Jérémy Freyri, Vice-Président de Francogénie, a accepté de répondre à nos questions sur le métier d’ingénieurs au Québec. Un grand merci à toute son équipe !

Bonjour, peux-tu nous présenter Francogénie et nous expliquer en quoi votre association est utile aux ingénieurs qui souhaitent exercer au Québec ?

Francogénie est une organisation québécoise à but non lucratif qui regroupe les professionnels formés en génie à l’étranger, pour faciliter leur intégration au Québec. Nous offrons notamment des conférences d’information à vocation technique et sur des sujets en lien avec l’intégration professionnelle ou sociale. On organise également des rencontres de réseautage, une des clefs de l’intégration au Canada !

Être membre de Francogénie, c’est également profiter de nombreuses possibilités d’échange et d’entraide entre nos membres, à travers notre programme de mentorat :

  • des groupes de co-développement professionnel ;
  • des rencontres ciblées sur un secteur d’activité ;
  • la diffusion d’offres d’emploi ;
  • un annuaire des membres (pour n’en citer que quelques-unes).

Il y aussi différents partenariats avec d’autres organismes ou entreprises.

Enfin, être à Francogénie c’est bénéficier de multiples occasions d’être des acteurs impliqués dans la société québécoise, et d’accélérer son intégration.

Vous vous adressez principalement aux personnes détentrices d’un PVT ou d’une résidence permanente ou peut-on vous rejoindre en étant encore en France/Belgique, sans permis de travail ?

Nous ne faisons pas de sélection sur le statut d’immigration, seulement sur le milieu professionnel :

  • nous sommes une association de professionnels en génie ;
  • tu dois donc au moins avoir un diplôme ou une expérience d’ingénieur pour devenir membre.

Après, que tu sois visiteur, PVTiste, résident permanent ou citoyen canadien, cela ne nous importe que peu !

Pour ce qui est de devenir membre avant d’être au Canada, pourquoi pas ! Car il vaut même mieux ne pas attendre d’être arrivé sur place :D, on peut déjà t’aider à distance, notamment dans tes démarches pour exercer la profession d’ingénieur. N’hésite pas à prendre contact : [email protected].

Comment fait-on pour devenir membre de Francogénie et à quoi cela donne accès ?

C’est tout simple : une inscription sur notre site internet francogenie.com, puis tu payes ta cotisation annuelle (40 $ la première année, 20 $ les années suivantes), soit directement sur le site par carte bancaire, soit par chèque ou espèces lors d’un de nos évènements.

Ensuite, une fois membre tu bénéficies de nombreux avantages :

N’hésite pas à consulter le calendrier de nos prochains événements (il est disponible sur notre site internet), et à suivre :

Et inscris-toi à notre infolettre mensuelle (gratuite !).

Le métier d’ingénieur est réglementé au Québec, peux-tu nous expliquer ce que cela signifie ?

Il faut comprendre qu’ici, quand un ingénieur signe un plan, il y « appose son sceau », et en prend la responsabilité. Si le pont dont tu as signé le plan s’écroule, c’est toi qui es directement responsable ! C’est une grande responsabilité et l’accès à la profession est donc contrôlé par un ordre, comme en France c’est le cas pour un médecin, un avocat, un géomètre… D’ailleurs, ici, il n’y a pas de « Diplôme d’Ingénieur » car le diplôme ne fait pas l’ingénieur : c’est l’adhésion à l’ordre qui le fait, et généralement il faut 3 années d’expériences (le juniorat) avant de pouvoir avoir le titre complet et pouvoir signer.

Dans le détail, pour utiliser l’appellation d’« ingénieur », il faut obligatoirement être membre en règle de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ), ou de l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (OIFQ) pour porter le titre d’ingénieur forestier. Au Québec, le titre d’ingénieur est réservé exclusivement aux personnes qui détiennent un permis d’exercice. Et seul l’OIQ peut délivrer un tel permis.

L’OIQ veille ainsi à la protection du public en surveillant et contrôlant l’exercice de la profession d’ingénieur partout au Québec. Il ne faut donc pas utiliser le titre d’ingénieur ou se présenter comme ingénieur au Québec si vous n’êtes pas membre en règle de l’OIQ (les amendes sont assez salées et vous pourriez être vite blacklisté dans les réseaux professionnels : on ne peut pas avoir confiance en vous !).

Si vous n’avez pas encore votre permis, dites qu’il est en cours et présentez-vous comme « un professionnel en génie », vous disposez d’un diplôme d’ingénieur, et vous avez été ingénieur en France/Belgique/Suisse/…, mais pas ingénieur tout court !

Enfin, toutes les personnes qui ont un diplôme d’ingénieur en France, ne sont pas obligées d’avoir le titre ici : ça dépend principalement du domaine et du poste. Ici, peu d’informaticiens sont membres de l’OIQ ! Mais c’est un peu comme un investissement, c’est un outil supplémentaire pour ouvrir des portes immédiatement ou plus tard.

