Bonjour ! Peux-tu te présenter en quelques lignes ?
Je m’appelle Aurélie, j’ai 29 ans. J’ai grandi à Châteaulin dans le Finistère. Après l’obtention de mon bac, j’ai fait des études de droit. J’ai profité de cette période pour découvrir plusieurs villes de France. J’ai donc étudié à Brest, Amiens, Lyon et Rennes. Après mes études, j’ai travaillé pendant deux ans en tant que juriste. Ma situation professionnelle ne me convenait pas, ma soif de voyage était de plus en plus présente et j’allais bientôt atteindre mes 30 ans. Il était temps de partir ! J’ai proposé à Franck, mon compagnon, de partir et il a aussitôt accepté.
Je voulais partir dans un pays anglophone pour améliorer mon anglais. Nous avons vite évincé le Canada car nous y connaissons déjà plusieurs personnes et, pour un premier PVT, nous voulions vivre notre propre aventure et ne pas être tentés d’aller vers la facilité. Nous avons pas mal hésité entre la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Nous avons finalement choisi la Nouvelle-Zélande car la mentalité des kiwis et leur rapport à la nature semblaient mieux nous correspondre. La taille du pays a aussi influencé notre choix. Il est plus facile de voyager dans un pays qui ne fait pas la taille d’un continent ! Nous sommes donc arrivés à Auckland le 23 juin 2016.
Peux-tu nous parler de ton handicap ?
Je suis atteinte de la maladie du Strümpell-Lorrain, également appelée paraplégie spastique héréditaire. C’est une maladie génétique neuro-musculaire dégénérative, ce qui veut dire que la maladie progresse avec le temps. Il existe plusieurs formes de la maladie plus ou moins sévères. Pour ma part, elle ne touche que mes membres inférieurs.
La marche est difficile et me fatigue rapidement. J’utilise une canne pour les courtes distances et un fauteuil roulant pour les trajets plus longs. Je peux monter et descendre des escaliers si ceux-ci sont équipés d’une rampe d’appui. Concernant la vie au quotidien, je suis autonome. Je n’ai pas besoin de l’assistance d’une tierce personne à mon domicile ou au travail. Je peux avoir besoin d’aide pour porter des choses lourdes ou volumineuses en raison de mon manque d’équilibre.
La demande de Working Holiday Visa n’a pas été si simple qu’elle peut l’être pour la plupart des pvtistes et tu as dû te battre pour faire reconnaître ton aptitude à partir en WHV…
C’est vrai que ça a été un peu le parcours du combattant.
Dans la liste de questions à laquelle il faut répondre lors de la demande de Working Holiday Visa, il y en a une demandant si l’on est atteint d’un handicap physique ou mental. J’ai coché la case « oui » et, même si j’ai pris le soin d’expliquer que je possédais déjà tout le matériel nécessaire et que je n’avais pas besoin d’assistance dans ma vie quotidienne. Ça été le début de la galère.
L’immigration m’a demandé de passer un examen médical ainsi qu’une analyse sanguine et une radio des poumons. J’avais deux semaines pour passer les examens auprès de médecins agréés par les services de l’immigration néo-zélandaise et pour que les résultats médicaux leur soit transmis.
Petite précision si ça vous arrive : les frais médicaux sont onéreux et ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale car les examens sont faits dans le cadre d’une demande de visa. Tous les documents médicaux sont également à faire traduire par des organismes certifiés, ce qui coûte cher.
J’ai rencontré un médecin à Paris quelques jours plus tard. Je lui ai expliqué la maladie, lui ai précisé que je suis autonome au quotidien et que je travaille à temps plein. En réponse, il s’est contenté de me demander si je suis capable d’aller aux toilettes et de me laver seule… À ce moment-là je me suis sentie humiliée. Le médecin m’a demandé de faire traduire mon bilan médical par un organisme agréé pour le joindre à son évaluation mais je savais déjà qu’il allait transmettre un avis défavorable. Le délai de deux semaines est intenable. L’immigration m’a accordé 5 jours de plus.
