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Ville de provenance

Scionzier, ville située dans la vallée de l’Arve – berceau de l’industrie du décolletage – en Haute-Savoie. On est juste en-dessous des montagnes et pas très loin du Mont-Blanc.

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Ville de destination

Actuellement en résidence dans les TNO, à Tuktoyaktuk. J’irais bien vivre sur la côte est du Canada d’ici quelques années. Pourquoi pas la Nouvelle-Ecosse ou dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador.

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Sur place pendant combien de temps ?

Cela fait maintenant un an que nous habitons, ma copine et moi, à Tuk. Jusqu’à présent, j‘étais admis sur le sol canadien avec un PVT, naturellement. Grâce à un contrat d’emploi de deux ans, je fus tout juste autorisé de prolonger mon séjour jusqu’en Mars 2015, et ce, à Tuktoyaktuk. Après cela, nous ne sommes pas totalement décidés sur quelle partie de ce vaste pays nous nous dirigerons, mais nous redescendrons dans le sud sans aucun doute. Ironiquement, je suis en train de faire le chemin inverse de ce que beaucoup d’expatriés feraient en arrivant au Canada. Je suis monté dans le Grand Nord, sans avoir eu le loisir de visiter les lieux prisés du Canada – Québec, Montréal, Niagara Falls, ou encore Vancouver. Mais croyez-moi, je vais rattraper mon retard !

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Baroudeur ou pas ?

Pour être franc, je ne me suis jamais vraiment senti l’âme d’un baroudeur. Comme beaucoup, je rêve de grands espaces, de grandes traversées qui un jour seront peut-être entreprises. Parmi eux, les plaines de Mongolie, les déserts salés en Amérique du Sud, la route US 66, la Pan-American Highway, le Transsibérien, le Darjeeling Express, et bien sûr, les voies maritimes par cargo. Plus tôt, il y eut des moments où je partais sur un coup de tête traverser la moitié de la France en auto-stop ou en voiture. Par contre, l’idée d’entreprendre un tour de monde ne m’intéresse pas vraiment, bien qu’il y ait quantités de lieux, tout autour de la planète, où j’irais bien y mettre les pieds. Mais, dans une certaine mesure, nous habitons et visitons des endroits qui ne figurent pas dans les guides touristiques. Avec du recul, peut-être me dirais-je « après tout, j’ai quand même un peu baroudé ! » Je dois tenir cela de mon grand-père. Lui non plus ne se considérait pas pour un grand voyageur mais, après la guerre qu’il a mené dans la marine, il est parti quelques années au Pakistan y construire des routes. Ce fut ce que Nicolas Bouvier, au cours de son périple, décrivit dans son ouvrage l’Usage du Monde. Souvent je me dis qu’ils se seraient peut-être rencontrés dans une bicoque à fumer ensemble le narguilé !

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Que faisais-tu en France ?

J’étais étudiant en Géographie. J’ai commencé ma formation à l’Université de Savoie, sur les rives du Lac du Bourget, avant de partir sur la côte de la Mer du Nord, en Ecosse, dans le but d’achever ma licence, accessoirement. A ce moment, je ne savais pas que cela découlerait en une longue histoire à travers les quatre coins du globe. Un simple aller dans un pays, somme toute proche de ses racines, peut vous emmener dans des embardées en va-et-vient incontrôlables ! Et là, commence une autre vie dans des proportions qui dépassent le rêve. A présent, je pense faire ce qu’il y a de mieux au monde, aimer et voyager.

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Pourquoi cette envie de t’envoler pour le Canada ?

J’ai toujours eu un faible pour ce grand pays, en particulier pour les Parcs Naturels de Banff et de Jasper. Le Canada, c’est avant tout les grands espaces, les hivers froids, les étendues de neige, l’été indien, les ours, les caribous. Cela fait déjà rêver. C’est aussi une partie de l’Amérique, cette contrée au-delà de l’Atlantique, mais sans les Américains, sic. Je rêverais également de rallier l’océan Atlantique au Pacifique, en van. D’ici quelques années, lorsque la route jusqu’à Tuk sera empruntable, sillonner « from coast to coast to coast » serait un accomplissement personnel.

