Salut Kenza ! Peux-tu nous parler un peu de toi ?
Je m’appelle Kenza, j’ai 27 ans, je suis originaire de Paris et je suis professeur de français pour les étrangers. Quand je ne travaille pas, je voyage, j’écris sur mon blog et je traîne sur Internet ! Je suis de retour à Paris après six ans à enseigner à l’étranger (Angleterre, Jersey, Canada, Australie, Hongrie) tout en préparant un retour au Canada pour 2017. La première fois que j’ai habité au Canada, j’étais lectrice et prof à l’université de Brandon, au Manitoba, en 2013-2014.
Comment as-tu trouvé cette offre d’emploi ?
Quand je suis partie au Manitoba en 2013, c’était par le biais du programme d’échange d’enseignants du CIEP, un organisme français rattaché au Ministère de l’Éducation Nationale s’occupant entre autres des assistants de langue et des diplômes de français. Il est possible de partir enseigner dans une quinzaine de pays dans le monde. Au Canada, il y a vingt postes de lecteurs proposés dans une douzaine d’universités de la partie anglophone.
Pour postuler pour le Canada, il faut être inscrit à l’université en M1 de FLE ou d’anglais l’année avant de partir. On remplit un dossier en ligne, on a un entretien de motivation et de niveau de langue avec un professeur. Le dossier est à rendre début janvier et la réponse arrive en avril. Il est possible de faire des vœux d’affectation mais j’avais coché « pas de préférence » et c’est comme ça que je me suis retrouvée au Manitoba pour un an.
En terme de permis de travail, comment ça s’est passé ?
On nous faisait un permis de travail fermé : il fallait le formulaire de la famille, une lettre justificative du CIEP qui nous exonérait des frais, des copies des diplômes, la copie du passeport, un CV il me semble et une lettre expliquant en quoi ce poste était dans la continuité de nos études et expériences. C’était avant l’informatisation obligatoire donc j’ai pu tout envoyer par courrier, mais j’ai dû attendre plus de deux mois avant de recevoir ma lettre par email et ainsi pouvoir acheter mes billets d’avion.
Une fois arrivée à l’immigration, en présentant contrat et lettre, l’officier a établi mon permis de travail et en a même prolongé la validité d’un mois. Pas besoin d’assurance, de visite médicale ni de preuve de fonds, mais par contre la démarche est plus compliquée aujourd’hui, les universités doivent fournir pas mal de papiers de leur côté également.
Quel était ton quotidien ?
Ma semaine en période de cours ressemblait à peu près à ça : rien le lundi, juste un peu de paperasse, corrections de copie, ménage et lessives. Cours mardi, mercredi et jeudi. J’avais 5 heures de cours et je passais le reste du temps dans mon bureau à préparer, accueillir les étudiants pour du tutorat ou corriger des copies. J’écrivais mon mémoire de Master 2 aussi. Le vendredi je ne faisais pas grand-chose, souvent la fête avec mes amis internationaux, samedi et dimanche c’était brunch et sorties avec les copines, ou bien dans leurs familles ou bien dans notre ville et dimanche on passait la soirée devant The Walking Dead en grignotant de la junk food.
Dès qu’il y avait plus de quatre jours sans cours je partais en vacances ! J’ai fait plusieurs road-trip en Greyhoud et en avion : un en Alberta, un à Vancouver et sur l’île, un entre Québec et Toronto et surtout un de cinq semaines qui m’a fait partir de Chicago, descendre à la Nouvelle-Orléans, passer en Floride et remonter toute la côte est américaine.
Je vivais dans une chambre individuelle sur le campus au 10e étage de la plus haute tour de la ville qui comporte… onze étages. Les couchers de soleil de ma fenêtre étaient sublimes. Faute de cuisine, je devais manger à la cafétéria, qui avait des menus et horaires très canadiens : impossible de dîner après 19 h ou autrement qu’entre 11 h et 16 h le week-end. Le campus, bien que petit, avait un bar, un café, un ciné, un salon de coiffure et quelques activités y étaient organisées.
Mes étudiants avaient des profils différents. Certains n’étaient jamais sortis du Manitoba et apprenaient le français pour pouvoir élargir leurs horizons professionnels. Certains internationaux venaient de pays francophones et prenaient français pour avoir des crédits sans trop d’efforts (indice : il s’agissait en général des sportifs). D’autres étaient quasi bilingues car ils avaient suivi leur scolarité au secondaire en français ou bien étaient partis habiter quelques années au Québec. La plupart était adorable, et à force de côtoyer de près ceux qui vivaient aussi en résidence, on était copains. Je suis invitée au mariage de l’une de mes étudiantes l’année prochaine !
En quoi enseigner au Canada était différent de ce que tu connaissais déjà ?
J’étais dans une toute petite université assez mal cotée et j’ai été stupéfaite de découvrir des tableaux à craie, des livres d’exercices de grammaire datant des années 50, des vieilles VHS et des cassettes audio. Il n’y avait aucune technologie, ce qui m’a vraiment surprise.
Les élèves étaient censés s’immerger dans la culture française via une vidéo digne de Plus Belle la Vie un jour de pluie, bourrée de clichés et de trucs faux. Du coup je m’attachais à défaire tout cela et leur montrer le vrai quotidien en France.
Même si ma fac n’avait pas de frais de scolarité très élevés, on est dans une relation marchande : l’étudiant a payé. C’est donc très difficile pour eux d’échouer, payer devrait à leurs yeux, en général, garantir leur réussite. Les profs, bien installés dans leurs bureaux individuels, se plient en quatre pour les étudiants, les évaluations sont beaucoup plus souples qu’en France. Les classes étaient petites et les amphis à trois cents personnes n’existent pas. Mais chaque système a ses avantages et ses inconvénients…
Comment était ta vie à Brandon, au Manitoba ?