2 mois plus tard, l’immigration néo-zélandaise me répond qu’en raison de mon état de santé, mon visa va être refusé. Leurs médecins pensent que je ne peux pas travailler. Je suis invitée, si je le souhaite, à apporter un second argumentaire médical traduit pour essayer de les convaincre du contraire.
J’ai 15 jours pour fournir ce document. Je contacte mon médecin spécialiste qui accepte de me recevoir en urgence et de me faire un bilan très détaillé insistant sur mon autonomie professionnelle et personnelle ainsi que sur l’absence de nécessité de soins hebdomadaires puisque, faisant de la kinésithérapie depuis une quinzaine d’années, je connais les exercices à faire. Je fais traduire le bilan et le transmets à l’agent qui suit mon dossier. Un mois plus tard, j’ai finalement obtenu mon PVT !
Partir en PVT à l’autre bout du monde avec un handicap physique nécessite certainement des préparatifs particuliers…
C’est la première fois que je partais aussi loin sur une longue durée alors je pense que je me suis posée les mêmes questions que beaucoup de pvtistes. « Quelle assurance ? » « Quels billets d’avions ? » « Que mettre dans ma valise ? » …
Concernant l’assurance, mon handicap n’a pas changé grand-chose. Il n’existe pas de traitement donc je n’ai pas besoin de médicament mais il est conseillé de faire des séances de kinésithérapie toutes les semaines.
Aucune assurance de voyage ne prend en charge les frais médicaux liés à une pathologie préexistante. Il restait la solution de se renseigner sur d’autres assurances plus spécifiques et bien plus chères.
Avant de partir j’en ai parlé avec mon médecin spécialiste et nous en avons conclu que je fais ces exercices et étirements depuis suffisamment longtemps pour pouvoir les faire sans la présence d’un thérapeute. Du coup, je ne vais pas voir de kinésithérapeute depuis que je suis en Nouvelle-Zélande et je fais mes séances de rééducation moi-même. J’ai donc opté pour une simple assurance de voyage (Globe PVT). Pour le moment je n’ai pas eu à m’en servir. J’ai également bénéficié d’autres garanties sur les trois premiers mois du voyage grâce au paiement de mes billets d’avion par carte bancaire.
Je n’ai en revanche pas reçu d’aide, financière ou autres, pour ce voyage.
Au niveau paperasse, il y avait aussi la question de la carte de stationnement handicapée.
Avant le départ j’ai contacté par mail le CCS Disability Action pour savoir si je pouvais bénéficier d’une carte de stationnement néo-zélandaise pour une durée d’un an. Ils m’ont répondu qu’une fois arrivée en Nouvelle-Zélande, il fallait que je leur communique la photocopie de ma carte de stationnement française, mon adresse en Nouvelle-Zélande et que je paie 35 $NZ. Tout s’est très bien passé, j’ai reçu mon mobility parking permit une dizaine de jours plus tard.
La question des billets d’avion est aussi à prendre au sérieux quand on voyage avec un fauteuil roulant. Celui-ci est indispensable et il coûte plusieurs milliers d’euros alors on ne veut pas de soucis.
Il vaut mieux choisir une compagnie fiable et faire le moins d’escales possibles pour être sûr que le fauteuil arrive à destination et en entier. Je n’ai jamais eu de soucis en prenant l’avion mais il y a plusieurs personnes qui se sont retrouvées sans fauteuil ou avec un fauteuil endommagé à l’arrivée. Du coup, j’ai opté pour des vols avec Emirates avec une escale à Dubaï et un arrêt d’une semaine à Sydney. Autant en profiter !
Au niveau de mes affaires j’ai emporté les mêmes affaires que tout le monde et j’ai rajouté quelques items du fait du handicap :
- Des clés Allen pour pouvoir démonter et remonter certains éléments du fauteuil ;
- des bas de contentions et des médicaments pour limiter les douleurs dans les jambes du fait de la longueur du vol. Il faut avoir les ordonnances et garder les médicaments dans leurs boîtes au cas où il y aurait un contrôle à la douane ;
- des embouts de cannes ;
- ma carte de stationnement handicapée française ;
- mes bilans médicaux en français et en anglais, en cas de besoin.
