Clémence, « cowgirl » à Meadow Lake, en Saskatchewan
Ville de destination
Baroudeuse ou pas ?
- coursé des vaches 12 h d’affilée par -37 °C,
- campé 15 jours dans les Kananaskis au milieu de la forêt, sans eau ni électricité mais avec mes chevaux,
- chassé le coyote, l’orignal et les cerfs,
- ou même dormi dans la voiture pour faire les parcs nationaux en me nourrissant de pommes et de beurre de cacahuète pendant 3 jours, je dirais que je rentre dans la case du baroudeur.
Que faisais-tu en France ?
Pourquoi cette envie de t’envoler pour le Canada ?
Le Canada, clairement pour les opportunités d’emploi. Je ne voulais pas prendre le risque de ne pas trouver de boulot et de devoir rentrer toute miteuse. En plus, je ne parle pas espagnol et je suis vraiment d’un tempérament du nord, pas du tout latin. Et l’Asie ne m’attire pas particulièrement.
Quel a été ton parcours avant d’arriver à Meadow Lake ?
Pourquoi Meadow Lake ?
– Une super communauté : des ranchers amoureux de la vie de ranch et du mode de vie de cowboy à la canadienne (basé sur le respect de l’équilibre, de la nature et d’une grande humilité), le tout avec une grande mixité sociale avec des ranchers d’origine WASP, francophone (ex-trappeurs, je pense), ukrainiens, des populations autochtones avec de nombreuses réserves, et les nouveaux immigrants liés à l’exploitation forestière et le pétrole, des gens super généreux et ouverts.
– Un mode de vie relax et vrai, proche de la nature. Rien n’est catastrophique. Les gens ne se plaignent pas, alors que ça reste des agriculteurs (réputés pour ça en général). C’est la sécheresse ? Oui c’est la merde, mais remonte-toi plutôt les manches au lieu de râler.
– La liberté et les responsabilités qu’on m’a confiées dans le ranch. Où j’ai ce qui est considéré comme ma propre jument maintenant.
– La lumière. Magnifique partout, tout le temps, la nuit ce sont les aurores boréales et les étoiles qui prennent le relais. Le nom de « land of living skies » n’est vraiment pas volé.
– Le soleil. Froid ou chaud mais beau et sec.
– Les opportunités de boulot. Avec une voiture, aucun problème. Le sérieux et la débrouillardise sont vraiment reconnus. Côté carrière, tout est possible, enfin en gardant à l’esprit que c’est la campagne profonde donc le tertiaire genre informatique ou ressources humaines… je vois mal. Les moins : – La non architecture : les mobilhomes délabrés avec leur jardin qui ressemble à des casses sauvages. C’est moyen. Mais on regarde ailleurs : le ciel, les animaux, la route…
– La gastronomie : inexistante. Trois aliments : pomme de terre, oignon, bœuf haché.
– L’absence d’organisation, c’est un peu lié à la vie à la ferme mais relativement récurrent. Un peu usant à la longue. Rien n’est pressé ou presque.
– C’est vraiment au milieu de nulle part et plat ! Du coup de la super neige, mais pas de pente. Frustration intense de la skieuse que je suis. Pour la mer, idem.
Quel a été ton sentiment dominant au cours des 2 premières semaines au Canada ?
Ensuite, 3 jours de bus sous la slush (un mélange de pluie et de neige), dans l’incertitude que quelqu’un vienne me chercher une fois sur place : « mais dans quelle galère je suis allée me fourrer. En plus c’est moche et tout est à l’abandon. Super… » Puis l’arrivée au ranch : super enthousiaste puis grosse grippe (trop fatiguée pour penser). Ça a été une intégration progressive, et puis comme je n’avais pas d’attentes particulières ou d’impératifs, tout est devenu beaucoup plus souple.
