Salut, est-ce que tu peux te présenter ?

Salut, je m’appelle Aurélien, j’ai 25 ans et je suis arrivé en PVT en Nouvelle-Zélande en janvier 2018.

On t’interviewe aujourd’hui car tu as eu un accident il y a quelques mois, tu peux nous en dire plus ?

Alors, on va commencer par le début et j’insiste bien sur ce point : je suis quelqu’un de très manuel, qui adore se servir de ses mains, bricoler, fabriquer des choses, réparer des choses, et qui travaille dans le bâtiment, donc je sais comment ça marche. Je connais toutes les mesures de sécurité à prendre, éteindre les machines avant d’y toucher, etc.

Pendant mon WWOOFing dans un lodge dans le Northland, j’avais comme mission, entre autres, de tondre la pelouse sur un très grand terrain. J’avais une petite tondeuse assez vieille, donc elle tombait souvent en panne. C’était le démarreur qui lâchait donc pour le remettre, il fallait démonter tout le dessus du moteur et tout remettre correctement. Les pièces n’étaient pas en bon état donc ça se défaisait hyper souvent. À chaque fois que je la démarrais, je risquais de tout défaire et ce jour-là, je l’ai réparée une fois, deux fois…

Du coup, au bout d’un moment, j’ai décidé de ne plus l’éteindre, pour plus que ça saute, mais comme il pleuvait et que l’herbe était assez haute, ça remplissait très vite le bac. J’ai voulu enlever l’herbe qui bouchait l’entrée, sans éteindre la tondeuse, mais en faisant attention. Je l’ai fait une fois, deux fois, ça a été. Et la troisième fois… ça m’a fouetté la main. Sur le moment, je n’ai pas eu mal. Je me suis juste dit « Quel con ! ». Ça s’est passé en une seconde.

J’ai regardé ma main et j’ai vu que j’avais plus d’ongle à l’index, c’était comme si je m’étais fait mordre par une bête, et j’ai vu que mon majeur était lacéré. J’avais des coupures à plusieurs endroits, jusqu’à l’os. J’avais le bout du majeur qui ne tenait plus. Sur le rapport à l’hôpital, j’ai lu « fracture ouverte » dans mon dossier.

Bref, j’ai attrapé ma main et je suis allé voir mon pote, j’étais vraiment pas bien. Mon pote, avec qui je faisais le WWOOFing, a cru que je lui faisais une blague. Je lui ai dit « c’est la merde, il faut que tu m’emmènes à l’hôpital ». J’ai mis ma main dans l’évier et je n’arrêtais pas de penser « mais non, mais non, mais non », j’étais écœuré. Sur le moment je me suis dit que j’allais perdre mes doigts. Ils étaient tellement mal en point. C’était déchiqueté, ça saignait de partout.

Mon pote m’a donné une serviette, j’ai serré ma main juste un petit peu (je ne pouvais pas faire plus) et on est partis pour le centre médical de Kerikeri, la ville la plus proche. Mais avant, il a appelé Carole, notre hôte WWOOFing, qui n’était pas là ce jour-là et elle nous a dit qu’elle nous retrouverait au centre médical.

Mon pote a conduit hyper vite, il a pris des risques et moi, je ne pensais qu’à une chose : ne pas perdre mes doigts. En plus, c’était ma main droite, je me demandais ce que j’allais pouvoir faire si on me coupait les doigts. C’était horrible. C’est un des pires souvenirs de ma vie. À ce moment-là, je ne savais pas que mon index était cassé et que j’allais être amputé.

Comment ça s’est passé au centre médical ?

Après 25 minutes de van, on est arrivés à Kerikeri et on a retrouvé Carole.

Quand elles m’ont vu, les deux standardistes du centre médical ont dit « oh la ! », elles se sont tout de suite levées, elles ont ouvert une porte et m’ont dit de m’allonger.

On m’a posé plusieurs questions : est-ce que vous fumez ? Est-ce que vous buvez ? Quel âge avez-vous ? Est-ce que vous avez des allergies ? J’ai répondu assez vite et je leur ai demandé de me donner quelque chose pour la douleur.

Ils m’ont donné beaucoup de morphine mais ça ne m’a pas fait grand-chose, ensuite ils m’ont anesthésié localement les doigts, en me faisant des piqûres directement à la base des doigts. C’était horrible comme sensation et ça faisait vraiment mal.

