1. #1
    Avatar de Lilou
    Julie

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    J-1

    Jour 1 - Un nouveau monde

    Diiiiingggg… Diiiiingggg ! Nonnnn, il est déjà 4h ! J’ai pris du temps avant de m’endormir et ce n’est qu’une fois avoir cédé à la tentation de prendre l’oreiller emprunté de façon permanente à l’auberge par laquelle nous sommes passées à Adélaïde - Australie, que j’y suis parvenue.
    C’est dans ce contexte peu favorable que commence cette première journée. Chaque journée est identique, les cours sont les mêmes, aux mêmes heures, dans la même salle, les repas ont des horaires bien fixes également et leur variété laisse à désirer. C’est ainsi que commence notre initiation à ce qu’ils appellent « dukkha », à traduire par privation, souffrance, ennui, simplicité de la vie, et qui est, d’un point de vue bouddhiste, le seul et unique moyen d’atteindre le bonheur parfait.

    On commence par une lecture d’un quart d’heure, portant sur le Bouddhisme et ses principes clés, suivie d’un quart d’heure de méditation. Aucun conseil ne nous ai encore donné. Par automatisme, on s’assoit tous en tailleur et on met nos mains sur nos genoux, cliché vous ne trouvez pas ?
    On réveille ensuite son corps – qui en a bien besoin – avec une heure et demie de yoga. La professeur n’est autre qu’une « participante » comme Camille, comme moi, qui a accepté d’assurer ce cours lorsque la directrice lui en a demandé la faveur, en précisant que le temple se retrouvait sans professeur. Je trouve son geste très gentil car, en acceptant, elle se prive d’un silence complet de 10 jours et de la détente que l’on ressent lorsqu’elle nous guide et nous berce de sa voix de professeur de yoga confirmé.

    Une demie heure de Dhamma Talk, consacré au Bouddhisme, ses fondements et à la vie de Bouddha, a pour but de nous en apprendre plus sur le pourquoi de notre venue au temple. Malheureusement, celui qui assure ce cours est le même vieux moine thaïlandais qu’hier et j’ai beaucoup de peine à distinguer d’autres mots que « Buddha » et « suffering ». Une demie heure de méditation s’en suit pendant laquelle se font ressentir les premiers signes de faim d’un ventre vide depuis hier, 12h30.

    J’essaie de me focaliser sur ma respiration puisque c’est apparemment comme ça que tout commence, mais je ne parviens pas à rester concentrée plus de quelques secondes, car mon cerveau joue avec moi. Je fais tout pour zapper ce qu’il m’envoie, c’est pas gagné !
    Le petit déjeuner se compose d’une sorte de bouillie de riz, avec des haricots rouges et tout plein d’autres aliments non identifiés. Il y a également de la salade, des concombres et des petites bananes. Je suis contente, c’est consistant, ça me rassure, car le rythme « repas à 8h, repas à 12h30, thé à 18h » est bien loin de mon rythme habituel de gourmande…

    On s’assoit tous les uns en face des autres, les garçons à droite de la salle, les filles à gauche (alors que dans la salle de méditation, les filles sont assises à droite et les garçons à gauche), après s’être servis sur la table buffet, mais on ne commence pas immédiatement à manger. On attend que tout le monde soit assis et on récite une « food reflection » qui dit que l’on s’apprête à manger ce repas, non pas par plaisir, pour jouer, pour s’embellir ou pour grossir, mais pour maintenir notre corps en bonne santé.

