Chers pvtistes (et autres voyageurs ou expatriés), vous avez la possibilité, si vous le souhaitez, de nous raconter un bout de votre expérience à l’étranger (un emploi, un voyage, un aspect de la culture de votre nouveau pays, un ressenti…) dans la section Récits de voyageurs du site. Aujourd’hui, nous découvrons avec Alexis le métier de mannequin en Corée du Sud. Merci à lui pour ce témoignage !

Alexis - Devenir mannequin en Coree

Salut, peux-­tu nous parler un peu de toi ?

Bonjour à tous ! Je m’appelle Alexis, j’ai 24 ans, je viens de Dole dans le Jura en Franche­-comté et j’habite en Corée depuis mai 2015.

Parmi les boulots que tu as faits en Corée, duquel tu vas nous parler ?

Je vais vous parler de mon travail de mannequin.

Comment t’es­-tu retrouvé à être mannequin occasionnel et comment tu en as fait ton métier ? 

Je suis arrivé en Corée avec l’idée que je travaillerais dans mon domaine, la micro­-mécanique. Je me suis inscrit sur le site SaramIn où j’ai déposé un CV avec mes coordonnées et j’ai reçu 3 appels 2~3 jours plus tard. Deux employeurs pensaient que je parlais coréen et le troisième, qui travaillait dans une boite de logiciels CAO/CAD (Solidwork) m’a donné rendez-vous 2 semaines plus tard pour un entretien. Mon profil leur plaisait mais il fallait répondre à la question de l’immigration car l’entreprise n’avait jamais embauché d’étrangers auparavant. Je suis donc rentré serein et j’ai appelé le 1345, le bureau de l’immigration coréen, pour leur demander la procédure et les papiers requis pour se faire embaucher (il ne faut rien de spécial, en fait). C’est alors qu’ils m’ont appris que je ne pouvais en aucun cas travailler comme ingénieur avec mon visa­ vacances-travail (ndlr, certains métiers spécialisés sont interdits aux pvtistes en Corée du Sud) mais que je pouvais faire des petits boulots comme travailler au Mc Donald’s, etc.

Deux options s’offraient alors à moi : soit je demandais à l’entreprise de me sponsoriser et je retournais en France pour faire une demande de visa ingénieur, soit je gardais mon visa vacances-­travail et je faisais des petits boulots… Sachant que je n’ai qu’un niveau BTS et que l’entreprise en question me demandait de faire des présentations Powerpoint de ses nouveaux logiciels en coréen (alors que je n’en parlais pas un mot) à ses clients dans un délai de 2 ou 3 mois, j’ai choisi la 2e option : rester en PVT et chercher des petits boulots. J’ai travaillé dans une guesthouse, dans un café et dans un restaurant, j’y reviendrai plus bas.

Un jour, j’ai vu une annonce “recherche tout type de personnes pour être mannequins”. Je me suis dit “pourquoi pas… ». J’ai alors fait quelques photos (très peu à l’aise) de présentation dans le bureau de l’agence (Platinum Model Management). Puis ils m’ont contacté quelques jours plus tard en me disant : “Salut Alexis, on a un boulot pour Paris Baguette, est­-ce que tu es libre tel jour ?”. J’étais très content à l’idée d’être modèle pour une si grande marque… malheureusement, ils ne m’ont appelé que pour vérifier ma disponibilité pour cette date, mais au final, je n’ai pas eu le job. Ils m’ont recontacté pour d’autres shootings pour la marque LG, mais pareil, c’était juste une demande de disponibilité et ça n’a pas abouti.

J’étais un peu déçu mais je continuais à travailler comme part-­timer dans le café et le resto… c’était assez dur de voir toutes mes économies diminuer petit à petit chaque mois… puis un jour une étudiante en photographie a contacté ma petite amie coréenne (ex petite-amie maintenant) par le biais d’Instagram et m’a demandé si je voulais faire un shooting test pour son portfolio et le mien. Je me suis dis “pourquoi pas, ça ne me coûte rien !”. Je n’étais toujours pas à l’aise devant l’objectif mais la jeune photographe a réussi à faire quelques très bonnes photos et j’utilise toujours l’une d’entre ­elles aujourd’hui.

Toujours par instagram, une jeune designer m’a proposé un shooting payé cette fois (très peu). Le malaise pendant la séance photo était toujours présent mais je commençais à m’habituer… Une autre marque de sacs et chaussures faits ­main (Spello) a elle aussi contacté mon ex­ petite-amie pour un shooting test d’une heure pour voir si un vrai shooting était envisageable dans le futur. Le shooting test s’est très bien passé et le photographe et le designer ont été très surpris (positivement) de m’avoir trouvé et que je ne sois pas encore un modèle connu. Le vrai shooting a alors été planifié pour la semaine suivante. Le photographe m’a appris à me détendre (surtout les épaules) et à faire quelques poses même s’il ne parlait pas trop anglais, il savait être assez clair avec des gestes.