On était logé dans des cabines à côté de la maison (il y en avait deux, une petite pour deux là où j’étais et une grande pour 5), ou dans une caravane pour l’un, ou certains dans la maison même (il y a deux chambres pour les helpers à l’intérieur). Pour la bouffe, généralement c’était notre hôte qui le faisait, ou quelque fois les helpers; mais c’était toujours des gros festins, miam !!!! Pour l’accueil, c’était assez « étrange » sur le début. Marilyn, celle qui gère la ferme, est quelqu’un d’hyper actif et de speed, il faut réussir à la suivre le matin quand elle donne les tâches de la journée !!! Mais à côté de ça, c’est le fun ! On devient tous une grosse famille après quelques jours !
Sinon, selon moi, toute personne n’ayant pas peur de se salir ou peur des animaux est capable de faire ce travail ! Il faut être un minimum manuel mais même sans ça, on apprend très vite… j’ai tenu une tronçonneuse pour la première fois, conduit un tracteursans frein pour la première fois ! Quand je suis dans l’inconnu comme ça, personnellement, je me surpasse ! 😀
Je descends jusqu’au silo à grains, suivie de très près par Abby, Grub et Moe. J’attrape deux seaux au passage, que je m’empresse de remplir de grains avant que les divers animaux n’arrivent. Je remplis l’un d’eux au ¾ et l’autre à moitié. La tâche est devenue difficile car le silo commence à être vide, je suis obligée de tambouriner sur ce dernier pour en obtenir la quantité nécessaire. Entre temps, les deux chèvres sont arrivées de leur démarche boiteuse. J’ai de la boue jusqu’au milieu des bottes. Une fois les seaux pleins, je rejoins les chèvres dans l’ancien poulailler, là où elles ont élu domicile, et verse la plus petite quantité de grains que je sépare en deux dans leurs gamelles.
Ensuite, je vais aller chercher un petit square de foin un peu plus loin, toujours en compagnie de mon seau et des chiens. Je dépose ¼ du ballot dans le poulailler et me dirige ensuite vers la maison. Sur ces 500 mètres, je suis interpellée par une dizaine de chevaux qui ont tous pour but de fourrer leur tête dans mon seau de grains. Tant bien que mal, j’arrive à l’enclos des deux veaux qui sont toujours aussi excités de me voir arriver avec leur nourriture. Je leur verse à chacun la moitié de la quantité de grains dans mon seau, éparpille ensuite le foin et ouvre l’eau du tuyau d’arrosage pour remplir leur bac d’eau.
Je me faufile ensuite dans la maison afin de prendre les restes de nourriture qui serviront à nourrir les cochons. Je coupe l’eau et entreprend de chercher les cochons. Parfois, ils sont en bas, au silo à grains, prêt à me passer sur le corps pour manger les grains à même le silo !
D’autres fois, il me faut gambader dans les champs alentours pour les trouver. Ce matin, je les trouverai dans les champs. Lorsqu’ils m’aperçoivent, ils grognent et se dirigent droit vers moi à toute allure. Man, pour m’être fait courser par ces mêmes cochons, je peux vous dire que ça court vite ces bêtes-là ! Je divise en deux la portion de restes et m’assure que Porky, le mâle, ne mange pas la part de Suzy, la femelle. Après quelques minutes, tout est parti et je me redirige vers la maison pour me nourrir moi-même ! Ma première tâche de la journée, nourrir les animaux, est terminé après 30 bonnes minutes.
Aujourd’hui, je travaille au stockyard de la ville, là où ils vendent le bétail : vaches, taureaux, veaux. Je m’empresse donc de déjeuner et de m’habiller. Inutile de me laver avant d’aller au stockyard ! Nous sommes plusieurs de la ferme à y travailler, et nous y retrouvons d’autres helpers d’une ferme du coin. J’adore travailler au stockyard ! Notre job est de courir après le bétail une fois qu’ils sont vendus.