Et pour les chimistes et les agronomes : c’est en général à l’Ordre des Chimistes du Québec et à l’Ordre des Agronomes du Québec qu’il faut adhérer (renseignez-vous bien avant auprès des ordres, et sinon auprès de Francogénie ; nous avons certains de nos membres qui ont déjà vécu ça, ils peuvent avoir de bons conseils pour vous !).

Quelles démarches doit faire un ingénieur français/belge qui souhaite exercer au Québec ? Ces démarches doivent-elles être faites au Québec ou peut-on les anticiper ?

Les démarches diffèrent principalement en fonction du pays où tu as été diplômé :

  • Si c’est au Québec ou au Canada, la procédure est la plus simple (c’est le cas des gens qui étudient icitte!).
  • Si c’est en France, et dans une des formations mentionnées à l’annexe 2 de l’Accord de reconnaissance mutuelle (ARM*), la procédure est également assez simple.
  • Si c’est dans le reste du monde (et… la Suisse et la Belgique font partie du reste du monde), c’est beaucoup plus compliqué, car il va y avoir une analyse des études et des expériences professionnelles par l’OIQ, et souvent il va falloir passer un ou plusieurs examens techniques, ou refaire des études ici au Québec pour éviter ça.

Dans tous les cas, il est primordial de commencer les démarches avant de venir ici : par exemple, les documents nécessaires aujourd’hui pour un diplômé en France, dont la formation est listée dans l’ARM, c’est (liste indicative, consultez le site de l’OIQ) :

  • un formulaire à remplir – original de l’acte de naissance ;
  • le supplément au diplôme envoyé directement par l’école et une copie du diplôme d’ingénieur certifié conforme par l’école qui l’a attribué ;
  • une description détaillée de vos expériences en génie (stages inclus) pour faire reconnaître vos années d’expériences et réduire ainsi votre juniorat, à faire signer par vos anciens responsables.

Et c’est « assez simple » quand on compare aux diplômés du reste du monde (il y a toutefois une petite liste de pays qui font partie de l’Accord de Washington et qui ont une procédure plus simple). Mais bonne nouvelle, l’OIQ est en train de simplifier les procédures, et cela dès cette année !

Dans tous les cas, ne pas attendre la dernière minute (la procédure via l’ARM prend environ 3 mois) et se référer aux instructions de l’ordre (cet article n’est pas forcément à jour !).

Pour conclure : n’hésitez pas à contacter l’ordre en cas de question dont vous ne trouvez pas la réponse sur leur site internet. Et sinon Francogénie est toujours là !

* : arrangement de Reconnaissance Mutuelle des qualifications professionnelles entre la France et le Québec, la liste des formations (dénommées programmes) est disponible sur le site de l’OIQ.

Quel est le coût d’une telle démarche ?

Encore une fois, le coût diffère selon l’origine au diplôme, et encore plus s’il faut passer des examens techniques.

Dans le meilleur des cas, en mars 2018, pour un détenteur d’un diplôme français reconnu par l’ARM, il faudra à minima : 625 $ de frais de dossier + payer la première année de cotisation (500 $, mais au prorata de l’année restante, qui se termine le 31 mars), donc prévoir au moins dans les 1 000 $.

Il faudra ensuite, avant de pouvoir apposer le sceau passer l’examen professionnel (non technique, compter quelques dizaines d’heures d’autoformation).

Et chaque année, il faut payer sa cotisation annuelle (environ 500 $), mais généralement les entreprises prennent ça en charge 🙂 .

Mais ça a aussi un coût « temporel » car avant de posséder le droit d’apposer son sceau (et donc être un vrai ingénieur, plus un junior), il faut démontrer l’acquisition de 36 mois d’expérience en génie (dont au moins 12 mois au Canada).

En bref : un ingénieur qui arrive de France c’est un junior (pendant au mieux 12 mois), quelle que soit son expérience ! Donc avis aux plus expérimentés : votre futur superviseur peut potentiellement être plus jeune que vous 🙂

Peux-tu nous parler du marché du travail dans le domaine de l’ingénierie ? Peut-on espérer trouver du travail dans ce domaine ? Quelles compétences sont les plus recherchées ?

Avec un taux de chômage de l’ordre de 5 %, au plus bas depuis plus de 40 ans, le Québec est actuellement une destination à très fort potentiel et la profession d’ingénieur y est bien valorisée. Pas d’excès d’optimisme toutefois ! Excepté dans quelques domaines en grande pénurie (en particulier dans l’informatique), la recherche d’un emploi d’ingénieur peut prendre du temps et nécessite de s’adapter aux pratiques et vocabulaire d’ici.

