste, on ne peut pas peindre, même avec une drogue, quelle qu’elle soit, dans les veines.

    Pendant la seconde walking méditation du jour, je me rends à mon entretien. J’explique au professeur que je n’y arrive pas, que je ne sais même pas ce que je dois ressentir. Il me dit qu’il faut être patiente, que ça va venir et que généralement les bienfaits de la méditation se ressentent une demi-heure, une heure après, pas instantanément, comme je le pensais. Je lui demande si tous les participants parviennent toujours à méditer au bout de dix jours – non !

    Je vais ensuite dans ma chambre gribouiller quelques notes sur mon calepin, oui, quelques notes seulement car je n’arrive pas à écrire ici. Initialement, nous ne sommes pas censés écrire quoique ce soit – lettre, journal intime entre autres - mais le professeur avec lequel Camille a passé son entretien d’entrée au temple, lui a dit qu’elle pouvait écrire une sorte de journal si elle considérait que ça n’entravait pas son processus de méditation.

    Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde me concernant, vous vous en doutez, mais je me trouve sans force, sans courage, sans réelle envie même, d’écrire pendant les pauses et même lorsque je prends mon stylo, décidée à faire ce que j’adore faire, je n’y parviens pas, les mots ne coulent pas.
    Fatigue ? Ordre de mon corps de ne faire aucune activité divertissante dans un contexte focalisé sur le « Dukkha » ? Je sais juste que c’est assez frustrant et qu’aujourd’hui, 3 août, ma vie n’est faite d’aucun divertissement, si ce n’est de découvrir un cracker sur le buffet, de relever les fausses notes faites par le moine-chanteur, d’observer la Fée Clochette faire sa Mary Ingalls devant la salle de méditation…

    J’écris donc rapidement des mots, des phrases, des smileys, qui me permettront, une fois sortie du temple, de pouvoir mettre par écrit mes impressions.
    Rien à ajouter sur cette fin de journée, semblable aux précédentes... Je vais me coucher une heure en avance. Certains penseront peut être que je ne joue pas le jeu, c’est vrai, mais a l’heure qu’il est, je sais pertinemment que je n’ai aucun intérêt a rester dans la salle de méditation alors que d’une part, je m’endors et que d’autre part, l’exercice ne fonctionne pas…

    La suite ?
    Jour 4
    Jour 5
    Dernière modification par Lilou ; 18/02/08 à 07:26.

  2. #2

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    Trés intéressant tes récits! Cela donne matière a réflexion!
    Je pense au contraire que ton séjour commence à porter ses fruits. Il est clair qu'en 10 jours tu n'atteindra pas le Nirvana, mais tu commence à mieux apprécier les plaisirs simples de la vie:
    -Un plat plus copieux que d'habitude (crackers) alors qu'en temps normal tu les aurais mangé sans réellement apprécier;
    -Un instant drôle avec fou rire: cette retraite permet de chercher les rares instants de bonheur disponibles et d'en profiter un maximum( vieux souvenirs marrants qui ressurgissent, éclats de rire pour des futilités innocentes) bref l'esprit veut se focaliser sur ce qui est bien et non plus rabacher la mauvaise humeur avec les mauvais souvenirs.

    Enfin cela n'est que mon point de vue.
    Bonne continuation et bonne chance!


  3. #3
    Avatar de Bouille
    Mélanie 40 ans

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    J'eprouve toujours autant d'interet pour tes recits !
    Je pense qu'Okho a raison mais c'est cependant une experience fascinante qui me donne presque envie de la vivre moi aussi... on devient curieux sur soi meme... Comment vivrais-je 10 jours comme ca ?
    J'attends le jour 4 avec impatience

  4. #4

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    en lisant tes récits, on en souffre pour toi presque

  5. #5
    Avatar de Bouille
    Mélanie 40 ans

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    Hey Lilou !
    Je sais pas ce qu'en disent les autres mais moi j'attends avec impatience la suite de tes aventures dans le Temple !!