Pourquoi cette idée folle ?
C’est une excellente question, il est facile d’y répondre avant et après mais parfois, pendant, on se pose vraiment la question.
J’avais effectué une randonnée similaire en Laponie deux ans auparavant, une amie et Piia (ma copine) m’avait accompagné sur une bonne moitié des 1 400 km réalisés à cette époque.
Nous avons vécu un an en Alaska avec Piia, j’avais envie de prendre un peu de vacances avant de commencer mon PVT au Canada. De plus Piia n’a jamais parcouru plus de 500 km à pied et avait vraiment envie d’essayer. Ce fut la base de tout.
Les Rocheuses canadiennes sont réputées pour être magnifiques, Piia en tant que Finlandaise ne connait pas bien les montagnes, elle a de suite été conquise lorsque je lui ai proposé cette destination.
J’ai commencé à parcourir forums et sites web à la recherche d’un itinéraire qui nous conviendrait, nous sommes quelque peu difficiles en matière de randonnée puisque nous aimons être seuls et isolés au maximum. J’ai trouvé un ancien itinéraire, vraiment peu fréquenté de nos jours, nommé le Great Divide Trail (ou GDT pour les intimes).
Ce tracé m’a de suite conquis, le départ se fait dans le parc national de Waterton, à la frontière américaine ; et se finit dans le parc provincial de Kakwa. Le tracé représente 1 200 km, passant à travers des paysages très variés, donnant un bon aperçu de la diversité des Rocheuses. Nous avons rallongé de 100 km afin d’arriver directement dans une ville : Grande Cache.
Etant nouveaux arrivants au Canada nous avons pensé que ce parcours serait l’idéal pour faire connaissance avec notre pays hôte, voilà comment tout a commencé.
Qu’est-ce que le Great Divide Trail, quel est l’itinéraire ?
Le Great Divide Trail est un parcours longeant plus ou moins la ligne de partage des eaux et donc la frontière entre l’Alberta et la Colombie britannique. Ce n’est pas un sentier comme peuvent l’être le Pacific Crest Trail ou West Coast Trail aux Etats-Unis, il n’existe pas à proprement parler.
Le GDT est un ensemble de sentiers indépendants plus ou moins bien entretenus qui, lorsqu’ils sont connectés forment un parcours de 1 200 km à travers les Rocheuses canadiennes.
Ce sentier virtuel ou trace, traverse pas moins de six parcs nationaux, dont Banff, Kootenay, Yoho et Jasper, ainsi que sept parcs provinciaux, dont Peter Lougheed, Height of the Rockies, Mount Assiniboine et Mount Robson.
Lorsqu’elle traverse ces parcs, cette trace emprunte le plus souvent des sentiers très peu utilisés, c’est ce qui fait de ce parcours l’un des plus éprouvants au Canada.
La plupart des personnes empruntant cette trace utilisent un livre, publié par Dustin Lynx, qui guide le randonneur à travers le dédale de sentier auquel il va devoir faire face, un GPS de qualité est également une bonne idée.
Le départ se fait généralement du parc national de Waterton et la trace s’étend ensuite jusqu’à Coleman.
De Coleman le sentier se dirige vers Elk lakes provincial park, puis vers le parc national de Banff. Après Banff, la trace traverse les parcs de Yoho et Kootenay avant d’arriver au parc national de Jasper.
De Jasper à Kakwa, le sentier traverse les parcs de Mount Robson et la zone naturelle de Willmore.
Ce qui fait un total avoisinant les 1 200 km.
Comment vous êtes-vous préparés ?
La préparation pour nous fut strictement pratique, sur une randonnée d’un peu plus d’un mois nous ne faisons aucune préparation physique, nos corps s’habituent petit à petit à la routine.
Pour ce qui est de la préparation pratique, on peut séparer cela en deux phases, l’une purement matérielle et l’autre plutôt logistique.