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Pourquoi avoir choisi les Territoires du Nord-Ouest ?

Ma copine cherchait du travail dans l’aménagement du territoire. Certains domaines comme celui-ci sont plutôt bouchés dans le sud du Canada, surtout pour de jeunes diplômés. Elle a eu une opportunité d’aller travailler là-haut, alors nous n’avons pas lâchés. En rien, je ne m’imaginais vivre dans le Grand Nord, avec les Inuits. Et honnêtement, je n’avais jusqu’à ce jour aucune connaissance des TNO. Comme quoi, on ne choisit pas sa destinée. Vivre aussi haut est une expérience incomparable, aussi bien personnellement que professionnellement. Des chances comme celles-ci, il faut savoir leur courir après.

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Est-ce que c’est la première fois que tu vivais à l’étranger ou que tu partais aussi longtemps ?

J’ai eu un premier aperçu à l’étranger en étudiant en Ecosse pendant 10 mois. Mais de vivre et travailler dans un pays étranger, ce fut vraiment la première fois. Les choses sont somme toute différentes. C’est une toute autre expérience qui nous permet de découvrir avant tout la vie de tous les jours, avec ses hauts et ses bas. En ce sens, il faut savoir être patient – ou alors anticiper – sur des choses qui parfois peuvent nous décevoir. Travailler dans un pays étranger permet à mon avis de se sentir plus ancré, plus intégré. On contribue à l’économie du pays, on partage des valeurs propres, on se dévoue un peu plus, on est plus ouvert aux autres. En tant que visiteur pour une quinzaine de jours, on aurait tendance à seulement effleurer et entrevoir les vraies choses, le sens réel. Bien qu’en étant resté près d’une année en Ecosse, les lieux me parlaient, je me sentais proche de ce qui m’entourait, mais cela restait limité.

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Quel a été ton sentiment dominant au cours des 2 premières semaines dans les TNO ?

Globalement, je me sentais paumé. Perdu dans ce vaste décor, ce blanc permanent qui se dessine dans toutes les directions, qui jusqu’alors relevait de l’imaginaire. Dans l’avion, à mesure que l’on grimpait dans les hautes latitudes, on pouvait voir les paysages se couvrir progressivement de neige. De même pour les températures, nous sommes passés de 25°C en Ontario à -10°C. Nous avions compris d’un coup d’avoir débarqué dans des lieux complètement inhabituels. Nous étions très loin de nos racines, tellement détachés. Chaque premier jour fut dédié à la contemplation et à la découverte de manière totalement innocente, et même aujourd’hui encore. Au cours des deux premières semaines, nous sommes partis en scooter des neiges à Husky Lakes. Les résidents de Tuktoyaktuk possèdent pour la plupart une cabine – un petit chalet – au bord des lacs où ils passent quelques semaines à pêcher et chasser. Durant tout le trajet qui dura deux heures, à traverser des espaces blancs et vides qui ne font que se ressembler, nous n’avons croisé personne si ce n’est que des animaux de l’Arctique. Là, une sorte de mélange entre la solitude et l’apeurement m’obsédait. Et si nous nous perdions ? Peu à peu, on se familiarise avec notre nouvel environnement. On s’installe progressivement dans de nouveaux repères. Maintenant, contrairement à ce qu’on pourrait penser, on ne se sent pas totalement isolé. Disons qu’on ne s’imagine pas vraiment vivre comme coupé du monde. Là-haut, la vie est moderne et le confort est quand même très présent.

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Est-ce que ta situation professionnelle te parait satisfaisante, dans les TNO ?