    La digestion ne va pas de pair avec la méditation, nous avons donc deux heures de pause, pendant lesquelles je m’endors lamentablement sur ce qui me sert de lit et qui – à cet instant T – me satisfait amplement !
    Dhamma talk consacré, exceptionnellement – Jour 1 oblige – aux positions à prendre pour méditer et aux « trucs » à connaître pour ne pas accumuler les échecs. Voici les différentes positions qui nous sont exposées : assis en tailleur, mais des fourmillements sont à prévoir après quelques minutes ; à califourchon sur un coussin épais, les jambes et les pieds repliés en arrière ; en tailleur, les jambes disposées l’une à côté de l’autre devant soi (j’entends par là qu’aucune jambe ne fait ainsi pression sur l’autre); en « half lotus », c'est-à-dire avec un pied positionné assez haut sur la jambe opposée et enfin en lotus, les deux pieds positionnés de la sorte. Quant au mains, elles peuvent être posées sur les genoux – aucun besoin cependant de faire se toucher le pouce et le majeur – ou être jointes devant soi, au niveau du ventre.

    Nous voilà désormais initiés à la « walking meditation » qui consiste, comme son nom l’indique, à méditer en étant debout et/ou en marchant. Il faut lever le pied très lentement, l’avancer doucement également et le poser délicatement sur le sol, pas trop loin du pied qui reste immobile, mais pas trop loin non plus. La walking meditation se fait sur une surface de 5 mètres environ sur laquelle il faut faire des allers et venues, comme lorsqu’on fait les cent pas. Je m’exécute mais je vous avoue que je ne comprends pas trop à quoi tout ça rime. Je continue à me concentrer sur ma respiration et je ferme les yeux. Il est vrai qu’après ça, je me sens bien, zen, mais un tour dans mon lit adoré aurait eu un effet encore plus relaxant !

    On s’assoit à nouveau pour méditer, et même si je n’arrive pas vraiment à chasser les images envoyées par mon esprit, je préfère tout de même cette méditation-là – assise j’entends, par opposition à celle qui se fait debout - que je trouve, pour le coup, très relaxant. Une nonne, cette fois, vient nous donner un cours de « Loving Kindness », qui consiste à aimer son prochain et à enlever tout sentiment de colère ou de haine. Sa voix est posée, j’aime bien. Et après nous avoir parlé du sujet du jour, elle nous demande de fermer les yeux. Elle nous rappelle les idées principales qu’elle a précédemment exposées et les ponctue de « breathe iiiiin… breathe out », qui nous guident dans notre respiration et qui me détendent plus que tout le reste.

    Repas ! Un de ces petits riens de la vie qui prend tout son sens ici ! Du riz, de la salade, des concombres, des légumes, un plat jaune, je prends de tout, je suis trop heureuse de manger pour me préoccuper de ce que c’est. Le plat jaune, je m’en souviendrai toujours, ça devait être du curry… fort le curry… dur dur pour moi qui ne mange aucun plat épicé. J’éponge avec du riz et apprécie tout de même ce moment sacré.
    Il me reste une heure et demie pour digérer, que j’occuperai à méditer à ma façon, à l’horizontale, les yeux fermés, l’esprit loin, loin…
    A 14h30, la journée a déjà commencé depuis plus de 10h, je suis sur les rotules malgré mes siestes, qui, avec le recul, me zombifient sans doute plus qu’elles ne me reposent.

    Vient alors un cours sur la méditation que j’apprécie particulièrement car le professeur (ils préfèrent se qualifier d’« ami » et nous disent bonjour – au début de chaque cours – à nous, « Dhamma friends ») nous explique qu’au début, c’est difficile, que des informations se mêlent dans notre tête à des souvenirs, bons ou mauvais, des problèmes, des projets ou encore aux images des gens qu’on aime. C’est exactement ce que je ressens et son discours est le seul moyen pour moi de savoir que j’ai ma place ici et que je ne suis pas bizarre. Je me sens rassurée. Je m’imaginais déjà avoir une conversation dans dix jours avec les trois autres se battant pour raconter leur expérience en premier, pendant que moi, je n’aurais qu’à dire « je n’ai pas réussi… ». Ça ne me tracasse pas plus que ça pour le moment car le copain de Camille qui nous a inspiré ce séjour au temple lui a dit qu’il avait pris trois jours pour parvenir à méditer ne serait-ce qu’un peu…