Pour ce qui est de l’aspect logistique, nous sommes tous les deux géographes, cela nous aide énormément pour la planification. On s’aide énormément d’images satellites et cartes diverses pour identifier les passages difficiles, l’objectif étant de définir une sorte d’agenda nous permettant de planifier notre nourriture.
Nous voulions avoir le sentiment d’être totalement autonomes et ne pas avoir à s’arrêter dans chaque ville pour se ravitailler, ça nous laisse la possibilité de changer de plans à souhait. Nous avons donc emporté 15 jours de nourriture à chaque ravitaillement. Et n’avons utilisé que deux points de ravitaillement sur 1 300 km : le premier à Banff et le second à Jasper.
Pour l’aspect matériel, nous aimons emporter un sac relativement léger, en effet notre objectif était de partir avec un sac à dos ne pesant pas plus de 5 kg (nourriture non comprise). Cela demande une étude sérieuse des conditions climatiques, du terrain et des aléas liés à celui-ci ; ça prend également pas mal de temps. Cela passe par des heures passées sur des forums spécialisés (Randonnerleger.org est notre source d’informations principale) et des heures passées en magasin afin d’optimiser le moindre gramme. Notre liste de nourriture est également issue d’une planification pointue afin d’optimiser le poids en fonction de la masse énergétique.
Cela nous a pris environ 5 mois, nous sommes partis trois jours en randonnée dans le parc provincial de Monkman pour tester notre liste et notre organisation avant de se déclarer prêt à partir.
Est-ce que tu penses que c’est un défi à la portée de tout le monde ?
Je pense que marcher 1 300 km est à la portée de toute personne motivée et sérieuse. Nous avons voulu nous mettre au défi sur ce sentier donc peut être que tout le monde ne pourrait pas le faire dans les mêmes conditions, en effet nous n’avions ni GPS ni le livre, juste une petite carte. Le choix de rester 15 jours en autonomie n’est peut-être pas fait pour tout le monde non plus.
Mais il y a tellement de façons différentes de randonner ! Il y a quelques personnes qui ont parcouru la totalité du GDT en deux mois en se prenant une chambre d’hôtel par semaine, c’est une aventure différente, peut-être plus abordable, mais ça reste une sacrée aventure. Donc oui je pense que tout le monde doit pouvoir faire cela à condition de bien planifier la chose.
Pour être plus précis je dirais que ce défi est à la portée de toute personne ayant une bonne expérience en montagne et étant capable de se servir d’un GPS, pour le reste ce n’est qu’une question d’organisation.
Quels conseils essentiels pourrais-tu donner pour bien se préparer et réussir ?
Je pense que la lecture des différents blogs qui ont été publiés par des personnes l’ayant parcouru aide beaucoup à évaluer les conditions et à décider si oui ou non on est capable de le faire. Le problème et également l’intérêt de ce tracé est qu’il peut changer d’un jour ou l’autre selon les conditions météorologiques, il peut neiger en plein mois d’août, une rivière peut envahir toute une zone et cacher le sentier, etc…
L’équipement est un point important, il faut connaître son matériel et ses limites afin de pouvoir s’adapter au mieux aux conditions rencontrées.
La motivation est un autre facteur important, 1 200 km c’est pour la plupart des gens plus d’un voire deux mois de randonnée. Sur une telle période il y a des périodes de doute, de fatigue extrême, de grosses galères, sans motivation je ne pense pas qu’on puisse aller bien loin. D’autant plus que, comme pour tous projets, un nombre incroyable de personnes essayent de vous dissuader à partir.
Tes meilleurs souvenirs ?
