Les débuts difficiles de la randonnée
La randonnée, ça n’a jamais été une évidence pour moi. J’avais déjà fait pas mal de randonnées en France. Quand j’étais petite, comme plein d’enfants, je soufflais quand mes parents m’emmenaient marcher. Toutes les 10 minutes, qui me paraissaient des heures, je demandais : « C’est bientôt fini ? ».
Puis, je ne sais par quel miracle, je me suis retrouvée à 16 ans à faire un trek autour du mont Blanc pendant une semaine. C’était dur, mais l’énergie du groupe et les endorphines ont été assez miraculeuses. Ensuite, les randonnées en vacances avec les copains et les copines, et finalement les randonnées seule. C’est venu progressivement. Je prenais goût à y aller, j’avais mes itinéraires préférés et je prenais plaisir à faire cet effort physique en pleine montagne.
L’aventure en Patagonie
Puis, je suis partie en Patagonie, mes chaussures de marche dans le sac, bien décidée à découvrir tous ces endroits qui me faisaient rêver depuis des années. Je n’avais aucune idée de la difficulté ni de mes capacités.
Quelques randonnées d’échauffement entre Bariloche et El Bolsón. Des échauffements de plus en plus longs. Je finis par faire des sorties de 20 kilomètres, sur des sentiers plus ou moins compliqués. J’avance à mon rythme, je ne m’arrête pas. Parfois je suis seule, parfois je suis accompagnée, parfois je mets de la musique dans mes oreilles, parfois je laisse les bruits de la montagne et mes pensées envahir ma tête. Je commence à aimer, mais je doute toujours.
Les défis à El Chaltén
Puis, au sommet de mes questionnements et de ma fatigue du voyage, j’arrive à El Chaltén, LE paradis des randonneurs. Je récupère une carte des principaux sentiers, je suis effrayée par le nombre de kilomètres et d’heures annoncés. Je ne me sens pas capable, pas légitime, et je me demande ce que je fais là. En plus, on capte très mal à El Chaltén, donc je me sens très isolée et mon auberge ne me convient pas.
Mais je finis par faire la bonne rencontre au bon moment. Je rencontre trois personnes avec qui le courant passe immédiatement. Nous nous retrouvons le lendemain pour aller marcher, une petite randonnée de rien du tout, même pour moi, trop facile.
Le groupe s’étiole et nous nous retrouvons à deux. Elle est argentine et, de mon point de vue, une pro de la montagne. Elle me propose une grosse randonnée, pas la plus grosse du coin, mais quand même. L’une de celles qui me faisaient peur quand je suis arrivée. Je dis oui, mais je ne suis pas à l’aise, j’ai peur d’être trop lente, de ne pas y arriver. On se met d’accord dès le début : elle n’est pas obligée de m’attendre. Il y a 20 kilomètres de randonnée avec un dénivelé de 1 000 mètres. Il faut monter pendant 10 kilomètres, puis redescendre. La carte annonce 8 heures de marche.
Je me cale sur son rythme dès le début. Au bout d’un quart d’heure, on est échauffées et on accélère. On ne s’arrête pas. On boit et on mange en chemin, c’est technique mais on s’habitue. La montée se passe très bien, on discute. Puis on sent qu’on se rapproche du sommet, le vent souffle de plus en plus fort. On fait une pause déjeuner rapide, à l’abri derrière une pierre. On se couvre et on continue de monter. À plusieurs reprises, on frôle l’accident, presque emportées par le vent. On arrive au sommet. La récompense après cet effort est la vue magistrale que nous avons sur la Laguna Torre et les condors qui volent au-dessus de nos têtes.