    Nouvelle séance de méditation mobile, je ne vois décidément par l’intérêt de la manœuvre, je vais donc voir une nonne pour lui demander s’il s’agit vraiment de se focaliser sur la respiration – « ah mais non pas du tout, vous ne devez pas penser à votre respiration, mais vous concentrer sur vos pieds lorsque vous marchez, mais sans vous focaliser sur les mouvements que vous effectuez », comme quoi, il n’y a pas de question bête ! J'aurais pu passer dix jours à me torturer l’esprit, en quête de sens pour ces marches qui en sont totalement dénuées pour moi à l’heure actuelle. Enfin si, on peut dire que ça me fait sourire. Si l’on oublie un instant dans quel contexte on se trouve, on se croirait facilement dans un centre psychiatrique. Beaucoup de gens sont en blanc, tout le monde marche en solo, dans son coin et à une lenteur assez déconcertante je dois dire. Concentre toi Simone !

    En relevant la tête en me rinçant les pieds, j’aperçois une Camille au visage perdu. Elle me dit « j’y arrive pas… ». Je lui chuchote que j’ai un peu de mal moi aussi et que je trouve qu’on est pas assez guidés. Il ne faut pas oublier que nous sommes débutants et que ce genre de choses ne s’apprend pas sur le tas…
    Rapidement, avant que la cloche ne sonne, je vais dans ma chambre, prends un stylo, lui écris quelques lignes commençant par « Hey Gertr » (le surnom que je lui ai gentiment attribué ) et glisse le petit mot sous sa porte. En sortant, je la vois errer dans les allées, je lui fais un pouce en l’air (ce qui dans notre code initial, signifie que tout va bien). Léger désespoir dans son regard et étonnement flagrant de me voir faire ce geste, alors qu’elle, l’aurait plutôt fait dans le sens inverse. Je lui fais un clin d’œil, lui mime l’action d’écrire en lui indiquant le dortoir…

    J’arrive à me détendre pendant la séance de méditation suivante, je sens l’air entrer dans mon nez, mais j’ai encore du mal à le sentir en sortir. Ce sont les principes de base de la méditation. Il faut, pour pouvoir se concentrer sur sa respiration, avoir conscience de ce qu’elle est, de ce qu’elle fait. C’est pourquoi, il faut sentir la fraîcheur de l’air entrer dans son nez et – comme il en ressort à la température du corps et est donc plus difficilement détectable – essayer de le sentir sortir à son contact avec les narines. Autant dire que cette journée me fatigue beaucoup, je me creuse la cervelle, je me concentre sur des choses sur lesquelles je ne me suis jamais concentrée auparavant et c’est là que je vois l’utilité d’une nuit de douze heures ! Rêve pas Lilou, pour la grasse mat’, il va falloir attendre le 12 août, arg !

    Enfin ! Il est 17h, on va pouvoir faire sortir des sons de nos bouches et faire quelque chose que j’aime bien faire : chanter ! Tiens, ça me rappelle étrangement mes cours de latin tout ces mots qui finissent par « um » ! Le moine commence à chanter et je ne saurais qualifier ce que je ressens, c’est tellement… différent de ce à quoi je m’attendais.
    L’introduction de toutes les chansons est la suivante : « handa mayam » qui signifie, si ma mémoire est bonne, quelque chose comme « chantons ensemble » et dés les premières notes, on peut entendre les intonations « tribu indienne » qui caractérisent la façon dont les moines chantent. Difficile de vous faire parvenir la sensation, c’est rapide, sautillant et le « h » est prononcé à l’anglaise, vous saisissez un peu ?