Ils m’ont dit qu’ils ne savaient pas exactement ce qu’il en était pour le moment mais que c’était grave, qu’ils allaient nettoyer mes plaies et m’envoyer à l’hôpital de Whangarei, à 1 h 30 de route.

Quand ils ont enlevé la serviette qui couvrait mes doigts, Carole tenait mon épaules et me disait « ne t’inquiète pas, ça va aller ». Quand elle a vu mes doigts, elle a poussé un énorme cri. Les gens étaient très étonnés parce que je ne pleurais pas. Je disais juste « ne coupez pas mes doigts, je veux pas les perdre » et « donnez moi de la morphine » 😉 Le médecin se demandait comment je pouvais rester calme comme ça avec la douleur que je ressentais. Pour moi la panique, c’est forcément négatif, ça arrange rien. C’est arrivé, c’est la merde, mais maintenant, faut composer avec.

Mon pote m’a demandé si je voulais qu’il appelle ma mère, ma copine, etc. Non, surtout pas, j’avais pas envie que mes proches paniquent. Ma mère, je l’ai prévenue qu’une fois que j’avais été opéré, histoire d’en savoir plus sur l’état de ma main, sur l’assurance, etc.

Outre l’inquiétude qu’elle aurait eu pour ma santé, elle se serait inquiétée pour les dépenses que ça engendre. Au moins, quand je l’ai appelée, j’avais la réponses à toutes ces questions, j’avais été soigné et couvert. Mais ça a quand même été très dur pour elle.

Ensuite, tu es parti pour l’hôpital de Whangarei…

L’ambulance St John est arrivée, je suis monté à l’avant pour ne pas être tout seul derrière et l’ambulancier m’a dit que si j’avais mal, il pouvait me donner des choses. J’avais mal, mais en plus je me disais que je pouvais prendre légalement des drogues dures et qu’il fallait en profiter hein, j’avais le droit 🙂

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Du coup, je sais pas trop ce qu’il m’a donné, mais j’étais explosé. Il m’a dit « tu vas voir, tu vas être stone comme avec de la weed ». Euh… non, c’était bien mieux !

À l’hôpital, un chirurgien est venu me voir, il était vraiment bien, très rassurant et super sympa. Il m’a dit qu’il n’y avait rien à faire pour mon index et qu’il faudrait le couper après la dernière phalange. Un bout d’os a été coupé en biseau, donc il était obligé de couper. Je vous laisse imaginer ce que ça fait quand on te dit ça. Même d’en reparler là…

Radio - Hopital en Nouvelle-Zelande

Et pour le majeur, le médecin m’a expliqué ce qu’il en était et j’ai entendu le mot « amputation » sans comprendre tout ce qu’il avait dit, donc j’ai eu peur. Mon majeur était coupé à 4 endroits et entre les 2 premières phalanges, l’os a été touché.

Broches - Hopital en Nouvelle-Zelande

Il m’a dit que les tendons et les nerfs du dessus étaient morts, que pendant l’opération, ils verraient si les tendons du dessous étaient touchés et que si c’était le cas, ce serait irrécupérable, que je ne pourrais plus plier le doigt. Dans ce cas, ça n’aurait servi à rien de garder mon doigt car ça aurait été un bout de doigt mort et il aurait fallu amputer. Heureusement c’était bon. Là, sinon, je pense que je serais rentré en France… en fait je sais pas. J’aurais été effondré, à un point inimaginable.

Aujourd’hui, la partie de mon majeur qui était tenue par les broches (les 2 dernières phalanges) est totalement rigide, je ne peux plus plier mon doigt. Il faudra sans doute que je me refasse opérer en France pour espérer retrouver de la mobilité.

Et pour l’anglais, ça a été au centre médical et à l’hôpital ?

C’était au début de mon PVT, environ un mois après mon arrivée, donc je ne parlais pas anglais comme maintenant. Les médecins me disaient des choses mais je ne comprenais pas tout. Donc j’ai demandé à Carole de me dire tout ce qu’ils disaient et de ne pas me cacher des choses, de ne pas me ménager.

Au moment de me faire opérer, j’étais tout seul mais ça allait, je comprenais tout ce qu’on me disait et ce qui était bien, c’est que comme le personnel savait que j’étais français, sans que je leur demande quoi que ce soit, ils parlaient doucement, ils n’hésitaient pas à répéter des choses et trouvaient des moyens plus simples pour m’expliquer ce qui allait se passer.