Une à une, les vaches défilent devant nous et, à tour de rôle, nous les envoyons dans la bonne direction et dans la bonne parcelle. Chaque parcelle a son acheteur. Dans le même temps, mes compagnons courent après les taureaux. Je déteste les taureaux, ils me font vraiment peur. Depuis ce malheureux « incident » où je marchais tranquillement derrière un taureau pour l’emmener à sa parcelle, tellement tranquillement que les autres taureaux de la parcelle sont venus à notre rencontre, j’ai interdiction de courir après les taureaux ! Dieu merci ! Je ne voudrais pas réitérer l’expérience de 20 taureaux en furie se dirigeant vers moi…
Une fois les vaches et taureaux passés, c’est au tour des veaux. Généralement, ils sont vendus par groupe. Ce sont les plus fugaces, mais leur petite taille ne veut pas dire qu’ils n’essaieront pas de vous donner des coups de pâtes arrières ! En un mois de temps, je n’ai pas été frappée par quelque animal que ce soit malgré les tentatives de certaines bêtes ; mais d’autres l’ont été. Ouch. Après la vente de bétail terminée, nous prenons une pose pour prendre notre lunch avant d’aider au nettoyage. La mauvaise partie de la job ! Une heure à nettoyer les bouses de vaches, c’est très appétissant… surtout qu’une vache stressée, ça ne chie pas en paquet !
En milieu d’après-midi, nous rentrons à la ferme. Le soleil est au rendez-vous, deux autres helpers et moi-même décidons de partir en balade. Nous sellons nos chevaux respectifs, et nous voilà partis vers les champs en face de la ferme. Une heure de pure plaisir. Et dire qu’il y a trois semaines de cela, j’avais peur d’approcher un cheval… J’aurais atteint mon but : pouvoir attraper mon cheval, l’équiper, le monter et le « contrôler » dans un terrain extérieur. Nous rentrons pour l’heure du souper. Un festin nous attend ! Après une telle journée, rien de mieux qu’un bon repas chaud.
Plus tôt dans la journée, nous nous sommes faits inviter par les helpers de l’autre ferme à se joindre à eux pour un feu de camps dans leur ferme. Une fois nos douches prises, Eddy et moi prenons place dans la vieille Fifth Avenue, la voiture prêtée aux helpers, et nous mettons en route. Au volant de cette voiture, je me sens comme le roi du monde ! Musique à fond, nous chantons à tue-tête. Un peu plus de 45 minutes plus tard, nous arrivons à l’autre ferme. Bières, marshmallows, cidre… tout ce qu’il faut pour passer une bonne soirée ! Nous parlerons anglais, avec des interludes d’espagnol et mes infatigables jurons français. En début de matinée, je nous reconduis à la maison. Une fois de plus, je m’endormirai avec le sourire aux lèvres… demain une longue journée assise au volant du tracteur m’attend… ah, la vie en Saskatchewan…
C’est cette partie de mon voyage qui m’a fait réaliser que j’avais vraiment trouvé qui je suis à Meadow Lake, et qu’il ne fallait pas gâcher cette opportunité, donc retour à Meadow Lake !
J’ai été déçue par les villes (Calgary, Vancouver, Victoria) où on ressent une différence de mentalité, y compris dans les petites villes riches (à côté de Nanaimo). Je m’y suis sentie enfermée, la vie futile alors que les gens se croient importants, les musées chers et sans intérêt (sauf le UBC MoA). Vraiment je ne recommande pas les villes dans l’ouest, l’ouest est ailleurs, à la campagne, dans les montagnes.
Quelles ont été tes plus grosses difficultés au Canada ?
Dans mes road trips, la difficulté de prévoir les possibilités de faire des courses à un prix raisonnable, surtout à l’approche des parcs. Le mal du pays quand tous les souvenirs de rando ressortent en montagne.
Quel est ton meilleur souvenir ?
Est-ce que certaines choses françaises t’ont manqué ?