Cette fois, le shooting était plus dur que les précédents mais la rémunération était plus intéressante également. J’ai alors déclaré : “Je ferais ça tous les jours si je le pouvais” en n’imaginant en aucun cas que je pourrai avoir assez de travail pour en faire mon métier.

J’ai envoyé les photos que j’avais faites à des agences mais 90 % de mes proposition de shootings continuaient à arriver d’Instagram et elles restaient encore trop rares (3, 4 shootings par mois) pour que je puisse en vivre… jusqu’à novembre ~ décembre où j’ai enfin eu assez de travail pour en vivre et même pour économiser un peu !

Une des agences (Souline Agency) m’a fait confiance et m’a donné toujours plus de travail avec un salaire meilleur que d’autres.

J’ai alors arrêté de travailler au café et au restaurant car je commençais à avoir trop de travail. J’ai cependant continué de travailler à la guesthouse car les patrons étaient assez souples. Je pouvais continuer de travailler pour eux les semaines plus creuses que les autres.

Les mois ont passé et j’ai continué à demander des cachets plus élevés pour “éviter” d’avoir trop de shootings mais les marques ont tout simplement augmenté leur budget. En ce moment, je travaille tellement que même si je suis à Hong-Kong pour une semaine, je gagne plus que le mois précédent car j’ai toujours un ou deux shootings par jour. Parfois les agences me proposent des shootings le même jour, du coup, je choisis celle qui rémunère le mieux.

En parlant de Hong-Kong, j’y suis en ce moment pour y faire un visa coréen C­4 (Celebrity, fashion model…) grâce à l’agence Souline qui m’a sponsorisé. Je peux alors travailler pour de grandes marques (qui refusent les mannequins qui n’ont pas de visa C­4) comme Samsung, LG, etc. mais je ne sais pas exactement ce que ça va donner ^^

Maintenant, je pense que je vais quitter ma guesthouse (qui a aussi grandi et qui accueille de plus en plus de monde, pas étonnant puisque c’est l’une des meilleures guesthouses notées sur des sites de réservation comme Booking, Agoda ou TripAdvisor). Je vais habiter dans le quartier de Gangnam où a lieu une grande partie de mes shootings.

Pourquoi penses-tu que les marques s’intéressent à toi ?

Pour ce qui est de l’attirance des marques, je pense que c’est surtout mon visage de simple Français qui plait. Je peux avoir un visage de garçon comme de jeune homme sérieux. Parfois, les marques aiment mon sourire mais je n’aime pas mes dents qui ne sont pas alignées… et ça rend les photos moins bonnes que lorsque je garde un visage naturel.

Le fait que je sois en indépendant (freelancer) intéresse pas mal les clients également car du coup, je suis moins cher que les mannequins en agence qui se partagent souvent les cachets avec l’agence coréenne et leur agence “mère” dans leur pays.

Également, j’essaie d’être le plus professionnel possible dans chaque travail que j’accepte, surtout ceux pour les agences car si le client est content, il le dira à l’agence qui me mettra en tête de liste pour chaque travail, car ils auront confiance en moi.

Par ailleurs, j’ai eu beaucoup de shootings pour des marques qui utilisent des online shopping malls comme Hiphoper, Musinsa ou W Korea, ce qui fait que je commence à être connu de beaucoup de marques qui utilisent ces sites (à vue de nez, je dirais environ 2 000 marques).

Alexis - Devenir mannequin en Coree - Site de vente en ligne

Comment on devient mannequin ? Surtout dans un pays dont on ne connait pas forcément bien les codes et la langue ?

On devient mannequin en n’hésitant pas à saisir toutes les opportunités qui se présentent au début et ça pendant au mois 6 mois, je dirais. Il faut persévérer même si à la fin du mois, ça ne fait pas beaucoup d’argent sur le compte, quand on débute. Puis après quelques mois, il faut trouver son/ses style(s). Plus on est polyvalent, mieux c’est. Par exemple, mes meilleurs styles sont « garçon, vêtements colorés, visage neutre/pur, menton relevé, pose très simple » ou « jeune homme sérieux, couleurs plus formelles, regard sérieux, menton plus bas, pose plus dynamique/chic ».

Alexis - Devenir mannequin en Coree - Negatifs

Alexis - Devenir mannequin en Coree 2

Alexis - Devenir mannequin en Coree - Shooting studio

Pour moi, c’est venu avec l’expérience, en regardant les autres modèles faire, en analysant mes poses sur l’appareil photo du photographe ou sur l’ordinateur et en me demandant “est-­ce que cette pose est jolie et est-­ce qu’elle va bien avec le style de vêtements que je porte ?”.