Tu as pensé à l’aspect financier ? Tu avais souscrit à une assurance avant de partir ? Tu savais qu’ACC existait ?

Je me suis juste dit que j’avais une assurance et que donc je serais couvert mais je pensais surtout à mes doigts, c’était ma priorité. Tu ne penses pas à ça dans ces moment là. Par contre, si j’étais parti sans assurance, là oui c’est sûr, je me serais dit que j’étais mal.

Pour ACC, non je ne savais pas que ça existait, ils ont fait leur apparition quand j’étais à l’hôpital, avant mon opération. Une représentante d’ACC est venue me voir dans ma chambre et m’a posé des questions et fait signer des papiers. [Note de pvtistes.net : ACC couvre les personnes qui se trouvent sur le sol néo-zélandais en cas de blessure ou d’accident, mais elle ne couvre pas les frais d’ambulance, de recherche, de rééducation, les frais liés à une maladie ou de rapatriement, d’où l’obligation de souscrire une assurance PVT.]

Mon pote a appelé Globe PVT, mon assurance, pour les prévenir que j’avais eu un accident. Il a donné mon numéro d’assuré (j’avais mis ma carte d’assuré dans mon portefeuille, ça, c’est important de toujours savoir où on l’a mise et qu’elle soit facile d’accès).

Mon pote leur a dit que j’étais dans tel hôpital et que j’allais être opéré le lendemain. Ils ont dit « OK on va appeler l’hôpital et leur envoyer les documents nécessaires, on prend le relais ».

Suite à ça, quand j’étais encore a l’hôpital, ACS m’a m’appelé sur mon portable pour me demander des nouvelles, et ça me permettait d’avoir des conseils en français, surtout pour les prescriptions. Par exemple une fois, je leur ai dit que je prenais plusieurs des médicaments qu’on m’avait prescrits. Et là, le médecin m’a dit « mais c’est beaucoup trop, il faut arrêter tout de suite », c’était très mauvais pour mes reins et mon foie de prendre plusieurs médicaments en même temps. Moi j’avais mal, je prenais ce qu’on m’avait prescrit. Donc c’était bien de pouvoir leur parler.

Le médecin qui m’a appelé voulait estimer si je devais me faire rapatrier. Ils m’ont demandé si je voulais rentrer, j’ai dit non, mais vu comment il me parlait, j’ai eu l’impression que si j’avais voulu rentrer, il aurait dit oui, au vu de mon état.

Au final, entre ACC et ACS, tout a été pris en charge directement, sans que j’aie à avancer des frais. Je recommande vraiment Globe PVT, ils ont été super réactifs et j’ai apprécié leur suivi. Et il y a encore quelques jours, j’ai reçu un e-mail de leur part me rappelant que si j’avais eu d’autres frais suite à mon accident récemment (par exemple des séances chez un thérapeute de la main), je pouvais leur envoyer les factures pour être remboursé.

Tu as hésité a rentrer ?

Non. C’était hors de question que mon experience s’arrête pour ça. Ma famille pensait que j’allais rentrer, mais non. Je n’en avais pas envie.

Et maintenant, avec le recul, je ne regrette pas, ce PVT est énorme !

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À Tongariro

IMG_0082 (1) Aux Te Paki Dunes

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À Hobbiton

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À Oamaru

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Avec mon pote Haimona

Et puis, j’ai quand même réussi à faire des choses qui me tenaient à cœur, comme aménager notre van (en partie en ayant encore mes broches) et construire la cuisine du van. J’en avais besoin. Je ne pouvais pas ne rien faire.

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Tu étais en WWOOFing dans un endroit assez isolé, je suppose que ça a été dur pour toi ?

Oui, j’avais vraiment très mal, je m’ennuyais et puis j’avais l’impression de déranger. En plus, mon pote a fait le boulot pour deux pendant deux semaines pour qu’on reste dans notre WWOOFing. Ça faisait beaucoup.

Bizarrement, ce doigt coupé, surtout quand tu avais ton plâtre ou tes broches, ça a été un provocateur de rencontres au final ?

Oui, rien que quand j’allais à la pharmacie ou faire des courses, les gens me voyaient avec mon gros plâtre et me posaient des questions. Ça m’a fait rencontrer du monde et du coup, ça m’a beaucoup fait parler anglais aussi. C’est le côté positif de cette histoire.

Tu as rencontré plusieurs personnes qui avaient le doigt coupé ici en Nouvelle-Zélande ?