Vous avez finalement posé le pied (et les roulettes !) en Nouvelle-Zélande…
Nous sommes arrivés à Auckland le 23 juin. Nous avions prévu d’y rester pendant deux semaines le temps de faire toutes les démarches (banque, IRD, lignes téléphoniques…) et d’acheter une voiture avant d’aller à notre premier HelpX près de Whakatane. Je n’ai pas besoin de véhicule aménagé donc nous avons facilement trouvé un break suffisamment grand pour y dormir occasionnellement. Finalement, en une semaine, tout était réglé. Du coup nous sommes partis à l’improviste pour un road trip d’une semaine dans le Northland. On a dû composer avec les pluies hivernales et les courtes journées mais on a surtout passé de superbes moments à découvrir nos premiers paysages néo-zélandais et échanger avec les kiwis lors de couchsurfings !
Vois-tu une différence entre la France et la Nouvelle-Zélande (et les autres pays où tu es allée) quant à la considération accordée aux personnes handicapées ?
Au niveau de l’accessibilité, j’ai l’impression que la Nouvelle-Zélande fournit plus d’efforts. Les bus sont équipés de rampes dépliables pour permettre aux fauteuils d’y monter et il y a un emplacement réservé, comme en France. Les entrées des commerces et des bâtiments publics me semblent plus souvent à niveau, par exemple. Les trottoirs sont accessibles quasiment tout le temps.
Le plus dur finalement c’est d’affronter le relief néo-zélandais. Du fait de la présence de nombreux volcans et des massifs montagneux, Il y a beaucoup de montées et de descentes très raides qu’il est difficile voire impossible d’affronter seul en fauteuil roulant manuel. J’ai remarqué aussi qu’il y a souvent quelques marches à l’entrée des maisons.
Je ne pense pas qu’il y ait de grandes différences dans la façon des personnes de se comporter vis-à-vis du handicap. Que ce soit en France ou en Nouvelle-Zélande, la plupart des gens sont bienveillants mais il y a toujours des personnes, par exemple, qui utilisent indûment les stationnements réservés.
Du côté professionnel, je n’ai qu’un aperçu car, pour le moment, je n’ai pas réellement cherché de travail.
Je me suis juste inscrite dans une agence de recrutement en prévision. Lors de mon entretien d’inscription, la consultante a abordé le sujet du handicap seulement pour me dire de ne pas m’inquiéter pour l’accès des bureaux car 90 % des bâtiments professionnels sont accessibles, selon elle. Je pense en effet que la difficulté de l’emploi ne vient pas de l’accessibilité des locaux. Pour un PVTiste en situation d’handicap moteur le plus dur sera plutôt de trouver un emploi ne sollicitant pas des capacités physiques. C’est tout de suite plus difficile de trouver du travail quand on ne peut pas travailler dans la restauration, l’hôtellerie ou le fruit picking, surtout s’il n’est pas possible d’exercer le métier que l’on avait en France.
Me concernant, pour le moment, je ne cherche pas de travail car j’ai deux road trips sur l’Île du Sud avant la fin de l’année. Et pour la suite, je pense essayer de travailler dans le domaine de l’accessibilité, voire peut-être même développer mon propre projet.
L’État néo-zélandais a mis en place le Mainstream Employment program pour aider l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Ce programme permet à l’employeur d’obtenir des subventions, et des formations peuvent être suivies pour l’employé et son manager. Mais pour bénéficier de ces aides il y a de nombreuses conditions. Il faut notamment être citoyen ou résident néo-zélandais, ce qui exclut les pvtistes. Il y aussi des cabinets de recrutement spécialisés, comme Workbridge. Mais encore une fois, il faut être au minimum résident.
Au niveau du HelpX, aucun souci. J’ai même été très agréablement surprise. Je craignais de ne pas trouver d’HelpX à cause de mon handicap mais j’ai toujours reçu des réponses positives à mes demandes. Certaines fois, ce sont même les hôtes qui m’ont proposé de venir travailler chez eux. Concernant le travail en lui-même, les hôtes m’ont toujours proposé des tâches adaptées. Ils m’ont souvent laissé le choix concernant mon travail de la journée et ont toujours veillé à ce que je puisse travailler dans de bonnes conditions. Des fois, c’est en me proposant un siège ou un tabouret adapté à la tâche par exemple et d’autres fois, en me laissant conduire le quad plutôt que la moto. Notre première hôte a même fait rajouter une main courante sur les escaliers extérieurs avant notre arrivée pour que je puisse accéder à la maison plus facilement.