Je suis généralement plus sévère avec moi­ que ne l’est le client. Parfois, pendant les shootings, les clients ne parlent pas beaucoup. Je déteste ça car je ne sais pas si les photos leur plaisent ou non… je leur demande alors ce qu’ils en pensent. Et même s’ils disent que c’est bien, je jette un coup d’œil aux photos pour savoir si, subjectivement, c’est bien ou non. Ca me permet aussi de voir comment le photographe prend ses photos. Par exemple, s’il prend uniquement des portraits, je n’ai pas besoin de prêter attention au reste de mon corps, je dois me focaliser sur mon expression, mon regard et la relaxation de mon visage (c’est parfois difficile de relaxer totalement son visage, surtout lorsque l’on fait quelque chose à répétition ou que l’on est fatigué).

Alexis - Devenir mannequin en Coree - Portrait

En ce qui concerne la langue, au début, mon ex petite-amie venait aux shootings pour jouer les interprètes mais je me suis rendu compte que cela créait une distance de plus entre les clients et moi. Maintenant, même s’ils parlent peu anglais, je préfère discuter avec des mots simples mais directement avec eux.

Qu’est-­ce que tu aimes et qu’est-­ce que tu n’aimes pas dans ce travail ?

Ce que je n’aime pas, c’est les délais très longs qu’il peut y avoir avant de recevoir sa paie, 2 fois j’ai attendu presque 3 mois. Ce qui est déplaisant aussi, c’est lorsqu’on se rend compte que certaines personnes ne sont que des beaux parleurs qui cherchent juste à empocher de l’argent sans rien faire, si ce n’est l’intermédiaire pendant les rendez-­vous pour les shootings.

Ce que j’aime dans ce travail, c’est la diversité. À part pour certains clients qui ont de nouvelles arrivées chaque mois, l’endroit change : parfois en studio…

Alexis - Devenir mannequin en Coree - Studio

… parfois dehors (j’ai pu trouver des coins super sympa à Hongdae et Itaewon, par exemple)…

Alexis - Devenir mannequin en Coree - Shooting exterieur

Les personnes changent même si je retrouve souvent les mêmes photographes et maquilleuses/coiffeuses, ça rajoute une bonne ambiance, une belle harmonie ; les vêtements changent, ça permet de se trouver un style pour la vie de tous les jours. Et puis on rencontre les directeurs de grandes marques parfois, des photographes très professionnels, bref, on se créer un réseau.

J’adore ça, partir de zéro et se créer une toile de professionnels qui nous connaissent et nous reconnaissent car ils savent que l’on est professionnel dans notre travail. C’est super gratifiant quand on entend “Bonjour, mon ami designer/photographe t’a recommandé pour mon prochain lookbook et j’aimerais travailler avec toi.”

Le plus gratifiant, c’est de voir mes photos sur les sites populaires ou dans les magasins et les magazines ou quand mes amis m’envoient des photos/captures d’écran en me demandant “C’est toi ???”. Je suis plutôt fier de répondre : “Oui, c’est bien moi”. 🙂 J’ai rencontré beaucoup de monde en Corée et c’est toujours sympa quand ils reviennent discuter sur kakaotalk ou instagram en me disant “Hey, je t’ai vu partout ! Tu es devenu un grand mannequin en Corée !”.

Alexis - Devenir mannequin en Coree - Publicite

En ce qui concerne ma popularité en dehors du monde de la mode, je n’ai jamais eu de personne inconnue me demandant “C’est toi ?” car je n’ai pas vraiment essayé de participer à des shows télé, par exemple. Ce n’est pas mon objectif. Si je voulais vraiment passer à cette étape-là, j’aurais besoin d’apprendre le coréen pendant un ou deux ans. Mais si l’occasion se présente de participer à un show TV, pourquoi pas ! Ça ne pourrait être que positif pour ma carrière.

À quoi ressemble une journée pour toi ?

En général, les shootings durent soit une journée complète (environ 9~10 h), soit une demi-­journée (5 h). Quand je n’ai pas de shooting, j’ai souvent des meetings/castings pour de prochains shootings.

Pour une demi-­journée typique de travail, je commence à 13 h, maquillage/coiffure jusqu’à environ 13 h 45…

Alexis - Devenir mannequin en Coree - Maquillage

Début du shooting, pendant environ 30 minutes, on “s’échauffe”… Après les premières photos, on (le photographe, le designer et moi) discute des photos pour savoir si ça va et, si ce n’est pas le cas, on voit ce qu’on peut modifier, quelles poses sont les meilleures, etc. Puis jusqu’à 18 h, je change entre 20 et 40 fois de vêtements pour les shootings en studio. Pour les shootings en extérieur, c’est plutôt 10 à 20 tenues.