À la fois calme et trépidante ! La ville était minuscule. Située à 2 h de Winnipeg, c’est la seconde ville de la province mais elle n’a que quarante mille habitants et la numérotation des rues s’arrête à la 38th Street… il y avait un mall, un cinéma, deux cafés indépendants, une dizaine de Tim Hortons forcément, pas mal de bars, une gare routière et c’est à peu près tout. Du coup, on créait notre propre amusement… J’avais deux groupes d’amis, les étudiants internationaux de l’université et des Canadiens, rencontrés via Couchsurfing. Et on trouvait toujours quelque chose à faire, un match de hockey à aller voir, un brunch ou une poutine à aller tester. Il y a eu de la neige de novembre à avril et il a fait entre moins 30 et moins 50 tout ce temps, donc on n’a pas pu faire beaucoup d’activités en extérieur mais ce n’est que partie remise.
As-tu connu quelques galères ?
La première qui me vient à l’esprit concerne l’entrée aux Etats-Unis. Pour mon road-trip, je partais de l’aéroport de Winnipeg où la douane américaine est installée. Ayant été par la route au Dakota du Nord quelques semaines avant, j’avais un formulaire I-94W et un tampon dans mon passeport et pensais que cela suffisait. Mais non, il a fallu que je paye un ESTA, y allant cette fois-ci par voie aérienne. J’étais un peu anxieuse – c’était mon premier vrai gros voyage seule – et les douaniers m’ont retenue plusieurs dizaines de minutes pour me soumettre à un interrogatoire et vérifier le moindre item de mon sac-à-dos que j’avais gardé en bagage cabine. Malgré mon billet d’avion retour pour le Canada et mon permis de travail encore valide plusieurs mois, ils ne voulaient pas croire que je ne partais qu’en vacances. Si mon avion n’avait pas été en retard, je l’aurais manqué et j’ai passé le vol entier à me stresser en me demandant s’il fallait que je repasse les contrôles à l’arrivée à Chicago.
Ça m’a servi de leçon, maintenant je prépare bien mieux mes passages à l’immigration, avec des confirmations, des adresses de logement, sans me ronger les ongles et en ayant l’air sûre de moi.
Quels sont tes plus beaux souvenirs ?
Les moments très canadiens, les heures passées à rouler dans les Prairies enneigées, les brunches et le sirop d’érable, tous ces moments avec ces gens qui m’ont ouvert leurs vies et ont tout fait pour m’intégrer le plus facilement possible, avec des matchs de hockey, de football américain, des vidéos des programmes de leur enfance. L’intégration a été culturelle et culinaire aussi.
Les voyages également m’ont bien sûr laissé un beau souvenir, tous à leur façon. Je suis tombée amoureuse du Canada cette année-là et partir a été très douloureux.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite se lancer en tant que prof de FLE au Canada ?
Honnêtement je ne sais pas ! Je manque de recul sur la question, c’est difficile car c’est aussi une langue officielle donc c’est une problématique de français langue seconde et pas de langue étrangère. J’ai l’impression que dans certains endroits être natif (et en possession d’un permis de travail) suffit, sans diplôme ou expérience préalable. Dans d’autres endroits, le recrutement semble plus sélectif et il est très difficile de se faire recruter à distance. Je ne peux pas encore très bien répondre ?
Aujourd’hui, quels sont tes projets ?
Un retour au Canada !!! J’attends cela depuis mai 2014 ! J’ai été tirée au sort parmi les PVT 2016 et ai reçu la LI au mois de juin – avec beaucoup de chance (mon dossier n’était pas hyper complet, il me manquait des casiers judiciaires). Je pense partir au printemps prochain et je vais m’installer à Winnipeg, pour la proximité avec mes amis, le réseau que j’y ai et parce que la province manque grandement de francophones. Le but est de demander la résidence permanente et de ne plus partir !
(8) Commentaires
Oh Kenza décidément je te trouve partout ! L’Australie c’est fini alors ?
Je suis partout sur Internet hihi (mais c’est peut-être pas une bonne chose !)
Oui, j’ai fait mon temps et pas de farm work, l’an dernier j’enseignais à Budapest, là je suis à Paris avant de retourner au Canada où un job de prof de FLE m’attend 🙂
Bonjour Kenza! Je m’appelle Elodie et moi aussi j’ai été lectrice à Brandon! J’ai adoré lire ton récit! J’y suis allée de septembre 2008 à mai 2009. J’ai adoré mon expérience là bas et je suis tombée en amour avec le Canada comme toi! Je suis actuellement à Montréal et cet après midi j’ai rencontré Rachel! Elle est à la retraite et est venue s’installer à Montréal!
En tout cas si tu passes par Montréal cela me ferait très plaisir de te rencontrer! A bientôt, Elodie.
Ah c’est énorme 😀
Et un autre truc de fou! Au travail j’ai rencontré un garçon qui a aussi étudié à brandon et qui ta rencontre il s’appelle Ali il est tres grand et il te passe le bonjour. Le monde est vraiment petit!
Merci Kenza !! Et bravo pour ton PVT 2016 🙂
Merci Lilou ! je t’ai manquée à la dernière rencontre PVtistes mais j’espère qu’il y aura d’autres occasions !
Hello ! Oui on espère en refaire à Paris, ce sera un plaisir 😉
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