Je déconseille de venir ici avec juste son diplôme en poche ! Ici l’expérience compte pour beaucoup, et on n’aime pas les « ingénieurs généralistes à la française ». Ici un ingénieur ne sait pas tout faire (à moitié) : un québécois postule sur les jobs qui correspondent à son objectif professionnel. C’est mal vu de dire : « je sais faire de la maintenance, mais aussi de la conception, et un peu de gestion production… ».

On a un domaine, ce qui n’empêche pas de pouvoir déborder sur d’autres fonctions.

Donc renseigne-toi sur les besoins dans ton domaine, pour chaque région du Québec (pour ça, IMT en ligne est ton grand ami), et n’hésite à sortir de Montréal, car si c’est là qu’il y a le plus d’emplois, cela ne veut pas dire que c’est là où il y a le plus de bonnes opportunités (voir Place aux Jeunes en Région) !

Enfin, comme tout ici, la recherche d’emploi passe énormément par le réseautage (6 à 8, rencontres d’information, bénévolat, discussion dans l’autobus…) : 80 % des postes sont comblés par réseautage. Ce qui veut dire que les offres d’emplois publiées ne représentent que 20 % du marché de l’emploi !

Là encore Francogénie peut t’aider en intégrant son réseau, mais ce ne sera que le début de ce qui te permettra d’obtenir ta job.

Reste optimiste : ici la profession d’ingénieur est bien valorisée, pense à un médecin en France, c’est un peu pareil ici avec les ingénieurs ! Le parcours est long et quelle que soit ton expérience antérieure, il faudra faire tes preuves au Québec.

As-tu des informations ou des conseils à ceux qui souhaitent s’installer dans une autre province canadienne ?

Nous sommes basés à Montréal, et plutôt centrés sur le Québec. Ensuite, pour ce qui est de la réglementation des professions au Québec, généralement chaque province a son ordre, donc je conseille aux candidats de se tourner vers l’ordre de leur province. Il peut être intéressant de faire reconnaître son diplôme par l’OIQ puis voir avec Ingénieurs Canada pour utiliser son permis hors du Québec, mais c’est à traiter au cas par cas.

Francogénie a toutefois quelques partenariats avec des réseaux hors du Québec, tu peux les consulter sur notre site internet.

Jérémy

Ingénieur junior en mécanique, je suis retourné au Québec pour y vivre et y travailler en janvier 2017 après y avoir brièvement étudié lors d'un échange universitaire à l'automne 2013.

Après une première année peu fructueuse, j'ai pu grâce à Place aux Jeunes en Région dénicher mon premier emplois québecois en génie en Région, à Saint/Tite, au pays de cowboys !

Je suis également administrateur et vice-président de l'association québecoise Francogénie, qui aide l'intégration des professionnels en génie de tous horizons à leur arrivée au Québec.

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(5) Commentaires

Francogénie I |

Pour plus de détails, n’hésitez pas à nous contacter!

Al Many I |

Je suis très biéntôt Ingénieur Diplômé du CNAM (2mois), intérressé plutôt par l’Ontario. j’ai entamé ma procédure RP. J’aimerais savoir si vos activités vont au delà du québec. Merci pour les précieuses informations.

Francogénie I |

Bonjour Al Many,
Bon courage pour ces deux derniers mois!
Nos activités sont uniquement au Québec mais nous avons des partenaires en Ontario. Tu peux contacter l’Ontario Society of Professional Engineers (OSPE : https://www.ospe.on.ca/) de la part de Francogénie.
Francogénie

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Matt I |

Bonjour,
Je suis belge et j’arrive au Canada après l’obtention de mon diplôme en maîtrise en gestion des forêts et des espaces naturels (donnant le titre d’Ingenieur forestier en Belgique et en Europe). Je détiens d’ailleurs un PVT (que je pense prolonger si je trouve de la stabilité au Québec).
Je postule aussi actuellement pour des postes en tant que Superviseur de planification forestière (sous la direction d’ingénieurs forestiers). Donc, à mon arrivée, je compte déjà avoir un travail pour financer mon logement et tout le nécessaire sur place. Cependant, au vu des démarches, je vois qu’il sera certainement nécessaire de suivre des cours (notamment sur les lois et la déontologie des forêts au Québec) et même de réaliser un stage de 32 semaines.
Je me pose donc plusieurs questions :
1. Est-il possible d’obtenir des dispenses pour certains cours dans la mesure où mon diplôme les couvriraient (étude comparative des connaissances) ?
2. Ma potentielle première année de travail au Québec peut-elle être valorisée comme stage ou preuve de formation pour ma future demande de permis en tant qu’ingénieur forestier ? Ou bien faudra-t-il réaliser une nouvelle année ?
3. Quel est le montant moyen d’une telle démarche ?
4. En combien de temps en moyenne est-il possible de réaliser cela ?
Cordialement,
Matt Willecomme

Al Many I |

Merci pour ces précieuses informations.

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