Qu’est ce qui t’a manqué quand tu es rentrée en France ?
- La mentalité canadienne : pragmatisme, respect et esprit d’entreprise.
- La vie au grand air avec le bétail.
- Le froid, la neige et la lumière de la Saskatchewan.
Qu’est ce que cette expérience t’a apporté, du point de vue personnel ou professionnel ?
Quels conseils donnerais-tu aux futurs pvtistes ? Tes projets d’avenir ?
Sortez du Québec, de l’Ontario et de Vancouver. Le Canada est grand et plein d’opportunités.
Sur un plan général : planifiez mais laissez-vous émerveiller. Un peu de sous de sécurité, une bonne assurance, un téléphone, une voiture (ou un covoiturage) et roule ma poule.
Et aussi : ne restez pas qu’entre pvtistes (genre les boulots dans les sites touristiques), allez à la rencontre des Canadiens.
Amoureuse des Etats-Unis, de l'Utah et du voyage en train, j'ai passé 7 mois à Montréal en 2010, et j'en ai profité pour découvrir la Nouvelle-Angleterre en long, en large et en travers !
Mon coup de cœur avec Montréal date de 2008, et d'un mois estival là-bas... Depuis, je ne fais qu'y retourner !
J'ai réalisé deux tours des Etats-Unis (& Canada) en 2012 puis en 2014. Plusieurs mois sur les routes, c'est formateur... De retour à Montréal en 2019-2020 pour un PVT, avant de raccrocher !
Sur PVTistes.net, j'aime partager mon expérience sur le forum, dans des dossiers thématiques ou même en personne ! Vous me croiserez sûrement à Lyon, ma ville de cœur.
Les Guides de pvtistes.net
Nos guides des pvtistes sont disponibles gratuitement au format PDF, pour que vous puissiez les consulter à tout moment, même sans connexion !
(9) Commentaires
Merci beaucoup pour ce superbe récit ! C’est exactement les projets que j’ai pour mon futur pvt !
J’ai ADORE le Saskatchewan! J’ai passé 1 mois et demi dans un ranch B&B : le pied!!
C’était la meilleure expérience de mon PVT. J’avais vécu 11 mois avant à Toronto et me retrouver avec des rednecks adorables, entre chevaux, nature et -40°, a été la plus belle aventure de ma vie jusqu’à présent.
https://cameliaexsangue.wordpress.com/category/saskatchewan/
Moi je dis : « sage femme power »!! Lol
Recit vraiment top, surtout quand on vient de Grenoble, qu’on a la meme histoire et que notre aventure commence dans 2semaines! 😉
Merci beaucoup de nous avoir fait partager ça! Ça donne vraiment envie!
Merci Clémence pour ce témoignage. Ça me fait rêver et me conforte dans mes projets pour mon PVT. Juste une petite question: quand tu as débuté ta « carrière de cowgirl » , étais-tu déjà une bonne cavalière?
Merci beaucoup pour ce superbe récit ! C’est exactement les projets que j’ai pour mon futur pvt !
Super récit effectivement, bon mon PVT Canada est derrière moi mais si c’était à refaire (vu que mon but initial était de m’améliorer en anglais) j’y réfléchirai à deux fois avant de m’installer à Toronto (même si mon PVT a été une expérience géniale). Le PVT de 2 ans pourrait bien aider certains à se lancer vers des expériences plus atypiques, comme la tienne, ils auraient ensuite le temps de se poser ensuite dans une ville s’ils le souhaitent 🙂
ah, et je suis curieuse et j’adore les chevaux alors si ça te dit de poster la photo de TA jument… 😉
Magique!!
Merci beaucoup pour ce super récit de tes supers aventures en Saskatchewan.
Je crois que tu vas devenir l’ambassadrice officielle du wild west, et ça sera mérité! 🙂
Super témoignage, merci Clémence ! Ton expérience donne vraiment envie de suivre tes traces !
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