En France, tu travaillais en micro-mécanique, tu es maintenant mannequin. On peut parler de Korean Dream ? 

Un peu ! En fait, en France, je n’ai jamais rêvé de trouver un super boulot en Corée, je pensais que je travaillerais à l’usine comme en France. J’avais juste entendu dire qu’il y avait plus d’opportunités en Corée pour les ingénieurs… c’est ce que je répétais à ma famille pour ne pas trop les inquiéter même si je n’en savais pas grand chose au final…

Je pense que c’est le fait de ne rien attendre d’une telle expérience qui permet d’ouvrir le champ des possibles : si on part avec des idées bien précises de ce qu’on va faire, ça peut faire passer à côté d’opportunités parfois meilleures que ce qu’on cherchait initialement. Il faut bien sûr se poser quelques limites (définies par le visa principalement) mais pas plus. C’est de cette manière que vous ferez tout un tas d’emplois qui vous permettront de vous faire des contacts qui vous feront découvrir d’autres endroits, d’autres personnes et qui vous donneront peut-être de nouvelles opportunités… ne soyez pas fermés !

Est­-ce que tu vis bien en Corée avec tes cachets ? 

Plutôt oui, je ne peux pas en parler publiquement mais je gagne assez pour vivre seul dans un appartement dans un des quartiers les plus chers de Séoul et pour économiser.

Le salaire fonctionne aussi sur le concept du “travailler plus pour gagner plus” vu que je travaille à l’heure. Et vu que j’aime bosser (moi, workaholic ?), je travaille le plus possible même si en ce moment, j’essaie de m’accorder quelques jours pour me reposer, m’adonner à des mes passions, voir mes amis et voyager.

En début de PVT, tu as fait d’autres boulots. Tu peux nous en parler ? 

Quand je suis arrivé en Corée du Sud, j’ai cherché une guesthouse où vivre pendant quelques mois en négociant un prix au mois. J’ai vécu dans environ 6 guesthouses à Séoul mais la plupart n’étaient pas confortables (chambre de 10 lits, douches communes/problème d’eau/peu hygiénique, odeur de kimchi, design pauvre, environnement bruyant…) jusqu’à trouver la bonne, où j’habite depuis un an (Yooginong guesthouse). J’ai alors demandé aux patrons si je pouvais avoir une réduction pour un hébergement longue durée puis quelques jours plus tard je leur ai demandé s’ils voulaient que je travaille pour eux. On en a discuté et ils étaient contents et d’accord. Je travaillais alors 2 à 4 heures par jour, 5 jours sur 7, à faire le ménage et je pouvais loger gratuitement dans la guesthouse.

J’ai ensuite travaillé dans un café français dans le quartier de Noksapyeong pendant environ 2 mois. Le patron avait trouvé mon profil sur Craigslist et m’avait donné rendez-vous le lendemain. Malheureusement, le café ne marchait pas bien car la localisation était mauvaise (sur une butte, après un virage, dans un quartier où les gens se baladent en couple, à pied) et la paie n’était pas très élevée (6 000 Won/h). J’y travaillais avec des Français qui étaient aussi là en PVT et qui sont devenus de bons amis. Ils m’ont parlé d’un travail qu’ils avaient fait pour une agence de mannequins et qui était bien payé (500 000 ₩ la journée de 10 heures), c’est là que je me suis dit “Wow, ça serait cool si je pouvais faire ça, moi aussi”.

J’ai aussi travaillé dans un restaurant indien reconnu dans le quartier ancien de Séoul (Insadong). Je m’occupais surtout des clients étrangers (principalement américains et indiens). La paie était meilleure qu’au café (de 7 000 à 8 000 ₩/h) mais le travail était dur et les heures supplémentaires étaient fréquentes même si elles n’étaient pas toujours payées.

J’ai aussi essayé de donner quelques cours particuliers mais ça n’a pas duré plus de 3 semaines. Pendant ce temps, je cherchais d’autres petits boulots sur Craigslist. C’est alors que j’ai trouvé l’annonce de l’agence dont je vous parlais plus haut.

Avec ce parcours très réussi, qu’est-­ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ? 

La santé ! Parce que je n’ai pas encore souscrit à une nouvelle assurance (mon PVT vient de se terminer, mon assurance PVT aussi).

Alexis

Bonjour à tous !

Je m'appelle Alexis, j'ai 24 ans, originaire de Dole dans le Jura en Franche-Comté. Cela fait plus d'un an que je suis en Corée et je suis tombé amoureux de ma vie ici. :)

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