Dans mon auberge, vit une trentaine de personnes.
Dans mon auberge, c’est souvent sale, les lits ne sont pas très confortables et il faut souvent attendre pour prendre sa douche.
Dans mon auberge, la machine à laver fuit une fois sur trois et on mange tous à la cuillère, comme des enfants, parce que les fourchettes disparaissent.
Mais dans mon auberge, des liens se tissent de jour en jour, comme dans une grande colocation.
Le matin, c’est l’effervescence. La majorité des travailleurs se préparent pour aller ramasser ou emballer des kiwis. Certains petit-déjeunent, quand d’autres enfilent leurs chaussures à peine sortis du lit.
Tout le monde part. Et puis plus rien. Le calme.
La journée, dans la pièce commune, il n’y a souvent que moi, installée sur mon ordinateur. Et par moments, une, deux, trois personnes passent, s’installent, appellent leur famille, mangent, puis repartent.
Vers 17 h, d’autres personnes sortent des dortoirs : ce sont ceux qui travaillent de nuit en packhouse. Ils mangent et partent pour une nuit rythmée par le bruit des machines. Ils reviendront tôt demain matin.
17 h 30 : c’est l’heure pour les pickers et les packers de rentrer à la maison et de filer à la douche.
Dans mon auberge, il y a des canapés en extérieur, où se posent tous les soirs une dizaine de personnes. Les clopes, comme les bières et le rhum tournent et on écoute de la musique, du rap, du rock, du métal, du reggae…
Dans mon auberge, il y a des Argentins, des Indiens, des Allemands, des Français, des Néo-Zélandais/des Maoris et des Chiliens.
Dans mon auberge, les cultures se rencontrent et la cuisine devient lieu de partage.
Des Indiens apprennent aux uns à faire des naans. Des Argentins font découvrir aux autres le dulce de leche et l’un des Maoris se met de temps en temps aux fourneaux pour qu’on se fasse des “repas en famille”. Nous, les Français, on fait des crêpes, des lasagnes, du poulet curry/ananas, des desserts…
Dans mon auberge, tout se partage ! Un plat, une bière, une cigarette… je te l’offre, tu m’en offriras une demain. Je te prends ça, mais je t’en donnerai quand tu en auras besoin. Tu as faim ? Viens, j’ai fait à manger.
Dans mon auberge, les cultures se rencontrent aussi à travers les langues. Une Argentine rit du fait qu’”arroz” se dise “riz” en français, un Chilien s’amuse du “qu’est-ce qui s’passe ?” français ; tous ceux qui ont des bases d’espagnol tentent de pratiquer la langue avec les Sud-Américains de l’auberge, Haimona nous enseigne quelques mots maoris et s’essaie à dire “tarte tatin”. On sait bien que personne ne retiendra ces nouveaux mots, mais who cares?
Dans mon auberge, après deux semaines, on a l’impression d’être chez soi, avec les siens.
Qu’on s’adapte vite en voyage ! Et qu’on s’habitue vite aux bonnes choses !
Dans cette grande maison, les profils sont très différents.
Dans quelles autres circonstances des personnes si différentes seraient-elles amenées à vivre ensemble ? Elles ne viennent pas du même pays, ont des cultures différentes, n’ont pas le même âge, pas le même parcours (du tout !), ne parlent pas la même langue, ne sont pas là pour les mêmes raisons, ni avec les mêmes objectifs.
Mais de jour en jour, elles s’apprécient, deviennent plus complices, découvrent qu’elles ont des points communs, se surprennent à sourire en voyant l’autre rentrer du travail, prennent des photos ensemble, se confient. Se disent des belles choses aussi.
Dans mon auberge, il y a les fantômes, ceux qui passent discrètement sans qu’on les remarque vraiment et avec qui on a des échanges furtifs. Et puis, il y a ceux qui vont se créer des souvenirs ici, ceux qui intéragissent, ceux qui s’attachent aux autres. Entre certains, une bienveillance réciproque naît naturellement, il y a des silences et des regards lourds de sens, la sensation de se comprendre et de se connaître malgré le fait qu’en apparence, on n’ait pas grand-chose en commun. Bref, dans mon auberge, il y a de vraies belles rencontres !
Alors, quand après 15 jours, pour moi, il est l’heure de partir, c’est loin d’être évident.
15 jours, c’est rien. Et pourtant, en 15 jours, à vivre avec les autres, se faire découvrir de la musique des quatre coins du monde, à partager des fous rires, se laisser conter des anecdotes, ou simplement ne rien dire et être ensemble… on fait partie de la vie des autres, et inversement.
Il y a des mots qui ont été dits ici que je n’oublierai jamais.
Je n’oublierai pas non plus les sourires d’Haimona, Mason, David, Rick, Rav, Juliette, Abigaël, Samuel, Belen, Brandon, Lauren, Param, Chiara, Grey, Teresa, Sebastian, Anki, Charlène, Brendon, Camila, Noelia, Mateo… Je repenserai toujours avec un pincement au cœur à cette auberge qui ne payait pas de mine et qui, pourtant, contribuera à me donner le sourire à chaque fois que je penserai à la Nouvelle-Zélande.
(13)Commentaires
Oh merci c'est gentil ça !!
Merci beaucoup pour ton message Lisa
C’est un très beau texte, tout mignon ... et tellement réel.
Ça m’a rappelé des souvenirs qui m’ont réchauffé le cœur, alors merci
Elle s'appelle Mural Town, à Katikati
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