Du coup, grâce à cette bienveillance des Kiwis, j’ai pu faire plein de tâches différentes : cuisiner, repasser, retaper des canapés, faire du jardinage, nourrir les veaux, s’occuper des enfants, faire des papiers, cirer des meubles…
Tu as même pu tester un prototype de fauteuil roulant créé par un kiwi !
Lorsque je suis arrivée en Nouvelle-Zélande, une de premières choses que j’ai faites a été d’acheter une voiture. Je l’ai achetée à une Française qui n’allait pas tarder à quitter le pays. On a parlé de ses expériences en HelpX et elle m’a conseillé une famille à Taupo. C’est, quelques semaines plus tard, lorsque nous étions dans cette famille, que Hugh, le mari, nous a parlé d’un nouveau fauteuil roulant conçu par un Kiwi et nous a montré une vidéo. J’ai donc contacté l’équipe qui développe ce fauteuil, je leur ai expliqué la dynamique de mon blog et leur ai demandé si on pouvait se rencontrer. Il a immédiatement accepté. Voila comment j’ai pu tester le OGO et rencontrer l’équipe à l’origine du projet.
Le OGO, c’est un prototype de fauteuil roulant utilisant la technologie Segway : il se contrôle sans utiliser les mains, juste grâce à un système de stabilisation gyroscopique ! Ne pas avoir besoin de ses bras pour avancer ça change beaucoup de choses. Par exemple, une personne amputée des membres supérieurs ayant besoin d’un fauteuil roulant pour se déplacer peut le faire sans l’aide de personne !
Concrètement, comment ça fonctionne ? Grâce aux mouvements du bassin ! Il suffit juste de s’incliner légèrement vers l’avant pour avancer et de pencher le bassin tout aussi légèrement en arrière pour reculer. Pour se déplacer sur les côtés c’est exactement le même système : il suffit de se pencher à droite ou à gauche. Les mouvements sont très fluides. Beaucoup plus qu’avec un fauteuil roulant « traditionnel ». Et pour ceux qui préfèrent, il est possible d’utiliser un joystick pour contrôler les déplacements. Plus l’inclinaison est forte plus le fauteuil roulant va vite. Il peut aller jusqu’à 20km/h et affronte sans problème les montées raides. Les descentes abruptes sont également plus agréables car l’assise reste horizontale. Du coup la peur que l’on peut avoir dans les fortes descentes, du fait de la forte inclinaison du fauteuil et de notre corps, disparaît !
Et en plus, avec le OGO il est possible de se déplacer sur des terrains irréguliers. On passe du béton, aux graviers et à la pelouse sans difficulté. Et en utilisant la seconde paire de pneus qui est tout-terrain, il est possible de faire une balade en forêt ou une promenade sur la plage sans aucune difficulté ! Ça change du fauteuil roulant traditionnel avec lequel se serait au minimum une grosse galère voire impossible.
Bref, je suis fan !
Si vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas à aller directement sur leur site ou à lire l’article qui y est entièrement consacré sur mon blog « I wheel travel ».
As-tu des conseils à donner aux personnes en situation de handicap physique qui souhaitent partir en PVT, peu importe le pays, et que dirais-tu à celles qui ont peur de partir ?
Osez ! Ne soyez pas votre propre limite !
Et si vous rencontrez des obstacles, ne lâchez rien ! La découverte d’un pays, d’une culture et la sensation de liberté que cela procure, valent largement les efforts que vous aurez fournis !
(11)Commentaires
J aime bien vivre en nv z.et merci a tte l equipe.ahmed.
J'ai quelques problèmes de santé chronique et ce genre de témoignage pourra me servir à rassurer ma famille (ils demandent pour les problèmes de santé non répertoriés ?)
Au plaisir de suivre la suite de tes aventures 😉
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