    Cela dit, ça fait du bien de chanter et le professeur est plein d’humour, ça change un peu des moines précédents qui devraient prendre un peu exemple sur Bouddha et sourire un peu La demie heure passe donc à une vitesse folle ! Je vous parlerai demain du contenu des chansons…

    Une demie heure encore très appréciée de Loving Kindness avant d’aller prendre le thé. Le thé, sans vilain jeu de mot, c’est pas ma tasse de thé, du tout ! Quelle joie de découvrir du chocolat chaud dans une marmite près de celle remplie de thé. Goût un peu étrange – « lait de soja » dixit Camille – mais je m’en ressers deux fois, consciente que ce sera la dernière fois avant demain 8h que quelque chose autre que de l’eau, entrera dans mon estomac.

    A la pause, je vais dans ma chambre et trouve un bout de papier laissé par Camille me disant que mon petit mot de tout à l’heure lui a fait du bien et qu’elle espère vraiment que les deux prochains jours feront l’objet d’un déclic en elle, comme ça a été le cas pour son copain.
    Il fait une chaleur éreintante ici, j’ai besoin de me laver. Des énormes bacs en béton sont présents aux quatre coins du dortoir des filles et c’est là que nous sommes censées nous laver. Dans quelle tenue ? Pas en maillot de bain, ça c’est certain, nous sommes dans un temple ! Nous devons donc porter un sarong (un long bout de tissu), faire couler de l’eau dans des petits bacs, se la verser dessus, se nettoyer autant que faire se peut, se rincer, aller dans sa chambre, enlever le sarong, trempé vous vous en doutez, se sécher et s’habiller… hhmm… mouais !

    Pas envie de lutter à me laver craignant que mon sarong ne glisse sous le poids de l’eau, pour finalement ne pas très bien me laver alors que j’ai remarqué des douches dans les toilettes aujourd’hui lors d’un de mes nombreux voyages dans ces véritables lieux de soulagement, au vu de la quantité d’eau quotidienne que nous buvons. C’est parti !

    La lumière dans les douches des filles ne fonctionne pas Coup d’œil rapide à gauche, à droite, zou, dans la douche des garçons ! Mémorable…

    Toujours et encore de la méditation assise, il fait nuit cette fois et comme hier, les grenouilles tiennent le rôle d’élément perturbateur dans mon processus – très ralenti – de concentration. Nous marchons ensuite les uns derrière les autres autour de l’étang, on fait un tour, puis un autre, puis un autre, puis un autre et on s’arrête face à l’eau pendant dix bonnes minutes pendant lesquelles je me demande pourquoi on est là, pourquoi on fait ça et surtout pourquoi JE suis là, alors que mon lit m’appelle…

    La dernière demie heure de méditation tient le rôle de préparation au sommeil, mon buste ne peut pas rester vertical, il part à gauche, puis à droite et se fait rattraper par mes réflexes, qui ne me laisseraient pas m’écrouler devant tout le monde - un monde non autorisé à faire le moindre bruit cela dit - ça pourrait être drôle de mettre à l’épreuve leur concentration.
    21h, une journée de 17h derrière moi, je me précipite au lit !
    A 21h15, alors que je ne suis déjà plus de ce monde, les portes du dortoir se ferment et à 21h30, extinction des feux !

    La suite ?
    Jour 2
    Jour 3
    Jour 4
    Jour 5
    Dernière modification par Lilou ; 18/02/08 à 07:04.

  2. #2
    Avatar de Bouille
    Mélanie 40 ans

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    Je poste pas souvent mais pour le coup je crois que je vais etre ta fan #1 de tes recits !!
    Allez Lilou ecris nous la suite tres vite ! C'est vraiment interessant de savoir comment les moines vivent et comment tu l'a vecu... Merci beaucoup !

  3. #3
    Avatar de MelanieGatt
    Mélanie 45 ans

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    Allez moi je suis la fan#2 !

    J'aurai presque envie de te souhaiter bon courage, tellement j'ai l'impression que tu m'écris de ton dortoir dans le temple !

  4. #4

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    j'adore ta façon de raconter les choses , entre le chemin du combattant et le début d'un ptit espoir en tout cas, tes 2 premiers jours n'ont pas été faciles ^^