J’ai pas mal galéré pour trouver un emploi stable et régulier. Je travaillais le matin au magasin du coin, et de temps en temps, on m’appelait quand il y avait du monde à garder à la prison locale. Les boulots sont très limités dans ce hameau de 900 habitants et ils sont pour la plupart réservés aux locaux, ce qui est tout à fait normal. Il est assez difficile de se faire accepter en tant que tel – en tant que « blanc » – dans une population majoritairement Inuit. Depuis janvier dernier, et ce, durant les deux prochaines années, j’occupe un poste de conseiller pédagogique dans un centre d’enseignement par internet. C’est un programme qui permet aux jeunes de repasser leur bac, alors qu’ils avaient échoués dans l’enseignement traditionnel. Cela leur donne une seconde chance pour ensuite aller à la fac. Désormais, je me sens plus intégré dans la communauté. Niveau salaire, ils sont ajustés par rapport au coût de la vie, voire plus. Ici, la vie coûte deux à trois plus chère que dans le sud, et le salaire moyen est de l’ordre de 20-25$ de l’heure. A ce titre, on vit presque normalement.

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Quelles ont été tes plus grosses difficultés dans les TNO ?

Je ne me rappelle pas tellement avoir eu des difficultés. Je vis avec ma copine qui est Canadienne, et du coup, on se sent un peu comme chez soi. Par contre à Tuk, il est assez difficile de se faire des contacts. On passe souvent les soirées de weekend avec nos voisins qui sont entre autres les collègues de ma bien-aimée. Mais cela ne dépasse pas tellement le stade du travail. Il y a des groupes amicaux mais reliés au travail. Les profs sortent entre profs, les flics entre flics, les infirmiers avec les docteurs, etc. et il est difficile de faire partis du groupe, il faut montrer patte blanche. On nous avait mis vite en garde, voire défendu, sur le fait de passer des soirées avec les locaux. Ils ont une descente un peu trop rapide et s’énervent très vite. On entend souvent parler des histoires de bagarres à cause de l’alcool, malheureusement.

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Quel est ton meilleur souvenir ?

Un des souvenirs les plus marquants, en tous cas, ce fut à l’hôtel d’Inuvik. Nous venions d’arriver dans les TNO, à Inuvik, le printemps dernier. Nous arrivons dans notre chambre qui était très sombre. Au moment où j’ouvris les rideaux, d’un geste sec, une lumière très forte d’un coup m’aveugla. J’ai dû attendre quelques secondes avant que mes yeux s’habituent. Même si le soleil est plus bas, la lumière réfléchit partout où il y a de la neige, et donne une hyper sensibilité. De la même manière que dans la première scène du film Rhum Express, lorsque le personnage joué par Johnny Depp ouvre les rideaux et se retrouve devant une blancheur aveuglante. A cet instant, on découvre qu’on vient de débarquer dans un autre lieu. Ici, à Tuk, les meilleurs moments sont certainement les levers et couchers de soleil. Chaque jour est une nouvelle carte postale avec des couleurs et des tons tout aussi beaux et nets. Je n’oublierais jamais la première fois où j’ai vu une aurore boréale. J’en avais souvent entendu parler sans avoir eu la chance d’en apercevoir. Il devait être le début de l’automne, peu avant 2 heures du matin, je marchais dans les rues, rejoindre la prison dans laquelle je travaillais. J’étais de garde la nuit. Et là, au-dessus de ma tête, une longue trainée verte se profilait sous le ciel voûté se finissant en de tendres filaments. Elle ne bougeait pas, immobile, imposante. Mais elle m’impressionnait. Je me sentais tout à coup minuscule et impuissant. Je suis resté quelques minutes comme ça à la contempler sans bouger. C’était merveilleux.

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Est-ce que certaines choses françaises te manquent ?