Il y en a des milliers, je n’ai pas encore évoqué le fait que nous avons randonné en dessous de l’une des plus grosses tempêtes de l’histoire de l’Alberta. Nous avons vu un grand nombre d’hélicoptères évacuer des randonneurs autour de nous mais nous sommes restés et avons continué. Après cet événement, nous avions une motivation supplémentaire. Nous avons traversé des paysages dévastés de Coleman à Banff pendant une grosse semaine, perdant parfois plus de deux heures pour trouver un moyen de traverser les rivières en crues. Juste avant Banff, au gîte de Mount Assiboine, nous avons rencontré des gens, ils étaient ahuris de nous voir arriver car du fait de la tempête, tous les accès au gite autre que par air étaient coupés. Nous leur avons raconté notre histoire, nous n’avions vu personne depuis une semaine, et ils nous ont offert une tasse de thé avec une part de gâteau, nous étions si fiers d’être arrivés jusque-là.
En quittant Jasper, nous avons connu quelques jours difficiles, pas de sentier, des zones extrêmement humides, une météo très capricieuse. Tout s’est terminé lorsque nous avons bifurqué en direction du col de Bess, le soleil est réapparu alors que nous marchions le long d’une jolie rivière. La vue s’est dégagée et nous avons pu admirer la montagne de Chown et ses magnifiques glaciers. Peu après, nous avons perdu le sentier et passé quelques heures difficiles dans une forêt dense, jusqu’à atteindre le col de Jackpine situé de l’autre côté de la montagne de Chown. La vue au col était époustouflante, un rayon de soleil venait éclairer le glacier situé juste en face de nous, produisant des contrastes et jeux de lumières magnifiques. Le plus bel endroit de tout le parcours à notre avis.
Un petit dernier pour la route, une pause déjeuner sur une petite île au milieu d’une rivière d’un bleu vert intense, sous un grand soleil, entouré de deux longues et magnifiques parois rocheuses. L’endroit idéal pour récupérer.
Pour le meilleur souvenir en termes de paysage, ce fut dans le parc de Willmore, a un col nommé le col de Bess. De cet endroit nous avions une vue incroyable sur un glacier de l’autre côté de la vallée, c’était juste magique de se trouver la. Encore une fois nous n’avions vu personne depuis plus d’une semaine, la montagne était juste pour nous, magique !
Des moments de galère, des regrets ?
Comme évoqué précédemment la tempête a été difficile pour nous puisque chaque petit ruisseau s’était transformé en rivière difficilement franchissable. La plupart des sentiers étaient sous les eaux, la navigation était encore plus difficile que d’habitude. Tous les ponts de la zone ont été détruit ce qui nous a obligé à prendre quelque bains boueux.
Dans le parc de Willmore, nous avons craint de ne pas avoir assez de nourriture, nous n’avions pas de sentier et devions marcher dans des champs d’arbustes aux branches entremêlés, nous devions nous battre a chaque pas, notre progression était si lente que nous nous sommes demandés si nous allions pouvoir rejoindre Grande Cache avant d’être a court de nourriture. Heureusement cette partie ne s’étendait que sur une trentaine de kilomètres.
D’autres projets à venir ?
Nous avons passés 39 jours dans les montagnes canadiennes, ce fut une aventure fantastique MAIS nous allons surement prendre un peu de repos avant de repartir pour une folle aventure ! Nous allons surement partir en nouvelle Zélande l’an prochain, nous ferons sans doute la randonnée de 3 000 km traversant le pays, on ne manquera pas de vous faire partager ça.
Photos par Piia Kortsalo et Julien Schroder
(16) Commentaires
Salut à toi et chapeau pour la traversée des rocheuses!
Vu que je veux essayer de me faire une traversée du canada, ce Great Divide Trail m’intéresse.
Par contre question, quelle nourriture emportiez vous tout au long du trajet et quel était votre façon de la cuisiner?
Nous sommes assez extrêmes pour la nourriture 😀
Matin => Muesli – Chocolat en poudre – Lait de bébé
Midi => Cacahuètes et viande séchée
Soir => Pates mélangés avec cacahuètes gout barbecue et viande séchée
Pauses => chocolat
Pour ce qui est de la cuisson, nous ne faisions chauffé que le soir, avec un réchaud à bois.
ah quand même, c’est de la randonnée!
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