Oui, un tatoueur, un cuisto et Mason, un de mes meilleurs amis ici. Que des Maoris.

Dès le premier soir où je l’ai rencontré, on s’est dit « on est du même crew, on est frères maintenant ».

Tu as l’impression aujourd’hui que ton PVT aura été plus fort grâce de cet épisode ?

Complètement. Je m’en serais bien passé hein. Je me suis retrouvé face à moi-même, même si mon pote m’a beaucoup aidé (à me faire à manger, entre autres) mais au final j’étais tout seul. Si j’avais été en France, j’aurais eu beaucoup plus de gens autour de moi. Je pense que ça m’a rendu plus fort.

Je pense que cette expérience m’a complètement changé. Ça m’a rappelé que rien n’est acquis, que tu n’es pas à l’abri qu’une merde t’arrive et que quand ça t’arrive, c’est à toi de gérer en conséquence. Il y a beaucoup de choses que je vois différemment maintenant. Je me prends moins la tête.

C’est presque une bonne chose alors ? Ou je vais trop loin en disant ça ?

Non, tu ne vas pas trop loin. Bizarrement, je ne regrette pas que ça me soit arrivé. Je ne pensais pas pouvoir dire ça un jour…

Maintenant, ça fait partie de ma vie et aussi, je me rends compte de ce que je suis aujourd’hui. Évidemment, il n’y a pas que cet épisode qui entre en ligne de compte, mon PVT est une expérience incroyable, mais disons que ça y contribue. Ça m’a rendu plus encore plus optimiste. Il faut pas se laisser abattre dans ce genre de situations, il faut endurer le truc.

Mais bon, ça reste toujours très difficile, physiquement et moralement, même trois mois après. Je sais que ça va prendre du temps.

Pour continuer/finir sur du positif : tu as eu beaucoup de messages de tes proches, ça t’a fait quoi ?

C’était complètement fou, j’ai eu des appels, des messages de dizaines et de dizaines de personnes, même de membres de ma famille à qui je n’avais pas parlé depuis des années. Tout le monde me soutenait. C’était très touchant.

Aujourd’hui, les gens me disent des belles choses, de profiter de tout ici, que je le mérite.

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Et surtout, un grand merci à mon ami Wilo, qui a eu la patience et la bonté d’être présent pour moi tout au long de cette lourde épreuve, qui a su prendre soin de moi malgré la délicatesse de cette position dans laquelle il s’est retrouvé, sa présence et toutes ses attentions ont fortement contribué à mon bon rétablissement, je n’oublierai jamais toutes ces choses et lui en suis reconnaissant. Thanks for all dear friend!

Mise à jour de 2023 : belle revanche sur cet accident, Aurélien a fait une formation en électricité à son retour en France et est désormais artisan électricien dans les Yvelines depuis 3 ans !

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(3) Commentaires

Fabien I |

Tu as eu un sacré courage, excellent récit et je suis content que tu aies pu profiter comme il se doit de ce pays fabuleux.
J’entame mon 3éme PVT et j’ai toujours souscrit pour les 12 mois à l’assurance GLOBE PVT.
Heureusement, je n’ai pour l’instant pas eu de soucis mais en tout cas ils sont top, rapide et efficace pour tous les renseignements au préalable avant d’entamer un PVT.
Souvent les Pvtistes prennent le risque (Australie NZ) à ne pas souscrire une assurance, mais je le conseille fortement. Sans être pessimiste, tout peut arriver.

Bonne continuation a toi et j’espère que tu retrouveras la mobilité de ton doigt avec une nouvelle opération!
Peace.

Hélène I |

Et bah Kiki, on peut dire que tu m’as donné le palpitant avec ton histoire…
j’avais déjà un peu suivi via Julie mais là, c’est détaillé et ça m’a retourné le coeur d’imaginer à quoi ça devait ressemblait de vivre/voir ça en vrai.
Contente que tu en ressortes avec une grande force et des preuves d’amour du monde entier 😉
Stay stafe !
(ps: j’adore la dernière photo :p

Cynthia I |

Salut Aurélien,
Quel courage, mon dieu ! Franchement je suis éblouie par cela, et quelle force aussi. J’avoue avoir souffert pour toi en te lisant, en tout cas, contente que tu ailles bien et que tu aies poursuivi ton aventure. Profite en bien! Le meilleur reste à venir 😉
Donne-nous de tes nouvelles 🙂 !!
Ps: Canon le van !!