Pour la descente, elle me dit qu’elle va sûrement courir parce qu’elle préfère, ça fait moins mal aux genoux, c’est plus rapide et c’est plus amusant. Peu solide sur mes appuis, je lui dis de partir sans moi, on se retrouve en bas. Je la vois déguerpir, ça a l’air bien. Je le tente, je cours, je m’envole, j’adore. J’ai l’impression d’avoir 8 ans et de courir plus vite que la lumière. Je la rejoins, elle me sourit et me dit : « Tu vois que tu pouvais le faire ». On descend très vite de cette montagne. On n’a pas couru pendant les 10 kilomètres, mais même quand on ne courait pas, on cavalait, comme si on avait des ailes. Mon corps était à l’aise, fort, et plein de réflexes. On doublait d’autres marcheurs dans la descente. Je me sentais légitime et fière. La randonnée n’était plus une activité lointaine et étrangère.
La randonnée du lendemain était plus longue et plus dure. On a marché sur un pierrier pendant des heures. J’ai le vertige et aucun équilibre, donc je n’étais pas du tout à l’aise. J’en suis ressortie plus forte. Le point d’arrivée, une lagune bleue, la Laguna Sucia, alimentée par un glacier au pied du Fitz Roy. Une incroyable récompense et ça y est, je suis baptisée.
De nouveaux sommets à Torres del Paine
Puis je quitte El Chaltén et je continue mon chemin seule vers le sud. Petit détour vers le Chili, à Puerto Natales pour aller dans le parc de Torres del Paine. J’ai en tête l’idée de faire la grande randonnée de 26 kilomètres pour aller jusqu’à Base Torres del Paine. Cette fois-ci, je serais seule. Je me débrouille tant bien que mal et organise tout au dernier moment. Le matin, quand mon réveil sonne à 6 heures, je suis à deux doigts de ne pas y aller, il pleut dehors. Finalement, je ne sais par quel miracle, je me motive et j’y vais. Il y a 2 heures de bus pour se rendre à l’entrée du parc naturel. Puis je commence à marcher. Je rencontre deux personnes et je fais le chemin avec elles. Je suis leur rythme. La randonnée est difficile mais ça va. La fin surtout est longue et compliquée, encore un pierrier. Je ralentis, mais j’y arrive. La vue à l’arrivée vaut tous les dénivelés du monde, encore un lac, encore un glacier. Puis on redescend doucement. On fait de longues pauses puisqu’on a beaucoup de temps avant les premiers départs de bus. Une fois en bas, on attend avec une bière, presque en silence, en admirant le paysage sous la lumière du jour qui tarde à se coucher. La Patagonie en plein été, c’est incroyable. Les journées sont très longues et on peut rentrer d’une randonnée à 22 heures, il fait toujours jour. Un sentiment de satisfaction intense m’envahit. Je l’ai fait. Je me suis sentie bien. C’était mon initiative cette fois-ci, je me suis organisée et je l’ai fait jusqu’au bout. Je prends de l’assurance.
La randonnée en solo à Ushuaïa
L’étape suivante est Ushuaïa. Je monte jusqu’au glacier Martial, environ 19 kilomètres aller-retour. Je passe par toutes les températures, en finissant dans la glace. De là-haut, j’ai une vue sur la baie du bout du monde. Il y a même un arc-en-ciel, c’est magique. La fin est vraiment dure. J’avance pas à pas. Le sommet se rapproche. Je me sens extrêmement bien, shootée aux endorphines. Pendant la descente, je plane. Je suis montée sans rien dans mes oreilles, en duo avec mes pensées. Mon cerveau tournait, et mon corps était en mode automatique. C’est comme si le fait de mettre un pied devant l’autre actionnait la machine pour que tout marche. Je descends avec de la musique dans les oreilles. Mon sentiment de plénitude est intense. J’adore la randonnée.
Un anniversaire mémorable à Bariloche
C’est ainsi que je me retrouve le jour de mes 28 ans, quelques semaines plus tard, dans un de mes nouveaux endroits préférés au monde, Bariloche, au nord de la Patagonie, entre lacs et montagnes. On m’a demandé : « Qu’est-ce que tu veux faire le jour de ton anniversaire ? ». J’ai répondu : “une randonnée”. Cette fois-ci, je n’étais plus la débutante, j’accompagnais une amie qui n’en avait jamais fait. 18 kilomètres avec un chouette dénivelé. C’était une très bonne journée. J’étais à ma place.
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