Oh oui ! Les bons petits plats de ma mère. Venant de Haute-Savoie, je vais dire le reblochon, la tomme, les saucisses,… Je fais moi-même mon pain, du coup, on savoure de bonnes choses. J’arrive à avoir du fromage, hormis le cheddar. De temps en temps, je m’offre du brie et du camembert à Inuvik. Je crois d’ailleurs que la marque de fabrique, President’s Choice, a un problème avec les emballages. Le brie ressemble à du camembert, et le camembert à du brie. Si quelqu’un peut faire l’expérience et me dise de ce qu’il/elle en pense, c’est vraiment intriguant. D’une manière générale, la culture française me manque. Se regarder un bon film français, ça fait quand même du bien. Et puis, la ferveur à la française. Les révoltes, les grèves, c’est quelque chose auxquelles je pense parfois, nostalgique. Héhé !

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Qu’est ce qui te manquera quand tu rentreras en France ?

Pour l’instant, nous ne sommes pas encore décidés de quand et si nous reviendrons vivre en France. Mais en imaginant un peu, je dirais l’ambiance de travail canadien. Il y a moins de pression, la communication avec les supérieurs est plus aisée, plus détendue. Et on sait faire confiance aux jeunes, et à leur capacité. Aussi, nous manquerons de l’accueil chaleureux des Canadiens. Mais aussi la poutine, la bière du Yukon, le sirop d’érable. Et peut-être Tim Horton, et Alexandre Keith, pourquoi pas.

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Qu’est-ce que cette expérience t’apporte, du point de vue personnel ou professionnel ?

C’est avant tout une chance que de découvrir des recoins aussi reculés et assez peu connus à travers la planète. Vivre dans le Grand Nord, c’est un rêve commun. Qui n’a jamais imaginé un instant dépasser le cercle polaire Arctique, vivre en compagnie des Inuits, à pêcher sous la glace, à rouler sur la route gelée – devenue célèbre par l’émission Ice-Road Trucker – faire du scooter des neiges dans des espaces aussi grands que blancs. On a tous lu des bouquins ou regardé une émission sur la vie des esquimaux, cela nous paraît tellement éloigné que de s’imaginer y vivre, c’est un total rêve. Comme je le disais plus tôt, nous vivons dans un rêve, mais dont la réalité peut reprendre le dessus. Aussi, l’Arctique devient on-ne-peut-plus médiatisé ces derniers temps, avec le changement climatique, et la fonte de la glace. Nous sommes au cœur même des grands enjeux de la planète dont va bientôt découler une nouvelle face de la planète. Malgré des plus isolés, on se sent, dans une certaine mesure, à l’avant-poste d’un autre monde. Peut-être le futur se trouve en ces terres désolées, qui d’ici là ne seront pas si gelées !

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Quels conseils donnerais-tu aux futurs pvtistes ?

Ne pas être trop gourmand dès le début. Se réserver pour la fin. Parfois, les meilleures choses arrivent en fin de séjour. Si vous vous sentez déçu par rapport à ce que vous espériez, attendez un moment, soyez patient, les choses arriveront d’elles-mêmes. Et surtout, si vous avez un problème d’ordre quelconque, ne restez pas replié sur vous-mêmes, mais plutôt allez voir des gens, des amis. Tâchez de vous entourer. Les Canadiens sont toujours ravis de voir des Français, quel que soit la province ou le territoire. Ils vous accueilleront toujours les bras grands ouverts.

Mon blog : Out of France !

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isa

Amoureuse des Etats-Unis, de l'Utah et du voyage en train, j'ai passé 7 mois à Montréal en 2010, et j'en ai profité pour découvrir la Nouvelle-Angleterre en long, en large et en travers !
Mon coup de cœur avec Montréal date de 2008, et d'un mois estival là-bas... Depuis, je ne fais qu'y retourner !

J'ai réalisé deux tours des Etats-Unis (& Canada) en 2012 puis en 2014. Plusieurs mois sur les routes, c'est formateur... De retour à Montréal en 2019-2020 pour un PVT, avant de raccrocher !
Sur PVTistes.net, j'aime partager mon expérience sur le forum, dans des dossiers thématiques ou même en personne ! Vous me croiserez sûrement à Lyon, ma ville de cœur.

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(12) Commentaires

Hélène I |

Et bien! Voilà une expérience peu commune! Merci beaucoup de l’avoir partagée avec nous! 🙂